Algérie. Organisations de la société́ civile et financements étrangers : Parlons-en !
Par Arab IzaroukenPublié le
L’association Santé Sidi El Houari d’Oran (SDH) comme bien d'autres, est menacée de dissolution.
L’association Santé Sidi El Houari (SDH) qui célèbre cette année ses 31 ans d’existence, vient de faire l’objet d’une plainte du wali d’Oran visant à sa dissolution. L’administration justifie cette plainte par le fait que l’Association a bénéficié de financements étrangers sans accord préalable des autorités.
Ce n’est pas la première fois que ce motif est « convoqué ». La question des « financements étrangers sans autorisation » est devenue une épée de Damoclès suspendue sur la tête des associations et autres organisations de la société civile (OSC), souvent les plus dynamiques d’entre-elles.
Pour rappel, l’association RAJ qui a saisi le conseil d’État, a été dissoute pour des raisons similaires.
Le flou des textes, les zones d’ombre qu’ils contiennent doublés du penchant au despotisme et à l’arbitraire de l’Administration, rendent cette question des « financements étrangers » confuse, épineuse et clivante.
Mettons les choses au clair !
La loi 12/06 dispose en son article 30 : « II est interdit à toute association de recevoir des fonds provenant des légations et organisations non gouvernementales étrangères. Ce financement est soumis à l‘accord préalable de I‘autorité compétente ». La loi est donc sans équivoque : Pour recevoir des fonds de l’Étranger (« légations et ONG »), un accord préalable de l’autorité compétente est exigé.
Toutefois, il est très rare que « l’autorité compétente » réponde aux demandes d’autorisation des associations et autres organisations de la société civile (OSC). Et quand par miracle ladite "Autorité" aura daigné répondre, les délais exigés par les procédures propres aux propositions de financement des bailleurs étrangers ont déjà expiré.
Les doutes quant à la bonne foi et à la sincérité de cette "Autorité" sont par conséquent, légitimement fondés et justifiés.
Pis, le fait que le législateur n’ait pas fixé dans la loi elle-même, le délai de réponse de l’Autorité aux associations et autres OSC demandeuses ainsi que l’exigence de justifier le cas échéant, sa décision de refus de l’autorisation (accord préalable), laisse penser qu’il s’agit bien d’une «omission volontaire» qui permet à l’Administration, au pouvoir politique en fait, de gouverner et de gérer par la ruse.
Une constante depuis des décennies du mode de gouvernance à l’algérienne. Une gouvernance par la corruption, par la ruse et si ces deux pratiques s’avèrent peu performantes, par le gourdin et par la trique.
Entendons-nous bien !
Bien sûr que des forces (États, courants politico-religieux transnationaux, milieux maffieux ...) cherchent à infléchir dans le sens qui convient à leurs intérêts, les évolutions dans notre pays. Mais de là à conclure que les associations et autres organisations de la société civile dont des projets ont été financés ou cofinancés par « l’Étranger » [1] ne sont que des instruments dociles appliquant les désidératas de puissances étrangères, la fameuse « main de l’étranger » qu’on agite à tout va, il y a un pas à ne pas franchir.
Or, en guise de débats et de mesures prises souvent sur la question, nous assistons malheureusement à des pratiques pas loin de la calomnie, à de la délation bénie par des responsables heureux de l’aubaine : des langues qui s’abattent sur des associations s’acharnant à faire quelques choses d’utile en faveur très souvent de populations et de catégories sociales dans le besoin. Des responsables heureux de trouver des voix qui crient « haro sur le baudet !», « Attention les harkis sont de retour ! ».
Cette fixation exagérée et négative sur les financements étrangers pris en bloc est-elle motivée par le seul souci de protéger la souveraineté nationale ou cache-t-elle dans une certaine mesure la peur des pouvoirs publics de voir le mouvement associatif s’engager dans une dynamique et un processus conduisant à son autonomie, condition sine qua non pour l’émergence d’une véritable société civile ?
Posons-nous la question du rapport qu’entretient le Pouvoir/État avec la société civile et ses organisations ainsi que celle des financements sur fonds gouvernementaux de pseudo associations clientèles immuables de tous les pouvoirs qui se sont succédé.
Pourquoi cette occultation dans ce débat douteux sur les « financements étrangers » du caractère liberticide de la loi (12/06) sur les associations en vigueur ? Pourquoi ne s’intéresse-t-on pas à ce qui se passe en la matière chez nos proches voisins où les financements étrangers, sitôt leur légalité établie et leur traçabilité assurée, sont non seulement bienvenus mais vivement recherchés et sollicités ?
Revenons à « la main de l’étranger » : Sans être naïfs (en niant le danger) ni complaisant, il y a un peu plus que de l’exagération. En agitant à tout bout de champs ce spectre de l’Étranger avec le couteau entre les dents, n’y a-t-il pas volonté de désactiver toute velléité de remise en cause du « Système » et de tétaniser les forces qui le contestent.
Le monde est beaucoup plus complexe que ce que l’on veut nous faire croire. Dans cette histoire, il y a bien sûr, les appétits et les intérêts des uns et des autres, il y a les contradictions, les rivalités, les antagonismes même. Mais il y a aussi les intérêts communs, il y a la coopération, la solidarité intéressée, parfois et pourquoi ne pas le dire, désintéressée. Et ... Il y a aussi et souvent tant que le monde est comme il est, des solidarités forcées, des solidarités obligées et forcées.
Cette question des financements étrangers n'est quand même pas difficile à résoudre si, bien entendu, la bonne foi et la bonne volonté sont de mise du côté des pouvoirs publics principalement. Elle a d’ailleurs été résolue dans de nombreux pays à commencer par nos voisins. On ne va pas en 2022, s’amuser à réinventer le fil à couper le beurre.
Les financements occultes, comme tous les délits et crimes sont punis par la loi. Et la loi s’applique à toutes et à tous : institutions, entreprises, associations, syndicats, individus...
S’agissant des financements étrangers/extérieurs légaux, ils transitent tous par le circuit bancaire national. Tout est en principe « under control » à l’entrée comme à la sortie. La traçabilité est ainsi garantie. L’utilisation de ses fonds comme pour le reste d’ailleurs, doit obéir aux règles strictes communément admises de bonne gestion. Le contrôle à postériori s’exercera dans toute sa plénitude et sa rigueur sur tous. C'est tout et point barre.
[1] Souvent cet "Étranger" est aussi bailleur de fonds d’institutions étatiques elles-mêmes à l’exemple de l’UE, PNUD, autres programmes des nations unis, AFD et autres agences de coopération et fondations de différents pays.