Ils sont dix à vouloir être le candidat socialiste à la maire de Marseille. Mais ils ne jouent pas tous dans la même catégorie... (J.C.S)

Marseille : Les primaires socialistes sont fermées de l’intérieur

A une semaine de la date limite pour le dépôt des parrainages, il ne fait plus guère de doute que le processus des primaires PS pour les municipales à Marseille est verrouillé. Théoriquement, dix candidats sont en course. Théoriquement... 

Idéalement, l’organisation de primaires pour choisir leur candidat à la mairie devait impulser aux socialistes marseillais un élan irrépressible pour les mener à la victoire en 2014. 

Rien ne dit que ce ne sera pas le cas. Mais pour l’heure, la mise en place de cette échéance a de quoi laisser sceptique. Le choix des primaires a été fait car elles étaient censées garantir un processus démocratique exemplaire. Avec pour objectif de redorer localement l’image d’un parti sérieusement ternie par des affaires à répétition (Guérini, Andrieux). 

La mise sous tutelle de la fédération des Bouches-du-Rhône pouvait même apparaître comme le gage d’une organisation transparente et sans faille. Les candidats se sont donc fait connaître, les uns après les autres. A ce jour, ils sont dix sur la ligne de départ. 

 

Plusieurs catégories

En imaginant un combat de boxe, la classification se ferait ainsi : quatre poids lourds : Marie-Arlette Carlotti, Samia Ghali, Eugène Caselli, Patrick Mennucci.  Deux poids moyens : Henri Jibrayel et Christophe Masse. Et quatre poids coqs : Hafid Abdelkrim, Adrien Akroune, Hacen Boukhelifa et Pierre-Alain Cardona.  

Avec pour chacun des prétendants, une première mission à remplir pour voir sa candidature validée : recueillir 1500 parrainages. 1300 auprès de citoyens marseillais, et 200 auprès de militants socialistes. 

Les parrainages citoyens, tous les candidats doivent aller les chercher, à force de rencontres, de tractages sur les marchés, ou de porte à porte. Le défi est conséquent, mais il paraît réalisable, même pour un poids coq. Les signatures de militants, en revanche...

Depuis que la règle des parrainages est établie, le flou règne autour du nombre de militants en capacité d’apporter leurs signatures. Ils doivent être adhérents au PS et à jour de leur cotisation. Ils seraient entre 2000 et 4000 dans ce cas. 

Depuis plusieurs semaines, Hacen Boukhelifa, qui a déclaré sa candidature à la mairie dès le mois de janvier, se bat pour obtenir une liste de ces militants, avec leurs coordonnées. Peine perdue. 

Le 8 juillet, les candidats doivent remettre leurs parrainages pour qu’ils soient soumis à vérification. Or, la liste définitive des militants à jour devrait être dressée le 5 juillet. Ce qui laisse un week-end pour partir à la chasse aux signatures. Un peu court...

Pierre-Alain Cardona a déclaré sa candidature plus tardivement, courant juin. Sachant qu’il ne pourrait pas compter sur le listing détaillé, il espérait aller à la rencontre des militants pour les convaincre de le parrainer. Il s’est heurté à un mur. 

“Rien n’est organisé par les sections. Hormis dans la section 308, aucune réunion n’a été mise en place qui permettrait à tous les candidats de présenter leurs projets devant les militants. Personne n’a intérêt à débattre.”

 

Une seule section a fait place au débat

Jeudi dernier, effectivement, la section 308, celle du 8e arrondissement, a invité tous les candidats à un débat. La moitié ne s’est pas déplacée. Seuls étaient présents les quatre poids coqs, et Patrick Mennucci. 

“Heureusement, il y avait des militants de toutes les sections qui étaient là, et ils étaient ravis de ce débat. Il aurait dû en être ainsi dans chaque section, lance H. Boukhelifa. Au lieu de ça, on a assisté à un véritable verrouillage. Dans certaines sections, la directive, c'est de parrainer Untel, et personne d'autre. Il y a eu des pressions et des intimidations pour que des militants, qui étaient prêts à accorder leurs parrainages en toute indépendance, n’aient pas la possibilité de le faire.”

Même du côté des poids lourds, ce système opaque de parrainages militants est redouté. “On a le nombre, explique ainsi Joël Canicave, directeur de campagne de Marie-Arlette Carlotti, mais on continue à mobiliser jusqu’au bout, au cas où quelques parrainages venaient à être invalidés au dernier moment.”

La liste définitive pourrait donc être extensible à volonté, ou presque, font remarquer certains candidats. Ainsi, des militants, persuadés d’être à jour de leur cotisation, pourraient par exemple découvrir qu’ils sont en fait donateurs et non pas adhérents. 

“Il aurait mieux valu ajouter des parrainages d’élus, ça aurait été plus clair, ironise P.A Cardona. Mettre en place un système de parrainage militant, sans donner la possibilité à chacun de les obtenir, c’est d’une totale hypocrisie.”

 

La tutelle aux abonnés absents

Du côté de la tutelle, on fait la sourde oreille. Alain Fontanel et Christophe Borgel, les deux responsables désignés par Paris pour gérer le PS 13, préfèrent manifestement de ne pas s’embarrasser avec ces remous. Malgré nos sollicitations, ils ont choisi de se murer dans un silence bien plus commode pour eux. 

Dans quelques jours, les quatre poids lourds, ainsi que probablement les deux poids moyens, devraient être désignés candidats. Commencera alors la deuxième phase. Quant aux coqs, certains tenteront de continuer à occuper l’éphémère espace qui leur a été accordé. 

“Jusqu’aux primaires, je n’apporterai mon soutien à personne, affirme P.A Cardona. Et je continuerai la démarche qui a été la mienne dans cette pré-campagne : faire vivre un espace de débat, dans l’intérêt des Marseillais.”

Reste à savoir justement où se trouve l’intérêt de Marseillais dans toute cette histoire. Une primaire ouverte aurait pu mobiliser les habitants, les inciter à participer. C’est une sorte de “scrutin interne ouvert” qui se prépare. 

Les réseaux des uns et des autres risquent de s’emparer de l’élection. Chacun pourra évaluer combien il pèse, qui sont vraiment les poids lourds, et comment se noueront les alliances à l’horizon 2014. 

Toutes les hypothèses sont ouvertes. Y compris celle d’un scénario alambiqué, au résultat ultra serré, façon guerre des chefs à l’UMP, avec comptage, recomptage, et rerecomptage. L’effet pourrait bien être dévastateur sur la population marseillaise. 

“Les primaires sont le gage de la réussite de l’alternance politique, estime H. Boukhelifa. Si nous ne sommes pas capables de les organiser en toute transparence, comment pourrions-nous convaincre les Marseillais que nous pouvons gérer la ville ?”