La situation des Roms rebondit au cœur de la scène diplomatique européenne (analyse)
Le chassé-croisé de réactions et de comentaires au sujet des Roms expulsés du territoire français en marge du sommet des chefs d’Etat du jeudi 16 septembre, met en avant le rôle de la Commission européenne face aux politiques des Etats.
La Commission européenne soupçonne la France, avec les renvois de Roms, de ne pas respecter la législation européenne sur la liberté de circulation des citoyens européens. Paris est toujours susceptible de faire l’objet des poursuites devant la justice européenne.
« La discrimination basée sur l'origine ethnique ou la race, n'a pas de place en Europe. Elle est incompatible avec les valeurs sur lesquelles l'Union européenne est fondée. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la seconde guerre mondiale », avait déclaré, le 14 septembre, Viviane Reding, vice-présidente en charge de la Justice, des Droits fondamentaux et de la citoyenneté.
La commission a ainsi affirmé son rôle de gardienne de la Constitution Européenne et des valeurs qui la sous-tendent. Elle met en avant, et de façon inédite, une sorte de droit de regard sur les implications dans ce domaine de la politique intérieure des Etats européens, de façon générale, et de celle de la France en particulier.
Le président Nicolas Sarkozy a vivement réagit à ces déclarations, exigeant des « excuses » de la part de la Commissaire et défendant ensuite fermement l’attitude de son pays devant le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
Selon lemonde.fr, lors d'une session de travail avant le déjeuner, le chef de l'Etat français aurait pris la parole devant tous les dirigeants et M. Barroso pour lancer : « La Commission a blessé la France », en comparant les renvois de Roms roumains et bulgares aux déportations de la seconde guerre mondiale.
« J'ai dit franchement ce que la France pensait. Je suis le chef de l'Etat français, je ne peux pas laisser insulter mon pays », a-t-il ensuite expliqué devant la presse.
La circulaire ministérielle qui ciblait particulièrement les Roms a été retirée très rapidement et reformulée sur ordre de l’Elysée. Le président français considère de toute évidence que les critiques qui ont suivies n’étaient aucunement justifiées et constituent une ingérence insupportable dans la mise en œuvre de sa politique sécuritaire.
Nombre d’observateurs estiment en effet qu’en réagissant de la sorte, Nicolas Sarkozy a voulu faire preuve de grande fermeté aux yeux d’un électorat qu’il tente de remobiliser et de consolider autour des thèmes liés à la sécurité intérieure.
Au-delà, la réaction du chef de l’Etat français met aussi brutalement l’Europe face au vécu de la communauté Roms dans un certains nombre de pays.
Les règles juridiques de l’UE ne sont aucunement adaptées au mode de vie des Roms et n’offrent pas de solutions pour leur garantir des conditions de vie décentes, autre que le regroupement dans des situations de grande précarité. Le débat est désormais ouvert.
L’épisode de climat tendu entre l’Etat français et la Commission européenne semble enfin laisser des traces dans l’opinion. Plus des deux tiers des Français (71 %) jugent que l'image de leur pays à l'étranger s'est dégradée au cours des dernières semaines, et seuls 2 % estimant le contraire, selon un sondage Ifop à paraître dans Sud Ouest Dimanche.