Macron à Marseille : entre narcotrafic, sécurité et bilan contesté de « Marseille en grand »
Emmanuel Macron est attendu à Marseille ce mardi 16 décembre pour un déplacement sous haute tension. Un mois après l'assassinat de Mehdi Kessaci, le frère du militant écologiste anti-narcotrafic Amine Kessaci, le chef de l'État vient défendre son bilan sécuritaire et le plan « Marseille en grand ». Accompagné du ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez et du garde des Sceaux Gérald Darmanin, le président inaugurera un commissariat et l'extension du centre pénitentiaire des Baumettes, tout en faisant face aux critiques d'élus locaux lassés de voir leur ville réduite à ses règlements de comptes.
La journée présidentielle s'ouvre par un « face aux lecteurs » organisé par La Provence, initialement prévu pour débattre des dangers des réseaux sociaux et de la désinformation. Mais c'est bien la question sécuritaire qui domine l'agenda. Le 13 novembre dernier, Mehdi Kessaci, 20 ans, a été abattu en plein jour devant le conseil départemental du IVe arrondissement, criblé de balles de 9 mm par le passager d'une moto retrouvée calcinée quelques heures plus tard. Un crime qualifié de « préparé », « inédit » et représentant « un véritable point de bascule » par Laurent Nuñez.
La victime, au casier judiciaire vierge, préparait le concours de gardien de la paix. Son seul « tort » : être le frère d'Amine Kessaci, figure respectée de la société civile marseillaise qui a consacré ces dernières années à lutter contre l'emprise des narcotrafiquants dans les quartiers Nord. Une vocation née d'une autre tragédie : la mort de son grand frère Brahim en 2020, retrouvé carbonisé dans un véhicule après un règlement de comptes. L'enquête s'oriente vers un contrat commandité depuis sa cellule par Amine O., considéré comme le véritable patron de la DZ Mafia. Un « homicide d'avertissement » destiné à faire taire un militant devenu trop gênant.
Un dispositif sécuritaire renforcé, des résultats contestés
Face à cette ultraviolence, Emmanuel Macron entend réaffirmer la détermination de l'État. « La lutte contre les stupéfiants est au même niveau que celle contre le terrorisme, l'État gagnera cette bataille », a-t-il déclaré dans la presse régionale. Le président compte défendre l'installation de 346 caméras de surveillance et annoncer de nouveaux équipements pour 2026. La promesse de 500 policiers supplémentaires serait «respectée dans les temps», avec déjà 350 agents déployés.
L'inauguration du commissariat des 13e et 14e arrondissements et celle de l'extension Baumettes 3 symbolisent cette politique du tout-sécuritaire. Un nouveau préfet des Bouches-du-Rhône, Jacques Witkowski, a été nommé, promettant une « férocité républicaine » face aux trafiquants. Mais ces annonces peinent à convaincre. « L'État est-il impuissant face aux narcotrafiquants ? », s'interrogent de nombreux observateurs, alors que les règlements de comptes continuent d'endeuiller la cité phocéenne.
« Marseille en grand » : un bilan en demi-teinte
Quatre ans après l'annonce du déblocage de cinq milliards d'euros, Emmanuel Macron vient également défendre son plan « Marseille en grand ». Selon l'Élysée, 62 % des crédits ont été engagés. Le volet éducation affiche des résultats tangibles : 15 écoles entièrement rénovées ont été livrées. « Marseille est la seule ville de France où l'État construit des écoles », souligne l'entourage présidentiel. Un point d'étape sur la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur (LNPCA) est également prévu.
Mais cette visite concentrée sur le prisme sécuritaire agace une partie des élus et des habitants. « On est fatigués de voir notre ville résumée à ses trafics », confie un élu local. L'hommage rendu à Mehdi Kessaci le 22 novembre, qui a rassemblé plus de 6 000 personnes sur le Vieux-Port, a révélé l'exaspération d'une population qui réclame davantage d'investissements dans l'éducation, l'emploi et le logement. Amine Kessaci, désormais placé sous protection policière et exfiltré de Marseille depuis un mois, a promis dans une tribune au Monde qu'il ne se « tairait pas ». Un défi lancé aux trafiquants comme aux pouvoirs publics.