Égypte: la place Tahrir, toujours et encore noire de manifestants déterminés

On les disait épuisés, découragés, apeurés, infiltrés par les Frères musulmans, voire manipulés par ces derniers qui auraient pris les commandes du mouvement à en croire la presse française notamment; et finalement résignés, quasiment prêts à lâcher prise devant l'obstination de Moubarak à vouloir rester en poste et qui sort soudainement du chapeau des mesures dites "d'apaisement"...Que nenni! Les manifestants qui occupent la place El Tahrir font une nouvelle démonstration de force prenant de court nombre d'analystes aux courtes vues.

Ils étaient encore ce mardi 8 février des centaines de milliers, débordant jusque dans les rues adjacentes, improvisant même des marches aux alentours, selon les correspondants de presse, sans doute au nez et à la barbe des nervis de Moubarak qui regardent désormais passer le train de l'histoire après avoir tenté de multiples coups de force pour casser "la révolution" au bord du Nil.

C'est que le contexte se transforme en un temps record. A commencer par le rôle décisif des médias. Voila que les "officiels" se mettent au diapason du soulèvement, changeant de contenu et de ton, donnant enfin à voir le vrai visage de l'Égypte, plutôt qu'une façade trompeuse, vernis de la dictature.

La parole est enfin donnée à la télévision nationale à des manifestants, à des jeunes qui disent sans retenue, librement, leur aversion envers un pouvoir dictatorial et profondément injuste. Du jamais vu et entendu dans les chaumières. Parmi ces jeunes, le cybermilitant, Wael Ghonim, relâché après douze jours de détention, qui est venu narré son cauchemar, captant une grande audience.

Quant aux Frères Musulmans, dont on ne cesse de dire dans la presse française qu'ils sont puissants, parfaitement organisés, solidement enracinés, sur le point de prendre le pouvoir et de bouleverser la géopolitique dans la région, au grand dam d'Israël qui n'hésiterait alors plus à bombarder l'Iran; quant au rôle supposé des "barbus", on ne peut conseiller mieux que de s'en  remettre plutôt à ceux qui sont sur le terrain depuis le début, dont le romancier Alaa-al-Aswani, auteur du célèbre "l'immeuble Yacoubian", qui explique, non sans passion pour sa "révolution", qu'ils ne sont plus qu'un épouvantail pour faire diversion et laisser entendre qu'entre la peste et le choléra...