«Pour la plupart des experts en droit international la bande de Gaza est toujours sous occupation» (Le Monde)
Par N.TPublié le
Dans une analyse pour le moins surprenante, inattendue dans le traitement médiatique actuel de l’actualité au Proche-Orient, le quotidien Le Monde pointe très pertinemment la persistance de l’occupation israélienne de l’enclave palestinienne. L’auteur de l’analyse démontre, encore une fois, que le blocus infernal imposé aux habitants de Gaza est à la source des confrontations armées successives et qu’il n’est pas d’issue hors de la levée totale de cette chape de plomb meurtrière.
« L'occupation de la bande de Gaza, contrairement à ce qu'affirme Israël, n'a pas pris fin avec le départ du dernier de ses soldats, le 11 septembre 2005. Comme le rappelle opportunément l'ONG israélienne Gisha sur son site Internet, l'Etat hébreu continue de contrôler des pans entiers de la vie des Gazaouis : le registre d'état civil, les eaux territoriales, l'espace aérien et l'unique terminal commercial ».
L'armée israélienne interdit à la quasi-totalité des habitants de se rendre en Cisjordanie, en violation des accords d'Oslo, qui faisaient des deux territoires palestiniens une seule et même entité juridique. Les habitants de l'enclave sablonneuse n'ont pas non plus le droit de pénétrer dans la « zone tampon », bande de 500 m à 1 km de large le long de la frontière avec Israël, où ils possèdent souvent des terres agricoles. Ceux qui s'y risquent se font systématiquement tirer dessus », écrit Benjamin Barthe.
Il rappelle la métaphore carcérale de l'anthropologue Jeff Halper, figure du camp de la paix israélien : « dans une prison aussi, les détenus contrôlent l'essentiel de l'espace, aime-t-il à dire. Ils ne sont pas libres pour autant. »
« De cet état de fait, la plupart des experts en droit international ont conclu que la bande de Gaza est toujours sous occupation. C'est la position officielle des Nations unies », rappelle-t-il.
« Les éruptions de violence de 2006, 2008, 2012 et 2014 étaient toutes, directement ou indirectement, liées à l'enfermement des Gazaouis. Un état qui ne remonte pas à l'élection du Hamas, en 2006, mais à la première guerre du Golfe en 1991. C'est à cette date, avant le début des attentats-suicides, que les Palestiniens de Gaza ont perdu le droit de circuler librement.
Toutes les trêves négociées par le passé ont comporté des clauses de levée ou d'allégement du blocus, comme la réouverture du terminal de Rafah, avec l'Egypte, ou l'élargissement de la zone de pêche. Et toutes ont été ignorées, partiellement ou entièrement, par Israël et son allié égyptien. Celle qui est en cours d'élaboration ne fera pas exception », note également Benjamin Barthe.
Ce dernier n’épargne pas non plus le Hamas, qui a sa part de responsabilité : « il a lui aussi violé les accords de cessez-le-feu, en important, via les tunnels de Rafah, tout un arsenal de missiles iraniens. Plutôt que de construire des bunkers souterrains, à l'usage exclusif de leurs responsables, les islamistes auraient mieux fait de bâtir des abris antibombes, ouverts à leurs administrés. Saigné par le blocus, le Hamas est tenté, à intervalles réguliers, de redorer son blason de mouvement de « résistance » en défiant Israël », explique B. Barthe.
Comment rompre ce cercle vicieux ? « relancer la processus de paix, mais « sur un pied d'égalité, avec le droit international comme référence », non pas « un processus d'extorsion régi par la loi du plus fort, ce à quoi la plupart des séances de négociations des vingt dernières années ont ressemblé ».
Seule ombre au tableau et pas des moindres : « vendredi 11 juillet, en marge d'une conférence de presse consacrée à Gaza, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré qu'il était catégoriquement opposé à la création d'un Etat palestinien souverain ». Dès lors, « en l'absence d'un tel horizon, l'armée israélienne peut déjà réfléchir au nom de code de la prochaine opération contre Gaza ».