Tunisie : ouverture d’un méga procès d’opposants politiques, d’avocats, de journalistes, d’hommes d’affair

Tunisie : ouverture d’un méga procès d’opposants politiques, d’avocats, de journalistes, d’hommes d’affaires

L’audience a été ouverte mardi 4 mars à Tunis. Une quarantaine de personnalités tunisiennes sont accusées de « complot contre la sûreté de l’État » et « appartenance à un groupe terroriste ». La défense et des ONG parlent de dossier « vides », sans « preuves concrètes ».

Ces charges sont passibles de la peine de mort. L’instruction s’appuie sur des témoignages anonymes, des échanges sur messagerie et des rencontres supposées avec des diplomates. Les arrestations, débutées en février 2023, ciblent notamment le Front de salut national, coalition opposée à Saïed. Huit accusés sont encore détenus, dépassant la durée légale de détention provisoire (14 mois).

Parmi les inculpés figurent Issam Chebbi (parti Al Joumhouri), Abdelhamid Jelassi (ex-Ennahdha) et l’écrivain français Bernard-Henri Lévy. Ce dernier est accusé d’avoir entretenu une relation très étroite avec l’homme d’affaire Kamel Eltaïef éminence grise de Ben Ali durant les premières années de son régime et à la réputation sulfureuse. 

Eltaïef figurait parmi les organisateurs du « coup d’État médical » qui a écarté du pouvoir le premier président tunisien, Habib Bourguiba, pour sénilité en 1987. Aux yeux d’un grand nombre de tunisien il incarne la corruption qui avait gangréné le pays. BHL est également perçu comme agent du Mossad qui œuvre au rapprochement israélo-tunisien.

Des « crimes de droits communs » pour les autorités

La défense dénonce des violations des droits : accès limité au juge, absence de confrontation, audiences en visioconférence justifiées par un « danger imminent » non précisé. L’ONU et des ONG critiquent une persécution politique, rejetée par Tunis qui invoque des « crimes de droit commun ». 

Ce procès symbolise la dérive autoritaire post-2011, avec une justice instrumentalisée pour éliminer les voix dissidentes, estiment les observateurs internationaux. 

Depuis le coup de force du président Kaïs Saïed en 2021 (pleins pouvoirs), la répression de l’expression politique s’est en effet considérablement accrue. Elle touche, de différentes façons, les partis d’opposition, les milieux de la presse et le mouvement syndical.

Kaïs Saïed a été réélu en octobre 2024 avec le score écrasant de 90,69 et une participation de 28,8%.