Hommage à Mahmoud Darwich : Les mots magnifiés par la musique
Par N.TPublié le
Mahmoud avait donné un récital à la mi-juillet au théâtre Antique d'Arles avec les frères Joubran. A l’invitation d’Actes Sud et des Suds, il a lu ses poèmes sur la scène du théâtre Antique en compagnie du trio Joubran et de Didier Sandre qui redonnait ses odes en français. Nous republions cet article en hommage à ce grand poète disparu, samedi soir dans un hôpital américain, à la suite d'une opération chirurgicale à coeur ouvert.
Il est difficile pour un poète, palestinien de surcroît, de parler de son œuvre sans aborder la souffrance du peuple auquel il appartient. Mais il refuse d’être un symbole, « c’est au lecteur d’interpréter les poèmes comme il les ressent » explique Mahmoud Darwich, qui venait pour la première sur Arles pour un récital. Il repousse l’idée qu’on puisse le lire sous un angle de politique nationale.
Il a été question de tout cela dimanche matin à l’Hôtel Nord Pinus. « Je souhaite que l’on parle de moi comme un poète de Palestine et pas comme un poète palestinien ». Toute la nuance est là. Même si la condition de son peuple indissociable avec ses propres inspirations ; les mots, le rythme la musique font partie intégrante eux aussi de sa vie. C’est ainsi qu’il compose.
Et son talent et à l’image de son œuvre : foisonnante, alors pour Arles, en vue de cette lecture il a fait un choix en s’adaptant à la langue de réception du public : « le choix des poèmes je l’ai fait en commun accord avec Didier Sandre. Je me calque au français. J’ai voulu que cette sélection soit représentative de mon évolution de ces dernières années et qu’elle traite de thèmes différents. Mais vu l’ambiance du théâtre antique j’ai souhaité lire des poèmes plutôt courts ».
Les grands thèmes qui traversent tous les courants poétiques ont titillé aussi d’une manière ou d’une autre l’inspiration de l’artiste. La vie, la mort, l’amour, l’éclosion d’une fleur d’amandier pour ne citer que cette image qui habite Mahmoud Darwich depuis des années. Pour lui, la poésie est avant tout un rythme, une cadence c’est ce qui fait son âme ce qui la rend vivante.
Et quoi de mieux que le luth dont les notes magnifiées sous les doigts des frères Joubran pour mettre en partition ces vers, qui coulent de la bouche de Didier Sandre, comme une fontaine où la beauté a trouvé un écrin pour s’épandre.
Pour Mahmoud Darwich la musique est indissociable de la poésie « dans les thèmes, je préfère toujours que ce soit des sujets universels, qui peuvent intéresser tout être humain dans le monde et j’essaie dans la forme de montrer la cadence de ma poésie, sa musicalité ».
Après quelques minutes de lecture Mahmoud Darwich, plutôt timide qu’extraverti, ne se sent plus étranger, dans une communion où les mots balaient les frontières, l’art prend tout son sens et résonne pour un chant universel où les barrières linguistiques sont levées.
C’est là, toute la magie de la poésie, de la sienne, cette essence qui fait que même si l’on ne comprend tous les mots, on en saisit la quintessence. « Il faut traduire le vocabulaire en musique, c’est très difficile mais il faut toujours tendre vers cet idéal, car ainsi, la poésie est purifiée » précise le poète.
Les frères Joubran, il les connaît depuis plus de 10 ans, croisé en France lors d’un festival à Aix. « Ce fut un hasard étrange. J’ai connu Samir en premier. Je l’ai vu sur scène, j’ai rencontré ce garçon modeste, je l’ai aimé. Je lui ai demandé d’intervenir dans mon récital » explique Mahmoud Darwich, qui par ailleurs se délecte de musique classique. Beethoven quand il a envie d’énergie, et Chopin, pour les moments de sérénité. Et pour nous la symphonie Darwich fut une féerie de bonheur
y Merci à Farouk Mardam-Bey pour sa brillante traduction.
Les œuvres de Mahmoud Darwich sont à découvrir chez Actes Sud