Algérie. Alerte autour des droits syndicaux

L’industriel Rabrab, patron d’un empire, licencie abusivement 196 salariés.

Les salariés algériens restent les grands oubliés de la vague de contestation déclenchée le 22 février dernier, portée essentiellement par des revendications ­politiques. Du coup, il est des patrons qui se sentent tout permis.

Tel est le cas du milliardaire Issad Rabrab, à la tête d’un empire industriel privé. Le magnat licencie quelque 196 employés de l’entreprise Numilog, dans la ville de Béjaïa (est d’Alger), filiale de son groupe Cevital, jugés coupables d’avoir voulu créer une section syndicale.

Rassemblement pour la réintégration de salariés licenciés

L’homme est coutumier de ces pratiques et ses violations régulières des droits syndicaux ne font pas grand bruit. Les réactions, quand il y en a, glissent sur son image de chef d’entreprise patriote, créateur d’emplois. Issad Rabrab a toutefois été condamné le 1er janvier 2020, dans le contexte du Hirak, à dix-huit mois de prison dont six fermes pour « infraction à la législation relative au mouvement des capitaux et surfacturation lors d’une opération d’importation ».

Il n’a jamais été inquiété en revanche pour la répression syndicale érigée en règle dans ses entreprises. Le quotidien d’information dont il est propriétaire, Liberté, s’est bien gardé de relater le dernier événement. Hormis quelques médias en ligne, le reste de la presse écrite a fait de même. Les licenciements sont pourtant intervenus en dépit d’une décision de justice qui fait droit aux salariés de créer une section syndicale.

À Béjaïa, le Pacte de l’alternative démocratique (PAD, coalition de partis de gauche) appellait à un rassemblement, lundi 8 septembre, pour exiger la réintégration des salariés de Numilog.

«La protection de Rabrab par un clan du régime semble opérer, c’est probablement fort de cette couverture qu’il foule aux pieds les lois de la République», explique Noureddine, journaliste, militant de gauche, joint au téléphone. «Les soutiens qu’il compte (Rabrab – NDLR) dans un secteur du régime lui avaient déjà permis de coloniser à Béjaïa tout un espace du domaine portuaire, théoriquement inaliénable et incessible», rappelle-t-il.

Indigné à l’image de ses amis, dont de nombreux retraités du secteur public sensibles aux causes syndicales, Noureddine ironise au sujet de " l’indifférence remarquée des thuriféraires de ce “capitaine d’industrie”, présents surtout dans la presse “indépendante”, parangon de l’État de droit et de la justice ». Les salariés algériens sont ainsi plus que jamais sous les radars. C’est l’autre facette de « l’Algérie nouvelle ».

Source: https://www.humanite.fr/algerie-alerte-autour-des-droits-syndicaux-693309