la beauté et la splendeur d’une ville considérée comme étant l’une des contrées les plus « vivantes » du Maghreb... (DR)

Oran: une ville étincelante dans un patchwork de milles couleurs

«Rien n’est plus beau, rien n’est plus significatif pour celui qui aime du même amour l’Afrique et la Méditerranée que de contempler leur union du haut de Santa Cruz. Ce tas de monnaies blanches jetées au hasard, c’est Oran. Cette tâche d’encre violette, c’est la Méditerranée. Cette poussière d’or sur un miroir d’argent, c’est le sel de la plaine à travers le soleil. »

C’est en ces termes qu’a résumé Jean Grenier, écrivain et philosophe français, la beauté et la splendeur d’une ville considérée comme étant l’une des contrées les plus « vivantes » du Maghreb. Cette même ville avait toujours fasciné plus d’un. On ne la visitera jamais assez. La ville d’Oran mérite bien son surnom de « El Bahia », c’est-à-dire la radieuse ou la ravissante. Elle a réussi à préserver son identité malgré ou peut-être grâce à la succession d’envahisseurs. Si vous y êtes de passage, elle saura vous accueillir. Un séjour sur le sable doré des plages oranaises, une virée à travers ses ruelles, son marché de la Bastille ou son Front de mer ne feront que du bien.

Des plages féériques

Oran, à quelque 450 km à l’ouest d’Alger, est considérée comme étant l’une des destinations les plus prisées de la majorité des touristes des wilayas voisines en été. Ils étaient quelque dix millions à s’y rendre la saison passée. Le charme de son littoral est irrésistible. Le littoral oranais bénéficie d’un cadre côtier exceptionnel. En cette saison estivale, qui n’en est qu’à ses premiers jours (1er juin), comme celle de tous les ans, des millions d’estivants sont attendus. Onze millions, selon les estimations de la direction locale du tourisme. La Corniche se situe à quelques kilomètres à l’ouest de la ville, c’est la destination préférée des Oranais et des touristes se trouvant dans la région. La Corniche oranaise possède une multitude de plages superbes.

« Il fallait venir en pleine période estivale pour pouvoir se mêler à tout le beau monde qui nous vient de partout. A partir de la première quinzaine du mois de juin, gare aux retardataires. Plus de place pour eux ni dans les parkings, encore moins sur la plage », témoigne un commerçant exerçant non loin de la plage Beau-Séjour, à Aïn El Turk. En effet, les plages de la Corniche s’étendent sur une distance d’environ dix kilomètres, les plus réputées sont sans conteste les plages de Coralès, les Andalouses et Bousfer. De nombreux estivants des quatre coins du pays et même de l’étranger sont tombés sous le charme de ces belles plages féériques. Ils sont devenus des habitués de ces lieux paradisiaques, car ils ne ratent pas le rendez-vous estival, puisqu’ils sont toujours là pour savourer les plaisirs de la mer et oublier, pour un temps, les soucis de la vie.

Ces plages sont donc prises d’assaut par un grand nombre de vacanciers, avec un record d’affluence plus important durant les week-ends. Pour fuir la canicule, nombreuses sont les familles ayant préféré la destination de la Grande bleue. Elles y viennent. Elles y reviennent. L’une des plages les plus convoitées de la wilaya sera assurément celle de Aïn El Turk, à l’extrême ouest de la ville, et comme à l’accoutumée, la plage de Bousfer a hâte de retrouver ses habitués. Eux aussi. Coïncidant encore cette année avec le mois de jeûne, les estivants seront sans nul doute nombreux à s’y rendre. Contraints d’écourter leurs séjours, les premières semaines de la saison estivale seront sûrement marquées par une grande affluence. Et pour que ce soit ainsi, les autorités locales ainsi que la direction locale du tourisme « veillent à ce que cette saison soit encore plus réussie que celle de l’année écoulée».

Des sites mythiques… en quête de réhabilitation

Pour celui qui ne connaît pas Oran, une virée à travers ses ruelles et anciens quartiers permettra de constater de visu que l’histoire de cette ville a été gravée dans ses moindres recoins. La wilaya d’Oran recèle 24 sites historiques et archéologiques classés au niveau national, dont la majorité se trouve au vieux quartier Sidi El Houari, qui est classé site protégé. Ce même quartier populaire, l’un des plus anciens de la ville, est un véritable musée à ciel ouvert, où se côtoient près de 70 monuments remontant aux différentes périodes vécues par cette cité, allant de la préhistoire jusqu’à la période de la colonisation française, en passant par l’ère arabo-musulmane, espagnole et turque. A citer, entre autres, les Bains turcs construits par le bey Bouchlaghem en 1708 et utilisés ensuite par les Français comme lieu de laverie. Ils sont composés d’une multitude de petites pièces de 4 à 15 m², une grande terrasse et une grande cour, actuellement occupées par l’association Santé Sidi El Houari. Parmi les sites drainant les touristes aussi bien locaux qu’étrangers figurent la porte de Canastel, la mosquée du Pacha, le palais du Pacha et l’église Saint-Louis. Un autre site : la fameuse cathédrale où se trouve actuellement la bibliothèque régionale.

L’Hôtel de ville, appelé communément « Dar Esboua », en référence aux deux lions en bronze qui trônent à son entrée en pur marbre, a été construit en 1886 au centre-ville et il surplombe la place du 1er-Novembre 1954 (ex-place d’Armes). La Bibliothèque de la Cathédrale d’Oran est située sur la place Chahid-Zeddour-Belkacem, au centre-ville d’Oran. Il s’agit d’une ancienne cathédrale, construite en 1913, transformée en 1985 en bibliothèque au profit des étudiants et lycéens de la ville. Elle se distingue par son style architectural néo-byzantin. Ce n’est pas tout. La périphérie directe du chef-lieu de la wilaya d’Oran est aussi riche en monuments historiques que le centre-ville. Et il s’agit bien entendu de ces forts qui témoignent de la place privilégiée qu’occupait Oran à travers les temps. Le fort Saint-Thérèse sis au nord-est du Châteauneuf et surveillant de la plage de Karguent. Il aurait été bâti par le comte d’Alcaudète en 1557-1558. Il a été reconstruit de 1737 à 1738 par don José de Vallejo. C’est dans ce fort qu’Otman Ben Mohammed, 27e bey, déposa toutes ses richesses lorsque, pour échapper à la mort, il voulut prendre la fuite par la mer. La batterie du Petit-Maure, El Morillo, ou de Santa-Anna, placée au-dessous de la promenade du Châteauneuf et armée de quelques pièces de canon pour la défense de la côte, a été élevée de 1740 à 1741 sous don José Vallejo. Quant au fort San-Miguel, situé au-dessus de Mers El Kebir, qu’on appelait encore Bordj El Francès, bâti en 1740, a été démoli par Mohammed El Kebir, en 1791. Il y a lieu d’y ajouter : le réduit Sainte-Barbe, le fortin ou lunette Saint-Louis et l’ancien château Saint-Philippe.

Fort Santa Cruz… le protecteur

Fleuron de l’architecture militaire de l’époque et gloire du patrimoine d’Oran, le fort de Santa Cruz a été bâti par les Espagnols au XVIe siècle (entre 1577 et 1604) pour protéger la ville.
C’est un site magnifique avec une vue imprenable sur la ville d’Oran. Le fort de Santa Cruz a été un lieu de combats sanglants entre Ottomans et Maures vassaux contre les Espagnols et les tribus arabes alliées à ces derniers. Ce fort se situe sur la crête du massif de l’Aïdour. Sa situation en faisait un point stratégique. Il a survécu aux nombreuses mutations du temps, dont le puissant tremblement de terre qui frappa Oran en 1792 et qui fit quelque 2 000 morts, il était menacé et appelé à une restauration. Des dizaines de pierres taillées ont été tronquées du monument par des pilleurs pour servir de matériaux de construction à des maisons érigées à flanc de montagne et tant d’objets authentiques ont été volés.

Le fort, peu protégé, voire délaissé par les autorités durant la décennie noire, a été endommagé et dépouillé par les pillards et les saboteurs, en dépit des appels pressants lancés par Bel Horizon, une association qui œuvre depuis des années pour la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine historique et qui a néanmoins limité les dégâts par ses multiples campagnes de sensibilisation et de volontariat, mais aussi à travers son ingérence positive dans toutes les affaires qui concernent le fort de Santa Cruz, en vertu de son statut d’association domiciliée dans ce fort. Au contrebas, une petite chapelle : la chapelle de la Vierge exposant une statue de la Vierge Marie est construite en 1850, après la terrible épidémie de choléra de 1849, qui avait fait plusieurs centaines de victimes par jour.

Elle est dédiée à Notre-Dame du Salut. Elle est rebâtie en 1851, à la suite de l’effondrement de la voûte. Monseigneur Callot, premier évêque d’Oran (1867-1875), était désireux de construire une église plus digne que ce petit oratoire. Mais au lendemain des désastres de 1870, il ne put réaliser que le clocher, dont la première pierre fut posée le 10 février 1873, et une statue de la Vierge, réplique de celle de Notre-Dame de Fourvière à Lyon, est installée sur la tour le 6 décembre de la même année. La cloche de la tour, d’un poids de 1 178 kg et coulée dans les ateliers Burdin de Lyon, est installée le 4 juillet 1874. L’endroit constitue de nos jours « un passage obligatoire pour tout visiteur à Oran ».

Une destination de rêve, mais…

Oran a de quoi faire rêver, mais pour des raisons inexpliquées, cette ville se meurt. De l’avis des Oranais eux-mêmes, Oran a perdu de son charme. Insécurité, monuments historiques délaissés et manque de savoir-faire, voilà de quoi résulte la politique des slogans. Encore un autre : c’est ce qu’avait déclaré récemment le secrétaire d’Etat au tourisme, Mohamed Amine Hadj Saïd, lors de sa visite à El Bahia. Oran recèle, en effet, des potentialités à même de faire d’elle une wilaya pilote dans le tourisme national, mais le chemin reste encore long. A commencer d’abord par garantir « un cadre agréable pour les touristes une fois venus. A ces derniers, il est de notre devoir de veiller à réunir toutes les conditions d’un séjour inoubliable », a estimé d’emblée un gérant d’une agence de tourisme. Pour notre interlocuteur, le plus important serait avant tout de définir le mot tourisme qui veut dire prestation de services de qualité, entre autres, jugée très moyenne, pour ne pas dire médiocre, du moins chez bon nombre d’opérateurs du tourisme, où l’accueil et la prestation sont peu professionnels. D’autres insistent sur le volet sécuritaire.

« Oran, comme toutes les grandes villes, a son lot en termes d’agressions. Il est vrai que les différents services de sécurité font un travail remarquable sur le terrain, mais le phénomène est loi d’être carrément endigué», témoigne un collègue, « conseillant » à notre photographe de faire très attention à son appareil. Quant aux professionnels du secteur du tourisme, la promotion de ce volet à Oran « n’est pas un miracle ». « Rares sont les villes qui ont connu une telle cohabitation des confessions musulmane, juive et chrétienne, attestée par ses mosquées, ses synagogues et ses églises. C’est en parcourant ces mêmes ruelles qu’Albert Camus imagina le scénario d’un de ses plus célèbres romans. On a de la chance d’habiter une ville aussi riche en histoire », a-t-on souvent indiqué, faisant ainsi référence aux différents sites historiques de la ville d’Oran, qui « attendent encore une main bienfaisante et restauratrice ». Rappelons dans ce sillage que l’opération de restauration entamée depuis l’année écoulée se poursuit encore.

Des sommes colossales avaient été dégagées en la circonstance, cependant, les travaux avancent lentement. Les objectifs sont, selon la direction locale de la culture : protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel, restaurer les immeubles et moderniser les logements, mais aussi réglementer et restructurer le centre historique pour améliorer l’environnement et le cadre de vie, et enfin développer la fréquentation touristique.