Engagé dans les milieux indépendantistes catalans, Nouredine Ziani est menacé d’expulsion pour espionnage. (D. R.)

Un Marocain engagé pour l’indépendance de la Catalogne bientôt expulsé d’Espagne pour espionnage

Noureddine Ziani, ressortissant marocain résidant en Catalogne depuis une quinzaine d’années devrait être expulsé d’Espagne demain. Il est soupçonné d’être un espion marocain, mais c’est surtout son activisme pour l’indépendance de la Catalogne qui a motivé la décision des autorités espagnoles. 

L’histoire est peu banale. Elle mêle les services secrets espagnols et marocains, l’islam, les salafistes, les indépendantistes catalans et le Polisario, qui lutte pour l’autonomie du Sahara occidental. 

C’est ce cocktail détonnant qui a conduit le Centre Nacional de Inteligencia (CNI, le service du renseignement espagnol) à demander, début mai, l’expulsion de Noureddine Ziani. Malgré la requête en appel, déposée par l’intéressé, la procédure a de fortes chances d’être exécutée très rapidement, peut-être même dès demain. 

Agé de 45 ans, Noureddine Ziani est installé en Espagne depuis 1999. Il lui est reproché une collaboration étroite avec la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED, les services secrets marocains).Ses allégations sont toutefois difficiles à démontrer. 

 

Proche des indépendantistes catalans

En revanche, ce qui n’est fait aucun doute, c’est que M. Ziani est engagé auprès d’associations très proches du courant indépendantiste catalan. Il dirige notamment l’Union des Centres Culturels Islamiques de Catalogne (UCCIC), qui regroupe environ 75 mosquées sur la région, ainsi que l’espace catalo-marocain de la Fondation “Nous Catalans” (Nouveaux Catalans, en langue catalane). Cette Fondation a été créée par le parti de droite indépendantiste Convergence Démocratique Catalane (CDC). 

La Catalogne est inscrite dans une démarche vers l’indépendance totale vis-à-vis de Madrid, un référendum en ce sens doit se tenir en 2014. Le rôle de Noureddine Ziani dans l’aboutissement de ce processus est loin d’être négligeable. 

L’engagement de M. Ziani dans la promotion du projet indépendantiste auprès des Marocains résidant en Catalogne, et plus largement auprès des immigrés de confession musulmane, est indéniable. Le 11 septembre dernier, jour de la fête nationale de Catalogne, quelques milliers de Marocains avaient manifesté aux côtés de plus de 2 millions de Catalans, pour réclamer l’indépendance. 

En tout, l’aire d’influence de M. Ziani pourrait toucher environ 300 000 personnes, et c’est plutôt cet aspect des choses qui aurait provoqué la mesure de son expulsion. C’est en tout cas l’interprétation qu’en font le CDC, ainsi que la Gauche Catalane Républicaine (ERC), qui estiment tous deux que cette décision vise à destabiliser le processus souverainiste de la Catalogne. 

Espionnage et islam radical 

Pour les services secrets espagnols, la lecture des événements est tout autre. Le général Felix Sanz-Roldan, directeur du CNI considère en effet que M. Ziani est “un collaborateur de haut niveau d’un service d’intelligence étranger”, autrement dit le DGED marocain. 

En outre, le patron du CNI accuse M. Ziani d’être en contact “avec les principaux leaders salafistes, afin de “favoriser l’expansion en Espagne des thèses radicales.” Noureddine Ziani s’est vivement défendu de ces allégations, en déclarant aux médias espagnols qu’il est le représentant du “contraire de l’islam radical”, et que son association rassemble “des femmes et des représentants de la société civile.”

La presse espagnole, en particulier El Pais, indique par ailleurs que le Ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger aurait versé près de 160 000 euros à l’UCCIC en l'espace de tois ans. Selon le quotidien madrilène, les sommes auraient pu servir, entre autres, à organiser des “rassemblements de soutien au régime marocain”, pour s’opposer aux séparatistes saharaouis du Polisario. 

En tout état de cause, l’affaire semble des plus complexes. Dans l’attente d’un ordre d’expulsion, qui pourrait être donné dès demain, une requête auprès du Parlement européen a été engagée, en plus de l’appel déposé auprès des instances espagnoles, dont les chances d’aboutir sont toutefois très minces.