Montpellier : Nicolas Sarkozy en appelle à l'imaginaire des « familles de France »
Par nicolas éthèvePublié le
« Familles de France », « École », « travail », « République », « bonheur »... Voici quelques-uns des maîtres mots du discours de Nicolas Sarkozy prononcé ce mardi soir au Zénith de Montpellier, avec moult drapeaux bleu, blanc, rouge virevoltant dans l'assemblée. Le tout mis - sauf quelques apartés d'initiés -, à la seule sauce de l’Éducation nationale qui a constitué l'unique axe communicationnel de ce quatrième meeting de campagne de Nicolas Sarkozy, candidat à sa propre succession à la présidence de la République française.
Le début de sa prise de parole résume à elle seule l'essence de ces quelque 50 minutes, quasiment intégralement dédiées aux représentations idéologiques narrativement fortes que sont les valeurs de la famille, de l'école ou de la République : « Mes chers amis, toutes les familles de France veulent pour leurs enfants ce qu'il y a de mieux. Toutes les familles de France veulent que leurs enfants soient éduqués, soient instruits. Elles veulent pouvoir leur dire comme nos parents et nos grands-parents nous l'ont dit jadis : ''Travaillez bien à l'école et vous aurez une vie meilleure. Travaillez bien à l'école et vous serez libres, libres, de choisir la vie que vous voulez, libres de devenir ce que vous souhaitez. Libres de réaliser vos rêves. C'est par le travail qu'on devient libre. C'est l'absence de travail qui est une aliénation''. Cette France, elle veut qu'on l'aide, qu'on l'aide à faire de ses enfants des adultes, des adultes armés pour affronter les épreuves de l'existence. Eh bien, c'est à cette France qui met tous ses espoirs dans l'école que je suis venu parler. Cette France, mes chers amis, c'est vous, vous tous qui voulaient le bonheur de vos enfants et qui voulaient que ce bonheur de vos enfants soit au fond plus grand que le vôtre. Je mesure la frustration de cette France devant les défaillances de l'école. Je vois la souffrance, à chaque fois que l'école échoue à donner à vos enfants à ce dont vous rêvez pour eux ».
Voir la vidéo du meeting de Nicolas Sarkozy au Zénith de Montpellier :
Nicolas Sarkozy est lâché. Fidèle à sa réputation, non volée, de bête de campagne. Servi par un discours qui se libère des contingences d'un bilan du quinquennat passé en fleurant bon la IIIème République - celle des Professeurs - sans qu'il ne soit bien sûr question d'un quelconque « revival » de cette période (1), du reste présentée comme un âge d'or (sic), le candidat de l'UMP a enthousiasmé la foule de ses fans qui ont enchaîné avec fougue les « Nicolas ! Nicolas ! » aux « Sarko ! Sarko ! »
Le retour du « travailler plus, pour gagner plus »
Mais derrière, que reste-il ? Le sentiment d'un recyclage très net, du fameux « travailler plus, pour gagner plus », slogan de campagne qui avait, en 2007, porté aux nues Nicolas Sarkozy, auto-présenté comme le « candidat du pouvoir d'achat ». C'est ce que laisse à penser sa promesse d'une augmentation de 25% pour les enseignants qui accepteraient, « sur la base du volontariat », d'être présents durant 26 heures dans l'établissement, en lieu et place de leurs 18 heures de cours actuelles. Soit 500 euros de plus à la fin du mois pour un enseignant qui en gagne 2000 aujourd'hui. Diantre ! Si tous les actifs de ce pays avaient pu augmenter leur pouvoir d'achat de 25 % grâce aux décisions politiques de ce dernier quinquennat, Nicolas Sarkozy serait sans doute en bonne posture pour être élu dès le premier tour, le 22 avril prochain...
Problème : tel n'est pas le cas. La faute à la crise financière, une crise imprévue et imprévisible, répète inlassablement Nicolas Sarkozy, depuis ces deux dernières années. Mais pour ce qui concerne le monde de l’Éducation, Nicolas Sarkozy a eu une révélation simple et efficace : « Nos enseignants sont mal payés parce qu'ils sont trop nombreux ». Partant du principe qu'il faut savoir « choisir », c'est à dire « avoir le courage de dire ''non'' aux uns, pour pouvoir dire ''oui'' aux autres » , Nicolas Sarkozy est le candidat du ''non'' aux renouvellements de postes de fonctionnaires, en écho à la proposition portée par François Hollande de créer 60 000 postes dans l’Éducation nationale ; et le candidat du ''oui'' au « travailler plus pour gagner plus » des professeurs qui pourraient ainsi, bureau à la clé, transformer leur établissement en un monde merveilleux de savoir, grâce à leur présence supplémentaire d'« adultes »...
Et Nicolas Sarkozy d'employer plusieurs fois le mot « corporation » en opposition aux intérêts des « familles de France » qui n'auraient pas suffisamment leur mot à dire dans le fonctionnement et le devenir de l'école... Mais aussi d'étriller « l'égalitarisme » et la « folie fiscale » en référence à l'annonce de François Hollande de taxer à 75% les revenus des personnes qui touchent plus de 1 million d'euros par an. L'essentiel était finalement là, dans ce discours prononcé à Montpellier : cliver une nouvelle fois la France, entre droite et gauche, « familles de France » et « corporation » enseignante, tout en brouillant les pistes, dans la droite ligne de la stratégie de « rupture » si chère à Nicolas Sarkozy. Pour opposer une France prétendument « faible » à une France prétendument « forte ». Et mobiliser l'électorat derrière sa candidature, en puisant dans l'imaginaire collectif, à grand renforts de représentations sur une idée de l'école - ou de la « civilisation » - qui serait au moins aussi ensoleillée que celle de Marcel Pagnol. Sans dire un mot de plus sur les nombreuses fermetures de classes contestées dans la région même du Languedoc-Roussillon, comme ailleurs, ce sujet étant éclipsé au profit d'autres, tels que la suspension des allocations familiales pour cause d'absentéisme ou le processus d'autonomisation des établissements. Une raison de plus, pour Nicolas Sarkozy, d'affirmer que « l'école de la République, c'est l'école de l'autorité ». Et d'ancrer sa campagne encore un peu plus à droite...
N.E
(1). « Nous ne ressusciterons pas l'école de Jules Ferry », a notamment lancé Nicolas Sarkozy. Rappelons ici que les lois Jules Ferry ont rendu l'enseignement primaire public, gratuit et obligatoire. Et que l'inscription « arbeit macht frei » (« le travail rend libre ») était inscrite à l'entrée du camp de concentration d’Auschwitz, en Allemagne nazie.