France : la sanction invraisemblable d’un journaliste qui souligne l’horreur des crimes coloniaux
Par N.TPublié le
Suspendu une semaine après ses déclarations sur les massacres coloniaux en Algérie, le journaliste Jean-Michel Aphatie a décidé de ne pas reprendre ses fonctions à la radio RTL, estimant que sa suspension n’était pas justifiée.
« Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais nous, en Algérie, nous en avons fait des centaines. Est-ce qu’on en a conscience ? », avait-il déclaré le 25 février, évoquant la conquête de l’Algérie par la France au XIXe siècle.
À Oradour-sur-Glane, village du Limousin, une unité de la Waffen-SS Das Reich, remontant vers le front en Normandie, massacra 642 habitants le 10 juin 1944.
Une comparaison qui dérange
« On n’a pas fait Oradour-sur-Glane en Algérie », a d’abord rétorqué le présentateur Thomas Sotto, présent avec lui à l’antenne ce jour-là. Mais « est-ce qu’on s’est comporté comme des nazis ? », a-t-il ensuite interrogé. « Les nazis se sont comportés comme nous », lui a répondu Jean-Michel Aphatie.
Ces propos ont déclenché des réactions pour le moins incompréhensibles. L’histoire de la colonisation en Algérie est une succession de crimes contre l’humanité. Qui, dans le monde de la presse, parmi les politiques ou les intellectuels, peut se permettre de contester la réalité des faits établis par une multitude d’historiens ? Les massacres de villages entiers, les enfumades, les viols, l’usage du napalm, la torture, la famine provoquée, le déracinement culturel…
Rappelons, à ce propos, la diffusion, le 16 mars prochain sur France 5, dans l’émission La Case de l’histoire de Fabrice d’Almeida, d’un documentaire intitulé Sections armes spéciales, portant sur le recours aux armes chimiques durant la colonisation.
La guerre chimique, un sujet inaperçu
« Cela fait maintenant plus de vingt ans que les historiens qui travaillent sur cette guerre coloniale en ont fait ressortir les violences spécifiques. On a parlé de la torture, des massacres, des viols, des déplacements de population… Mais la guerre chimique est un sujet qui était passé inaperçu. Il a fallu que les anciens combattants commencent à s’exprimer pour que les historiens disposent d’une matière pour débuter leurs recherches », explique l’historien Christophe Lafaye, qui a participé à la réalisation avec la documentariste Claire Billet.
Il a pu identifier « 450 opérations militaires ayant eu recours aux armes chimiques en Algérie, principalement concentrées dans les zones montagneuses de Haute-Kabylie et des Aurès. »
Jean-Michel Aphatie dit attacher « un prix particulier à la question de la présence française en Algérie entre 1830 et 1962 ». Il confie avoir été « horrifié » par ce qu’il a « lu dans les livres écrits par des historiens méticuleux ».
Le quotidien L’Humanité a diffusé de son côté, sur son site internet, une vidéo qui réaffirme et appuie les propos du journaliste.