Connue sous le nom de Nana, Anna Lubrano a consacré sa vie au quai de la Fraternité, offrant sa gouaille et son accent chantant aux passants et médias qui l’adoraient, avec l'assurance de répliques savoureuses à chaque rencontre.

Marseille : Nana, la poissonnière légendaire du Vieux Port, est partie

Dans le cœur des Marseillais, Nana restera une figure incontournable du Vieux-Port, sa présence une constante immuable durant près de 85 ans. Décédée paisiblement à son domicile de la rue de la Loge à l'âge de 95 ans, le vendredi 10 janvier, cette poissonnière emblématique de Marseille a tiré sa révérence entourée de ses proches. 

Connue sous le nom de Nana, Anna Lubrano a consacré sa vie au quai de la Fraternité, offrant sa gouaille et son accent chantant aux passants et médias qui l’adoraient, avec l'assurance de répliques savoureuses à chaque rencontre.

Née en juillet 1929, rue Saint-Antoine, dans le quartier du Panier, Nana a commencé à travailler dès l’âge de 10 ans, aidant son père chalutier à vendre ses poissons. L’enfance de Nana, marquée par la Seconde Guerre mondiale et la destruction de son quartier, fut celle d'une fille d’immigrés italiens qui grandit avec Marseille, en suivant les métamorphoses urbaines et l’essor du tourisme.

Sa fille Marilou se souvient d'une mère aimante, protectrice et dévouée. Ses enfants avaient droit chaque matin aux plats préparés avec amour, avant de partir travailler. Son fils aîné, Francis, a poursuivi la tradition familiale, devenant pêcheur à son tour, tandis que la jeune génération s’est orientée vers d’autres carrières, toujours à Marseille. La vue sur Notre-Dame-de-la-Garde depuis son lit apportait à Nana une sérénité inégalée, sa fille évoque ce tableau quotidien avec tendresse.

« Yeux de Sainte-Lucie »

Il y a un peu plus d’un an, Nana a cessé de venir sur le quai, son état de santé ne lui permettant plus de vendre ces coquillages appelés « yeux de Sainte-Lucie ». Elle, autrefois experte en calcul mental, reconnaissait que son époque s’éloignait. Sa santé s'est dégradée rapidement, confirmant l’importance du travail dans sa vie.

Benoît Payan, le maire de Marseille, a rendu hommage à cette icône, célébrée dans le premier magazine municipal en janvier 2024. « Pour les Marseillais, Nana, c'est Marseille », a-t-il déclaré, exprimant sa gratitude sur les réseaux sociaux et partageant ses condoléances avec la famille.

En août 2023, Nana avait partagé ses souvenirs de poissonnière avec La Provence. Elle exprimait sa fierté face à cette vie bien remplie, où elle vendait jusqu’à 500 kilos de poissons par jour et savait exactement comment sublimer les produits de la mer. Bien qu’elle ne sache pas nager, cette Marseillaise avait une maîtrise des poissons inégalée, un savoir-faire transmis et admiré.

Pour tous ceux qui l’ont connue, la présence de Nana sur le quai était un pilier. Marilou, sa fille, parle de la fierté de voir sa mère sous les projecteurs, bien qu’elle ne mesurait pas l’ampleur de l’affection des Marseillais avant que les nouvelles soient partagées sur les réseaux sociaux.

Le silence de Nana laissera un vide sur le quai de la Fraternité, ce samedi matin. Pourtant, son sourire et sa voix résonneront toujours dans les souvenirs de ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin, des générations de familles marseillaises pour qui elle incarnait l’âme même du Vieux-Port.