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Devant le consulat Tunisien à Marseille : «Écrivez nos noms, si, si, écrivez, on n' a plus peur !»

Deux à trois cent personnes devant le consulat tunisien à Marseille, des jeunes surtout, chantent, sautent, s’étreignent, s’embrassent, vocifèrent, brandissent le drapeau rouge frappé de l’étoile et du croissant…Il y a de la joie, de l’amertume, de la peine, de la colère et l’envie insoutenable de savourer la liberté de s’exprimer sans craindre la présence d’une oreille dressée, d’un regard espion… Sortez un carnet et un stylo et vous êtes pris d’assaut.

Journaliste ? Oui. Alors, il parle en cascade : «Écrivez bien que nous n’aurions jamais imaginé cela il y a seulement quelques jours, écrivez que ces gens-là ont sucé le pays, je veux parler de la belle famille du président, ça ne pouvait plus durer !».  Hama s’interrompt, des cris fusent qui appellent à forcer la porte close du Consulat. Fausse alerte, des appels à la raison calment le jeu, sous l’œil des CRS visiblement pas trop inquiets, plutôt amusés et qui esquissent même quelques sourires. Hama reprend : «Écrivez aussi que la France a sa part de responsabilité, elle a soutenu ce dictateur à bout de bras pendant plus d’une vingtaine d’années !».

Petit mouvement de foule : séance photo improvisée devant la porte du consulat, drapeau rouge déployé, Hama ne veut pas rater le moment. Et voilà qu’elle surgit de nul part, en sautillant de joie. Une très jeune femme, cheveux au vent, entonne l’hymne national tunisien. Scène de liesse, la foule reprend en chœur, poing levé.

Asma est étudiante en architecture. Elle insiste : «écrivez nos noms, si, si, écrivez ça fait plaisir, c’est tellement nouveau, on a plus peur ! Hier encore ce n’était pas possible. Les flics de Ben Ali nous ont pistés toute la journée pour nous avoir vu la veille dans une manifestation, ici même devant le consulat, alors vous comprenez… » Puis à nouveau l’hymne national et le poing levé.

"L'effet domino"

On enchaîne et le slogan a visiblement du succès. Tous en chœur : «Ben Ali, lâche, va donc en Italie!». Hama est revenu. Il explique : «C’est une allusion aux clandestins qui n’hésitaient pas à risquer leur vie pour fuir sa dictature».

Applaudissements nourris : des voitures passent et repassent couvertes de drapeaux, klaxons à fond: «Ça rappelle la liesse des matchs de la coupe du Monde», commente Habib. Lui est étudiant en biologie et le copain qui lui serre le bras, en électronique. Retournez là-bas ? «Et comment!  Plus que jamais et avec fierté !» Soupir… «J’avoue que ce n’était pas évident jusque-là», reconnaît Habib. Et d’expliquer avec beaucoup d’insistance : «la France n’a pas compris. Elle n’a pas compris qu’il faut aider à l’instauration de la démocratie dans les pays du Maghreb et d’Afrique pour freiner l’immigration».

Le proche avenir ? «Que tout rentre dans l’ordre et au plus vite, mais que surtout on arrête les corrompus». Puis, «attendez ! On souhaite aussi qu’il y ait un effet domino, à commencer par nos voisins immédiats». Bien vu. Habib n’est pas le seul à penser ainsi. Un homme, la quarantaine bien entamée, a son mot à dire : «Vivement notre tour !» s’exclame-t-il. Il est Algérien.