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Marseille : Tolérance Zéro pour l’esclavage

L’association Esclavage Tolérance Zéro existe depuis 10 ans. Elle accueille et assiste les victimes d’esclavage domestique, de travail forcé et de mariage dans un but d’exploitation. Elle met en place un accompagnement juridique, administratif, social et psychologique et offre aux victimes un espace rassurant pour qu’elles puissent raconter leur vécu. De la plainte jusqu’au procès, ETZ accompagne les personnes dans les étapes de leur reconstruction. Rencontre avec le président de l’association, Pablo Arboles et la directrice Nagham Hriech Wahabi.

 

Mediaterranee_. Quelles sont les personnes accueillies à l’ETZ ?

Association ETZ : Ce sont à 98% des jeunes femmes conduites par des travailleurs sociaux, des voisins, des services de police ou des institutions. L’entourage peut aussi servir d’électrochoc en faisant prendre conscience à la personne qu’elle est victime d’esclavage. Nous avons plusieurs centaines de signalement par an. Nous suivons activement 30 personnes et nous intervenons en conseil pour dix d’entre elles. 95% d’entre elles n’ont jamais pensé quitter leur pays. Recrutées dans leur pays d’origine, elles sont amenées en France et se retrouvent isolées. Sur les personnes que nous accueillons, 30 % sont arrivés enfant sur le territoire français. Chaque médiatisation donne lieu à un afflux de signalement. Et, pour la 1ère fois aujourd’hui, une victime, qui a lu l’information dans le journal, est venue d’elle-même raconter son histoire.

_. Qu’en est-il de la situation à Marseille ?

Marseille est une ville migratoire très liée au Maghreb et à l’Afrique. Sa position géographique donne lieu à une histoire singulière de forme actuelle de l’esclavage. Marseille a été un port d’esclave au même titre que Nantes et Bordeaux même si on n’en parle moins. On constate des phénomènes où le problème de l’esclavage s’est ancré pour des raisons économiques, sociologiques, culturelles et religieuses. Le critère de pauvreté n’est pas négligeable dans cette partie de la France, ne serait ce qu’avec l’exploitation dans les territoires agricoles. Sans pouvoir le quantifier, à notre avis, et pour ces raisons, le phénomène est beaucoup plus répandu à Marseille que dans les autres villes.

_. Qu’attendiez-vous de cette journée ?

L’intérêt d’organiser une journée méditerranéenne s’est fondé sur l’idée qu’en Méditerranée il y avait peut-être une spécificité inexplorée que nous observons dans les parcours migratoires des personnes que nous accueillons. Si le combat de sensibilisation reste important, il y a un effort à faire pour comprendre ce phénomène qui nous touche tous dans tous les domaines. Tout est devenu marchandise. Un certains nombre de victimes que nous accompagnions assistaient au colloque. Elles ont été émues que les intervenants prennent la parole à leur place et restituent les hommes, les femmes et les enfants au cœur de cette histoire d’esclavage. Humaniser le phénomène est primordial pour ne pas retomber dans les travers de cette marchandisation de l’humain. Ce ne sont pas des généralités mais des histoires singulières.

Propos recueillis par Isabelle Appy