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Répression: Le pouvoir Algérien commet enfin la faute de trop

Marcheront, ne marcheront pas? L’incertitude plane sur l’issue du bras de fer auquel se livrent les foules décidées à battre le pavé à Alger et l’impressionnant dispositif de forces anti-émeutes dressé à l’entrée et dans la capitale à l’effet d‘empêcher la concrétisation de l’appel de la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD).

Vingt-cinq mille hommes en uniforme, armés de matraques et de boucliers ont d’ailleurs pris position à divers endroits sensibles, voire stratégiques comme l’entrée de la maison de la presse, le long du boulevard qui sépare celle-ci de la place du 1er Mai, le parc de maintenance des bus de l’entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger(ETUSA), la place de la liberté de la presse, et plus loin sur les rues et boulevards Hassiba Ben Bouali, Cl Amirouche, ALN et Che Guevara.

De nombreux autres policiers roulaient déjà des mécaniques autour et sur des véhicules blindés stationnés du côté de la place des Martyrs et du siège de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), engins anti-émeutes armés de lance-eau et autres dispositifs destinés à disperser les foules lors de manifestations de rue.

Le siège régional du RCD a lui aussi été pris d’assaut par les éléments de la police dépêchés à la rue Didouche (ex-Michelet) où, immédiatement après la chute de Moubarak, les partisans de Saïd Sadi sont sortis manifester leur solidarité avec les Égyptiens et leur joie de voir un autre dictateur plier sous la colère du peuple. Au moins cinq militants avaient été interpellés puis relâchés après avoir été soumis à un contrôle d’identité et un interrogatoire musclé au commissariat du 6e arrondissement.

La rumeur (ou la vérité ?) selon laquelle des dizaines d’étudiants de Kabylie passaient la nuit au siège du RCD pour être de l’évènement le jour J a poussé les forces de l’ordre à encercler carrément l’immeuble du parti, sis rue Didouche. Rien à dire, ni à négocier avec un personnel répressif, dressé pour faire usage de la violence et montrer à quel point le pouvoir est fort.

Une illusion de laquelle sont pourtant revenus ses homologues tunisiens et égyptiens, désormais convaincus que «le peuple source du pouvoir» n’est pas un vain mot. Les cinq mille autres hommes agissant en pare-choc à divers point de la ville, dont les nombreux barrages filtrant dressés à l’entrée est, ouest et sud de la capitale, ramènent à trente mille le nombre de policiers «venus de toute part prêter main forte à des collègues dépassés à Alger».

Un nombre auquel il faut ajouter les actifs en civil, agents secrets soutenus par des indicateurs qui généralement sont légion dans les milieux professionnels et les quartiers populaires. Armada au service d’un pouvoir qui a enfin commis la faute de trop : interdire par la force ce que le peuple réclame avec sagesse.

A la volonté populaire de marcher pacifiquement pour le changement et la démocratie, les forces de l’ordre vont répondre par l’usage de tous leurs moyens de répression. A la place du 1er Mai, et partout ailleurs dans Alger et ses environs, l’insulte succèdera au mot déplacé et le jet de pierre au coup de matraque.

Le régime à bout de souffle

Place alors aux batailles de rue avec, d’un côté des policiers en mission de réprimer et, de l’autre, des manifestants dressant des barricades et incendiant des pneumatiques. Scènes à l’issue incertaine tant le risque de blessés et de mort d’hommes est un open pour un processus non-stop de contestation. Les militants du RCD, bloqués par les forces de l’ordre au siège d’Alger, en ont donné l’exemple en forçant, aujourd’hui vers 1h du matin, le dispositif policier aux cris de «Djazair Horra dimocratia» (Algérie libre et démocratique), «libérez les émeutiers», «levez l’état d’urgence» et autres slogans choisis par la CNCD. D’autres manifestations de rue ont été aussi signalées hier partout à l’intérieur du pays.

A Annaba, Bordj Bou Arréridj, Bordj Ménaiel, Naciria, Skikda, Oran et Ghardaïa où des milliers de personnes ont, drapeaux brandis en l’air, marché pour le changement et la démocratie en Algérie. Des manifestations anti-pouvoir que le pouvoir ne craint que si le cri des foules retentit dans les palais des quartiers algérois du Golf ou des Tagarins.

D’où sa décision de quadriller Alger par plus de trente mille policiers. Le déploiement d’autant d’hommes armés et d’engins d’assaut dans les artères de la capitale évoque moins une opération de maintien de l’ordre qu’une volonté de décréter l’état de siège.

Alger le 11 et 12 février 2011 rappelle par bien des égards Alger le 5 et 6 octobre 1988. Le régime est à bout de souffle, l’heure est au changement. Et à la démocratie.

F.M