Palestine: « Faire le pari de la lutte à travers le monde »
Par N.TPublié le
Diplomate palestinien, Majed Bamya estime que la décision américaine mine la crédibilité des Nations unies. Il parie sur la mobilisation internationale autour du peuple palestinien pour réaffirmer sa présence et ses droits dans Jérusalem-Est occupée.
_. La rue a partout réagi dans les capitales arabes, on parle de possibles embrasements dans les territoires occupés...
Majed Bamya: Ce n’est pas la première question à laquelle j’aime répondre, car cela signifierait que s’il n’y a pas d’embrasement généralisé, il n’y a pas de problème. Or, la décision a beaucoup d’implications. À la sortie de la Seconde Guerre, la création des Nations unies et le développement du droit international ont été élaborés pour maintenir la paix et la sécurité. Les États-Unis fragilisent cet édifice et minent la crédibilité du Conseil de sécurité dont ils sont membres permanents, en violant ses résolutions, alors même qu’ils aiment s’en prévaloir dans d’autres situations. Désormais, ils auront beaucoup de difficultés à le faire. Le mal est beaucoup plus structurel, quel que soit l’embrasement sur le terrain.
_.On parle beaucoup d’isolement des États-Unis, quelles peuvent en être les conséquences ?
M. B: La décision américaine n’affecte pas le statut de Jérusalem en droit ni sur le plan symbolique pour les Palestiniens. Elle affecte, en revanche, le statut des États-Unis. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit 14 membres du Conseil de sécurité attaquer une décision américaine, y compris parmi leurs alliés. L’impact est incontournable sur la capacité de cette administration à exercer un leadership dans la région et sur le processus de paix. Ceux qui étaient prêts à travailler avec les Américains sont dans une position embarrassante. Nous-mêmes sommes dans une situation délicate. La visite du vice-président américain soulève des réticences pour les Palestiniens. C’est là également un fait sans précédent.
_.Quelle peut être la riposte diplomatique des Palestiniens ?
M. B: Nous pouvons nous adresser au Conseil de sécurité, montrer que cette décision est rejetée par la communauté internationale et faire redire le droit : des mesures peuvent être prises pour renforcer la présence palestinienne à Jérusalem et réaffirmer les droits du peuple palestinien à Jérusalem-Est, toujours sous occupation. Nous appelons à la reconnaissance de l’État de Palestine selon les frontières de 1967. Il faut que ce qui est arrivé soit un électrochoc provoquant le respect du droit international.
_. Qu’en est-il des hypothèses d’implication de l’Arabie saoudite autour d’un obscur plan israélo-américain qui ferait accepter aux Palestiniens une capitale dans la banlieue de Jérusalem ?
M. B: Je ne veux pas spéculer autour de ces informations. Nous avons historiquement parié sur la résistance de notre peuple, sur sa capacité à rester sur sa terre et à se mobiliser, y compris dans les camps de réfugiés ou dans la diaspora. Rien ne serait arrivé sans cela. Ni la reconnaissance de l’État palestinien par 137 pays, ni notre statut d’État au sein des Nations unies. Les Américains ne nous auraient jamais parlé dans les années 1980, n’était la résistance de notre peuple, et les Européens ne nous auraient pas reconnus si nous n’étions pas mobilisés pour nos droits. Nous continuons donc à faire ce pari de la lutte et de la mobilisation à travers le monde. C’est pourquoi la fin de cette occupation et de cette oppression est inévitable.
Entretien réalisé par Nadjib TOUAIBIA
Source: Humanité Dimanche n° 589