De Mossoul à Copenhague, les visages d’une seule et même barbarie
Par N.TPublié le
Un peu plus d’un mois après la tragédie de « Charlie Hebdo » et celle de l’Hyper Cacher de Vincennes, l’attentat de Copenhague confirme, s’il en était besoin, que le bras armé de l’intégrisme islamiste peut frapper au cœur des sociétés occidentales. La barbarie n’a pas de frontières.
Jeunes tueurs de sang-froid à Paris, à Copenhague, et auparavant à Toulouse, monstres sanguinaires en Libye, en Irak, au Yémen, en territoires conquis par les soldats d’un Dieu au profil diabolique… Partout, la main criminelle de Daesh (« État islamique »), d’al-Qaida, de Boko Haram signe au quotidien des scènes d’horreur, quasiment en alternance avec les attentats sanglants aux voitures piégées et autres kamikazes, devenue une menace permanente au cœur de sociétés ravagées par la guerre.
Omar Abdel Hamid El Hussein, 22 ans, né au Danemark, auteur présumé des attaques de Copenhague, samedi 14 février, se serait inspiré, selon les premières hypothèses, de la tuerie dans les locaux de « Charlie Hebdo » et de l’Hyper Cacher de Vincennes qui fut revendiquée par al-Qaida au Yémen. Le jeune tueur qui aurait suivi ces scènes en prison a ainsi fait le choix de cibler un débat sur la liberté d’expression et, tout naturellement, une synagogue. Un réalisateur, Finn Norgaard, est abattu à bout portant à la porte du centre culturel où se trouvait, entre autres, l’artiste suédois, Lars Vilks, auteur d’une caricature de Mahomet en 2007 et sous menace de mort. Malgré sa traque, Abdel Hamid El Hussein trouve tout de même le temps de tuer le garde non armé d’une synagogue et de prendre à nouveau la fuite, avant d’être abattu quelques heures plus tard dans des échanges de tirs avec la police.
Le terreau de la délinquance et du repli identitaire et religieux
Selon les premières informations livrées par les enquêteurs, la radicalisation de ce jeune Danois trouve racine dans la jonction entre des gangs et des groupuscules d’intégristes islamistes, sur le terreau de la délinquance et du repli identitaire et religieux, avec, pour horizon et référence sacralisée, la guerre qui déchire la Syrie.
Durant cette même fin de semaine, dimanche 15 février, la barbarie a livré l’image terrible d’une procession funeste de bourreaux cagoulés traînant leurs victimes sur une plage, vêtus d’uniformes oranges, les mains menottées dans le dos, avant de les décapiter. Une vingtaine de coptes, Égyptiens de confession chrétienne, kidnappés en Libye, « peuple de la croix fidèle à l’Église égyptienne ennemie », selon le groupe État islamique. « Aujourd’hui, nous sommes au sud de Rome, sur la terre islamique de Libye, nous envoyons un message aux croisés. Cette mer dans laquelle vous avez jeté le corps du cheikh Oussama Ben Laden, nous jurons de la remplir avec votre sang », met en garde un message d’un autre temps. L’Égypte, en guerre contre les Frères musulmans sur son territoire et prise en étau par les mêmes hordes du groupe État islamique présentes dans le Sinaï, a aussitôt riposté par des bombardements des positions djihadistes en Libye. Tout comme la Jordanie, quelques semaines auparavant, le 3 février, en réaction à l’exécution d’un de ses pilotes, Moaz Al Kasasbeh, détenu en otage, enfermé dans une cage, entouré de ses tueurs qui brandissent une torche en feu, puis brûlé vif. Spectacle d’une horreur insoutenable qui défie l’imagination, dont les images continuent aussi à faire le tour du monde sur la Toile et qui a, sans surprise, déclenché en Jordanie, des actes de cruauté comparables, bien que d’un degré moindre dans l’échelle de la barbarie : la pendaison de deux djihadistes condamnés à mort.
Eux sont pour l’instant exhibés dans des cages, vêtus du même uniforme orange, à travers la ville irakienne de Kirkouk sous contrôle du groupe État islamique. Ce sont des combattants peshmergas kurdes fait prisonniers, le cortège cauchemardesque d’êtres humains sans doute promis au même sort que le pilote jordanien. Une entrée en scène médiatisée sur le plateau d’une mise à mort atroce. L’ État islamique redouble de férocité face aux Kurdes, seules forces à le tenir vraiment en échec, dont la résistance et les assauts terrestres appuyés par les frappes de la coalition internationale, ont permis de reprendre du terrain autour de la ville stratégique de Mossoul en Irak, zone d’appui indispensable pour des contre-offensives sur les territoires sous contrôle des djihadistes. Ce sont aussi les Unités de protection du peuple kurde (YPG) qui ont porté un coup sévère à ces derniers, leur infligeant la plus sévère défaite en Syrie, en libérant la ville de Kobané, au bout de quatre mois de combats. Une victoire décisive qui prive Daesh (l’acronyme arabe de l’EI) d’une bande de territoire avec la Turquie, zone d’accès de candidats au djihad, venus renforcer les rangs des meutes d’assassins.
Daesh, al-Qaida et Boko Haram rivalisent de férocité
En écho à ces cycles d’actes barbares sous le sceau de l’EI, les attentats meurtriers commandités par al-Qaida continuent à décimer les populations en Irak, en Afghanistan, en Libye. De même que se multiplient les attaques de Boko Haram en Afrique centrale, d’une extrême sauvagerie, allant jusqu’à transformer à leur insu des fillettes en bombe humaine infiltrée sur les marchés pour faire un maximum de victimes. Le stade suprême de la barbarie.
Daesh, al-Qaida et Boko Haram qui rivalisent de férocité sont engagés dans une campagne médiatique et de propagande sans précédent, destinée à semer la terreur et à susciter des vocations de djihadistes dans les poches de misère culturelle et sociale. Reste que les premières victimes de ce déchaînement de sauvagerie se trouvent d’abord dans ces pays qui ont implosé au fil des guerres, en Afghanistan, en Irak, en Libye… au cœur de ces sociétés dont on a exacerbé les tensions ethniques et religieuses, détruit les fragiles équilibres à des fins géopolitiques, dans des luttes d’influences postcoloniales. À Paris et à Copenhague hier, tous les jours à Bagdad, à Kirkouk, à Moussoul, à Tripoli, à Damas, partout sur ces territoires gorgés de sang d’innocents, des millions d’êtres humains paient désormais ce lourd tribut. La barbarie qui hante le monde contemporain est le résultat direct de ces manœuvres conduites au nom de la Démocratie, tout en veillant à préserver les régimes totalitaires qui croulent sous les pétrodollars. C’est le produit de l’œuvre funeste d’apprentis sorciers.
Source: l'Humanité Dimanche du 19 au 25 février