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Alger: Le pouvoir affaibli par une fausse victoire sécuritaire et une vraie défaite politique

Les Algériens qui ont répondu à l’appel de la Commission Nationale pour le Changement pour la Démocratie (CNCD) ont tenu tête à un dispositif policier jamais mis en œuvre dans Alger et ses environs. Leur détermination à manifester contre l’arbitraire est restée intacte de 8h du matin à près de 16h de l’après-midi.

Les animateurs de la coordination devaient, eux, se réunir immédiatement après la dispersion des foules et faire un point de situation. Selon une source au fait du contenu de cette séance d’évaluation, un conclave de la coordination tranchera, aujourd’hui à 10h, la question d’un  rassemblement prévu vendredi 18 février à Alger.

«Une dynamique d’occupation pacifique du terrain est bel et bien enclenchée», assure notre interlocuteur, pas du tout mécontent de l’issue de ce premier round à armes inégales avec les forces...désarmées du système. En attendant, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales devrait, dans une «bouteflâtrie» digne des comédies inhumaines, crier victoire malgré l’inexistence des conditions réglementant le déroulement du bras de fer et l’absence d’arbitre impartial.

Une dynamique du changement

Peu importe si le pouvoir a mobilisé plus de policiers que la CNCD de manifestants dans une capitale inaccessible aux manifestants depuis la ville de Thénia à l’Est, de Zeralda à l’Ouest et de Birtouta au Sud. Les militants du changement et de la démocratie devaient briser le mur de la peur et, en tant que telle, leur initiative mérite la mention «mission accomplie». Les quinze ou vingt mille présents sur la place du 1er Mai ont su prendre à témoin l’opinion nationale et internationale sur l’objectif de leur mouvement, des conditions pacifiques de son déroulement et de la réaction musclée d’un régime fin de règne. Rien n’est plus intelligent que de transformer en vraie défaite politique du pouvoir sa fausse victoire militaire.

Les images de chaînes de TV étrangères ne pouvaient être plus claires sur les brutalités subies par des manifestants, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, conduits manu militari au commissariat du 8e arrondissement. Ni plus significatives de la détermination de celles et de ceux qui, face à l’incroyable cordon …d’insécurité, ont vainement tenté de battre l’asphalte en direction de la place des Martyres. La présence d’hommes politiques, de figures de proue du syndicalisme autonome, de représentants d’associations de la société civile et de vétérans des droits de l’homme signait, hier, la dynamique de changement face à laquelle le pouvoir finira par plier à défaut  de devoir s’exiler. En Arabie saoudite ou en Lybie, le paradis dictatorial importe peu.

Tout est question de temps et, d’ici là, dans dix huit jours comme en Egypte ou plus ou moins quatre semaines en Tunisie, les partisans du changement et de la démocratie reviendront plus nombreux au même point de départ, place du 1er Mai, pour tenter, chaque jour avec davantage de succès, de rejoindre la place des Martyres.

Le souvenir de la tentative, hier, de perturber le mouvement par l’infiltration d’un ramassis d’indicateurs et de flics en civil ne suscitera pas plus de mépris à l’encontre de ses auteurs que la répression des manifestants n’entrainera de ressentiment à l’égard des forces de l’ordre. Les uns et les autres auront été, dans cette épreuve, de pauvres victimes d’un système passé maître dans la vente du vent et l’achat de l’honneur des gens.

On n’explique d’ailleurs pas autrement l’augmentation, depuis décembre dernier, de 50% des salaires des policiers. Un corps dont les effectifs d’intervention ont été disséminés, dès vendredi 15h, sur le long des nationales reliant  la capitale à l’intérieur du pays. Sur plus de 50km les automobilistes ne passaient pas un barrage sans avoir à en subir, entre deux villes seulement, un autre, de Thénia à Alger, aussi bien par le littoral que par le sud, sur la route dite à voies rapides.

Israël ne dresse pas plus de check point pour empêcher le mouvement des Palestiniens en territoires occupés que le pouvoir algérien n’installe de dispositifs empêchant d’autres Algériens de rejoindre une capitale recolonisée. Ce samedi 12 février les conducteurs de bus et des trains ont été sommés de maintenir en gares routières et ferroviaires leurs engins. Leurs passagers seraient tentés, une fois à Alger, de chahuter le sommeil diurne de ceux qui, aux palais présidentiel et du gouvernement, n’ont pas dormi la nuit durant. Moubarak, dit-on, passait des nuits blanches et Ben Ali ne se levait jamais tôt. Dictateurs, au suivant !

F.M