Immigration : les dispositions européennes suscitent l'indignation en Afrique
Adoptée par le Parlement européen le 18 juin dernier, la Directive « retour » fixe à 18 mois la durée maximum de placement en rétention des immigrés clandestins et prévoit une interdiction de séjour de cinq ans dans l'UE. Les pays européens ont ensuite signé, le 7 juillet dernier à Cannes, un Pacte sur l’Immigration les engageant à n’effectuer que des régularisations au cas par cas et à durcir le contrôle aux frontières. Cet ensemble de mesures suscite l'indignation des pays africains.
« Nous sommes absolument opposés à l’approche répressive (...) et au traitement de ces sans-papiers comme des criminels », a dénoncé le ministre sénégalais des Affaires Etrangères, en réaction au Pacte adopté à l’initiative de la France.
« Le Sénégal avoue sa surprise devant l'initiative européenne alors que (...) nous nous sommes engagés dans une autre voie, celle de la concertation », a dit Cheikh Tidiane Gadio, lors d'une conférence euro-africaine sur les migrations à Dakar.
La Libye vient également de réagir : « l'Afrique n'acceptera aucune loi basée sur la répression et qui traite les migrants africains, enfants et personnes handicapées compris, de criminels », a affirmé le ministère libyen des Affaires étrangères dans un communiqué.
« S’ils persistent à maintenir leur position, la Libye consultera les autres membres de l'Union africaine pour étudier cette loi (européenne) et ses conséquences et prendre une position unifiée face à cette décision », a fait savoir le ministère.
Notons enfin, les récentes déclarations du président algérien. S’exprimant au sujet de la circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée, Abdelaziz Bouteflika a souligné que "la liberté des personnes (était) devenue l'une des quatre libertés constitutives de la construction européenne".
"Notre mer devrait nous rapprocher au lieu de nous séparer. L'immigration clandestine est un fléau qui signale l'impuissance et la colère face aux murs qui s'érigent comme dans des prisons ou des ghettos (...). Dans un monde ou la marchandisation est reine, ayons l'audace de libérer les pas des hommes sur une terre en partage", a-t-il dit, dans un entretien accordé à l’APS, avant l’ouverture du sommet de l'Union pour la Méditerranée (UPM).
Selon les estimations de la Commission européenne, il y aurait environ 8 millions d'immigrants illégaux dans l'Union européenne. Au premier trimestre 2007, plus de 200 000 immigrants ont été arrêtés et près de 90 000 expulsés.
Brice Hortefeux, ministre français de l’Immigration est le chef de file de cette offensive répressive qui tend à se généraliser en Europe.
En France, associations, syndicats et partis de gauche dénoncent régulièrement la traque officiellement organisée des sans-papiers.
Une commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, a rendu des conclusions opposées à la politique des « quotas » d’immigrés prônée par le gouvernement français. "Pas indispensables" pour l'immigration professionnelle et "impossibles" pour l'immigration familiale, a-t-elle estimé.
Une commission qui a cependant peu de chance d’être entendue par le ministre en charge de secteur, résolu à faire le tri et à contingenter les flux d’immigrants tout en accélérant par ailleurs les expulsions.
L’Union pour la Méditerranée devrait en principe relancer le débat sur la nécessité d’une véritable concertation euroméditerranéenne sur la question de l’immigration illégale. La moindre des exigences quand des centaines de harragas périssent régulièrement en mer.