Mohamed Bouklit se retire de l'élection législative et adresse une lettre ouverte aux autres candidats
Par nicolas éthèvePublié le
Mohamed Bouklit que nous avions présenté et interviewé ici sur Médiaterranée, suite à son départ du Front de Gauche, a décidé de retirer sa candidature citoyenne aux élections législatives sur la 2ème circonscription de l'Hérault. Il l'a annoncé mercredi matin à l'occasion d'une conférence de presse, en expliquant ne pas se présenter à ce scrutin pour ne pas favoriser la montée du Front National sur la 2ème circonscription par le biais d'une multiplication des candidatures à gauche.
Mais s'il se retire de la campagne politique, Mohamed Bouklit ne se retire pas de la campagne citoyenne. C'est dans ce sens qu'il a adressé une lettre ouverte à l’ensemble des candidats à l’élection législative sur la 2ème circonscription de l'Hérault. Avec cette missive, il leur demande de « s'engager publiquement sur plusieurs points comme l'emploi, le logement, l'éducation ou le cas du Petit Bard », en indiquant qu'il se positionnera ensuite en fonction de leurs « réponses médiatiques ». Au delà de ce « scrutin national », Mohamed Bouklit précise aussi « poursuivre son chemin citoyen emprunté depuis les États généraux de la Citoyenneté en 2009 en œuvrant au rassemblement local de toutes les énergies constructives nécessaires à notre ville dans la perspective des prochaines élections municipales ».
A trois semaines du premier tour de l'élection législative qui se déroulera le 10 juin, en France métropolitaine, Médiaterranée publie ici cette lettre ouverte, in extenso. Et y ajoutera, à l'avenir, les éventuelles réponses des candidats à l'élection législative qui nous seront communiquées.
La lettre ouverte
Mesdames, Messieurs les candidat(e)s à l’élection législative,
Nous avons eu l’occasion de débattre ensemble voila une semaine sur TVSUD autour de nos propositions pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens dans la circonscription. Toutes les forces de progrès se sont réjouies de tourner la page sombre du sarkozysme.
Durant les dernières élections présidentielles, l’extrême droite a réalisé au premier tour, comme dans d’autres pays européens un score historique et inquiétant avec près de 18 % des suffrages exprimés à tel point qu’il est apparu comme un arbitre dans l’entre deux tours. A l’échelle régionale, le Front National a dépassé la barre des 20 % dans 20 des 23 circonscriptions.
Malgré un bilan calamiteux, Nicolas Sarkozy est parvenu dans cette élection présidentielle à obtenir un score important dans les deux tours en se posant comme le pourfendeur d’une France forte et le protecteur de la Nation.
Néanmoins, nous avons en majorité observé durant notre débat que l’écart entre les deux candidats n'a pas été assez fort pour marquer les esprits pour avoir une affirmation forte pour les législatives, avec le risque d’obtenir à l’assemblée nationale une majorité faible voire l’élection de députés du Front National.
Parce que je souhaite que la gauche nationale et locale soient plus forte en prenant en compte sa diversité politique notamment l’une de ses composantes citoyennes issue des quartiers populaires,
Parce que je suis issue d’une génération politique nouvelle née après les trente glorieuses et sensible très tôt dans les quartiers populaires à l’émergence du Front National dans notre pays dont les idées se sont répandus hélas même dans notre propre famille politique.
Je prends la responsabilité de me retirer de ce scrutin national pour faire barrage à la présence potentielle du Front national lors d’une triangulaire au second tour qui lui confèrerait une position d’arbitre.
De plus, je souhaiterai que ces élections législatives soit un moment fort de débats politiques. C’est pourquoi je vous adresse dans un esprit de dialogue républicain cette lettre ouverte mentionnant une série de préoccupations jugées prioritaires et pour lesquelles j’aimerai connaitre vos engagements clairs. Suite à vos réponses, je ferai connaitre en retour mon orientation politique durant la campagne officielle par la voie citoyenne et médiatique.
Emploi. Le chômage frappe durement les quartiers populaires de la circonscription. Ainsi on constate une véritable fracture sociale entre les quartiers populaires et le centre ville. Un des effets de la crise économique et sociale est la normalisation du précariat : apprentissage, stages, intérim, contrats aidés, travaux saisonniers, CDD, temps partiel subi et cela davantage dans les quartiers populaires que dans l’ensemble de la ville, et davantage aussi chez les jeunes. Pas d’étonnement donc, mais un profond sentiment d’injustice, quand une grande partie de la population dans la circonscription est en dessous du seuil de pauvreté.
Logement. Le nombre de logements est insuffisant pour assurer à toutes les familles des conditions normales de logement ; trop petits, souvent mal entretenus en particulier pour les logements appartenant à des propriétaires privés, les parties communes endommagées d’autant plus facilement que les concierges ont été supprimés… Les logements sociaux sont attribués de manière totalement opaque comme en témoigne la MIILOS (mission interministérielle d’inspection du logement social) qui a plusieurs fois rappelé à l’ordre ACM, le principal bailleur social.
L’éducation. Le manque de mixité sociale des quartiers populaires, la paupérisation croissante de parties de plus en plus larges de leur population handicapent les élèves de ces quartiers, les logements surpeuplés ne leur permettent pas de travailler correctement chez eux. Les personnels de l’Education nationale, d’ailleurs de moins en moins nombreux, ressentent un profond malaise, car ils sont écartelés entre une logique éducative et une logique sécuritaire dans des classes de plus en plus nombreuses: en fait l’école républicaine n’est pas en danger du fait de ses enfants, mais du désengagement de l’Etat. Quoi d’étonnant alors qu’un nombre croissant de jeunes soient écartés du système scolaire, voire déscolarisés, et que le niveau scolaire des élèves soit inférieur à celui des autres quartiers, un niveau qui permet encore plus difficilement une insertion professionnelle dans de bonnes conditions.
Le cas du Petit Bard. Ce quartier concentre comme le dénonce depuis des années le collectif Justice Pour le Petit Bard tous les problèmes au point que les habitants vivent dans des conditions inacceptables dans notre République. On connaît les raisons de l’état lamentable de ce quartier, les charges énormes sans travaux d’entretien qui les justifient, des escroqueries autant qu’un laissez-faire coupable. Le chômage atteint un taux record, plus grave encore que dans les autres quartiers populaires de la circonscription ; le niveau de formation est le plus bas de la ville. D’autres problématiques existent comme la question des propriétaires occupants.
Critique de la politique de la ville. Les politiques de la ville dans les quartiers populaires ont montré leur échec donnant le sentiment par leurs traitements spécifiques qu’elles sortaient nos concitoyen(ne)s du droit commun et donc de la République.
Mixité sociale et ethnique. La forte diminution de la mixité sociale et ethnique des quartiers populaires est déplorée par les habitants, qui n’ont jamais demandé à vivre dans un ghetto urbain !
La problématique de l’insécurité et prévention de la délinquancemise en évidence récemment dans le quartier de Hauts de Massane par la Collectif rue Pierre Cardenal.
La question de la démocratie. Il faut rétablir une véritable démocratie de proximité en consultant la population de la circonscription dans toutes les sphères de décisions politiques.
GrasLa question transversale des discriminations sociales, ethniques, territoriales, sexistes, religieuses.
La culture, la créativité et l’innovation technologique
…
Il ne nous appartient pas ici d’énumérer de manière exhaustive les nombreuses préoccupations de nos concitoyens dans notre circonscription.
La majorité au pouvoir devra y répondre pour la nation toute entière en donnant les moyens politiques de sortir notre pays des crises profondes qu’il traverse, de mener des reformes profondes et justes qui n’avantagent pas une catégorie de la population au détriment d’une autre.
Dans l’attente de votre réponse médiatique, recevez, Mesdames, Messieurs les candidat(e)s mes salutations citoyennes les meilleures.
Citoyennement,
Mohamed Bouklit
Mise à jour du 6 juin 2012, à 19h45 : Suite à sa lettre ouverte adressée le 17 mai 2012, Mohamed Bouklit a rédigé un communiqué daté du 1er juin dans lequel il regrette n'avoir reçu aucune réponse politique. Nous publions ici ce communiqué in extenso :
« Nous avons décidé le 17 mai 2012 de ne pas nous engager aux élections législatives pour ne pas favoriser la présence du Front National qui peut apparaître comme la troisième force politique locale compte tenu du nombre important de candidatures. Néanmoins nous avions adressé une lettre ouverte à l’ensemble des candidats à l’élection législative pour leur demander de s'engager publiquement sur plusieurs points comme l'emploi, le logement, l'éducation ou le cas du Petit Bard.
Force est de constater que nous n’avons reçu à ce jour aucune réponse politique à notre lettre ouverte. Cela témoigne du désintérêt des candidats pour cette question urgente des quartiers populaires. Dans ces conditions, il va sans dire que nous ne donnerons aucune consigne de vote en faveur d’un(e) candidat(e). Néanmoins, nous allons dans les jours qui viennent engager une campagne citoyenne de sensibilisation auprès de la population pour les inviter à la plus grande vigilance critique dans le choix de leur candidat(e)s. Le véritable vote utile est un vote pour un(e) candidat(e) qui prendra en compte dans la durée leurs préoccupations.
Au delà de ce scrutin national important pour notre pays, nous continuons ensemble à rassembler localement toutes les énergies constructives de notre ville pour les prochaines élections municipales ».
Mise à jour du 15 juin 2012, à 23h35 :
Mohamed Bouklit a diffusé un autre communiqué le 12 juin 2012, à la suite du premier tour des élections législatives. Le voici :
« Nous avons décidé le 17 mai 2012 de ne pas nous engager aux élections législatives pour ne pas favoriser la présence du Front national qui pouvait apparaître comme la troisième force politique locale compte tenu du nombre important de candidatures.
Ce choix de désistement est confirmé par les résultats électoraux du premier tour : le Front de gauche, arrivé troisième avec 12,66 % des suffrages exprimés, devance le Front national avec un faible écart de 1,43 %.
Au-delà de ce moment électoral, nous poursuivrons notre combat citoyen contre la normalisation des idées d’extrême droite qui gangrènent notre pays ainsi que notre campagne de sensibilisation auprès de la population pour que la question urgente des quartiers populaires puisse être véritablement prise en compte dans l’agenda politique.
Face à la détresse sociale du Peuple français, le Parti socialiste arrivé en tête dans notre circonscription doit s’engager urgemment sur plusieurs fronts jugés prioritaires au premier rang desquels la jeunesse, l’emploi, le logement, l’éducation, la culture, la sécurité et la lutte contre les discriminations.
Pour l’heure, j’appelle mes concitoyen(ne)s, le 17 juin prochain dans les urnes, à faire battre la droite ».