Marseille et le traitement médiatique, l'exemple du train
Par jcsPublié le
Il y un peu plus d'un mois, le blocage d'un TGV par un groupe de jeunes à Marseille, défrayait la chronique. Ce week-end, une trentaine de personnes ont attaqué un RER en région parisienne et ont dépouillé les passagers. Sans que cela ne fasse les gros titres. Deux poids, deux mesures ?
Le constat est sans appel. Quand une information concerne Marseille, elle est reprise, amplifiée, déformée. Un peu comme si tout ce qui émane de cette ville était scruté à la loupe. Le problème étant que, dès lors qu'on prend l'habitude de regarder avec des verres grossissants, rapidement, on ne peut plus s'en passer. Et quand on les enlève, on s'aperçoit d'un coup qu'on voit tout flou.
Un clip de rap
L'histoire de cette attaque de train est particulièrement révélatrice du traitement de choix que les médias réservent à Marseille. Pour mémoire, le 2 février 2013, près de la cité d'Air-Bel, dans le 11e arrondissement de Marseille, un TGV est bloqué sur les rails pendant plusieurs minutes par un groupe de jeunes gens.
L'information se répand comme une traînée de poudre dans toutes les rédactions. Les flash infos des radios, les sites internet, les chaînes d'info continue, tous relayent la nouvelle, et n'hésitent pas à la dramatiser.
De quelle façon ? En mettant en avant le fait que des voies ferrées, si proches des habitations, comme c'est aussi le cas dans les quartiers nord, soient si facilement accessibles ? Avec tout le danger que cela peut présenter, pour les enfants, par exemple ? Non, pas du tout.
La dramatisation se fait sur un autre registre. Marseille, territoire du nouveau western, a franchi un cran supplémentaire. Les jeunes attaquent les trains comme les brigands attaquaient les diligences de la Wells Fargo.
Avec un peu de recul, l'information prend rapidement une autre tournure. Loin de Lucky Luke ou de John Wayne, l'attaque du TGV était en fait dans le scénario du tournage d'un clip de rap. Un genre de happening artistique, en quelque sorte, un film improvisé, avec des figurants non-consentants.
Recherche Google « attaque train France »
Bien sûr la démarche est condamnable, mais ceux qui ont agi ainsi l'ont fait sans pleinement mesurer la gravité de leur acte. Ce qui en dit long sur les effets que peut produire cette société ultra-médiatique. Et surtout, sur l'impact de toute cette surexposition.
Si les jeunes ont bloqué ce train, c'est aussi parce qu'ils sont embarqués par ce tourbillon que crée l'univers de l'info permanente, du bouillonnement médiatique. Pour surnager dans ce flot, il faut en faire plus.
Le résultat c'est un peu comme un serpent qui se mord la queue. Eux voulaient faire le buzz, autrement dit, faire parler d'eux le plus possible. Mission accomplie. Les médias ont relayé, amplifié, déformé, au-delà de tout ce qu'ils pouvaient imaginer.
Pour s'en convaincre, il suffit de faire une recherche Google, en tapant les mots « attaque train France ». Sur les quelque six millions de réponses, les premières pages ne concernent quasiment que l'épisode du blocage du TGV à Marseille.
Six semaines se sont écoulées depuis les faits. Au moment de l'affaire, le procureur de la République, Jacques Dallest, avait évoqué un acte « prémédité » d'arrêt du TGV, mais « sans intention avérée de vol » ni « projet d'agression crapuleuse des passagers. » Le but « artistique », avait été reconnu par le magistrat.
Deux poids, deux mesures
Il ne s'agit pas ici de minimiser les faits, ni de cautionner la méthode utilisée pour atteindre le but « artistique » en question. Les passagers du train, même s'ils n'ont pas été menacés directement - puisque les jeunes n'ont pas pénétré dans les wagons - en ont été quitte pour une belle frayeur, cela ne fait aucun doute.
Simplement, il est intéressant de mettre en parallèle cet événement datant de février à Marseille, et la façon dont les médias l'ont relayée, avec le fait divers qui s'est produit ce week-end en région parisienne.
A Grigny, un train a été attaqué, comme au temps du Far West. Le train n'a pas été stoppé sur les voies. Des jeunes sont montés en gare, ils ont détroussé les voyageurs, et sont redescendus. Sans se filmer, sans chercher le buzz, en essayant plutôt de disparaître rapidement dans la nature, une fois le forfait commis.
Dans la recherche Google « attaque train France » (effectuée lundi dans la soirée), le fait divers de Grigny, qui a eu lieu samedi soir, apparaît en septième page, perdu au milieu des quantités d'entrées correspondant à l'épisode « artistique » marseillais.
Deux poids, deux mesures. CQFD.