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REPORTAGE: les amputations en Haïti

Des organisations non gouvernementales ont annoncé que les quelques 3.000 personnes amputées après le séisme qui a ravagé Haïti auront de grandes difficultés à retrouver une vie normale.

Les médecins qui opèrent les Haïtiens les plus grièvement blessés font tout pour éviter d'amputer les patients, n' envisageant celle-ci qu' en dernier recours.

Plusieurs sources ont cependant indiqué que beaucoup trop d'amputations ont été plus ou moins bâclées  après le séisme du 12 janvier, qui a fait  200.000 morts.

"Les amputations ont été réalisées par des médecins généralistes, des équipes de secouristes et des volontaires inexpérimentés", a déclaré la semaine dernière  Al Ingersoll,  un prothésiste américain.

Submergés par des centaines de blessés nécessitant des interventions d'urgence pour des blessures infectées, ouvertes et graves, les chirurgiens ont opté pour la solution la plus simple : l'amputation au-dessus de la blessure, sans les soins appropriés pour la cicatrisation.

"Souvent, il a fallu amputer pour sortir les victimes des décombres", a déclaré Herbert Rader,  chirurgien  qui a passé dix jours à Port au prince à soigner des blessés dans une clinique de l'Armée du salut. "Certains étaient coincés et les secouristes avaient directement recours à l'amputation. Tout le monde craignait des répliques et le plus important était de sortir au plus vite les rescapés des décombres", a-t-il expliqué.

L'infirmier Christian Vanseveres rappelle qu'en temps normal les amputations ne doivent être envisagées que lorsque les blessures qui ont déjà été traitées s'avèrent impossibles à soigner correctement et que les patients présentent de sérieux risques de gangraine.

"Il y a parfois un risque sérieux d'infection. Si la plaie est restée béante pendant deux ou trois semaines, elle peut avoir beaucoup de mal à cicatriser".

Après de longs moments passés dans de mauvaises conditions d'hygiène dans des abris temporaires avec des fractures ouvertes, certains patients ne se sont résolus à demander de l'aide que lorsqu'ils ont commencé à  développer des infections secondaires voire des défaillances rénales. Dans cette situation, l'amputation s'avère pourtant être la seule solution.

"Il est très difficile pour les personnes amputées de retrouver une vie normale, et le risque de suicide est une préoccupation majeure", a fait savoir Mike Stewart, responsable de l'organisation non gouvernementale Espoir pour Haïti. D'ailleurs, même en temps normal et  dans les pays riches, qui disposent de beaucoup de moyens, l'amputation est toujours un traumatisme extrêmement diificile à surmonter.

On imagine bien qu'en Haiti, pays le plus pauvre des Amériques, où les patients peinent à trouver ou à bénéficier des soins, des prothésistes et des fauteuils roulants, a indiqué M. Stewart, la prise en charge psychologique des handicapés est encore plus inaccessible.

Or, le plus grand obstacle consiste souvent dans la gestion du  choc psychologique,a rappeléValerie Darnaudet, médecin français arrivée en Haïti dix jours après le tremblement de terre.

 De plus:  "Tout a été si brutal. D'habitude, les gens sont préparés car l'amputation fait normalement suite à une maladie", souligne  Mme Darnaudet,  bénévole pour Handicap international, une organisation non gouvernementale qui prodigue soins, prothèses et soutien psychologique aux amputés et qui souhaite voir les personnes  amputées être en mesure de se déplacer pour vaincre  leur handicap et donc s'adapter à cette nouvelle situation.

A partir de mars, l'organisation prévoit de fournir 300 à 500 prothèses temporaires aux personnes récemment amputées, puis des prothèses permanentes dans les trois ou six mois, à condition que les muscles ou articulations épargnés soient demeurés sains.

Par ailleurs, l'amputation peut provoquer un sentiment de perte d'identité ou d'infériorité chez le patient. D'où l'importance de la mise en place de prothèses adaptées aisni que d'une prise en charge psychologique.  En témoigne les résultats positifs obtenus dans d'autres pays tels que la Chine, le  Pakistan ainsi que  58 autres pays où les adultes amputés reprennent le travail et les enfants,  l'école etles jeux, dès lors qu'ils  reçoivent l'aide psychologique et les prothèses appropriées.

Mme Darnaudet observe quee cette situation d'extrême précarité sanitaire et matérielle n'empêche pas qu'en Haïti :  "Les gens semblent plus calmes et nous voyons même des patients chanter" en attendant leur tour d'être amputés. Comme si les conditions très dures avaient créé un sens aigü de l'entraide".

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