Une grande partie du programme de l’Université d’Eté du Front National à Marseille, s’adressait aux jeunes recrues du parti. (J.C.S)

Marseille : La jeunesse emmène le Front National

Les 14 et 15 septembre, à Marseille, se tenait l’Université d’Eté du Front National. Deux jours de travaux, de conférences, de débats, et même de formation, durant lesquels la jeune garde FN était particulièrement présente. 

Chaque année, au parc Chanot, a lieu la Foire de Marseille. A la fin septembre, les allées grouillent de foule, les halls sont remplis d’exposants, qui vendent des égoutte-salades électriques ou des allumettes réutilisables.

Ce week-end, le parc Chanot n’avait rien d’une Foire. L’ambiance y était plutôt feutrée, studieuse, concentrée. Le Front National réunissait son Université d’Eté, et comme son nom le sous-entend, beaucoup des personnes présentes étaient là pour apprendre.  

Seuls les discours de Jean-Marie Le Pen, le samedi, et de sa fille, Marine, le lendemain, ont donné au parc quelques allures de foire. La ferveur des partisans, les drapeaux bleus-blanc-rouge qui s’agitent ou les sifflets bruyants chaque fois que le nom “Taubira” est prononcé, l’ambiance de meeting était au rendez-vous. Mais ce n’était pas l’objectif essentiel de ce rendez-vous estival. 

Le boulevard Rabatau, qui longe le parc Chanot, est en travaux depuis de longs mois. Sur tous les blocs de béton qui parsèment l’avenue, des affiches ont été collées : “Marine ça urge !” 

Un peu comme une envie pressante. On connaissait les “Le Pen vite”, dans les années 80-90. Un cran a été franchi. Désormais, il y a urgence, et le FN était à Marseille pour le signifier. 

 

Objectif : Jeunes

En symbole de cette urgence, la présence des jeunes lors de cette Université d’Eté était particulièrement marquée. Lors des prochaines échéances électorales en 2014, municipales et européennes, ces jeunes seront un véritable réservoir de candidats pour le parti. Ce week-end, ils étaient là pour apprendre, se former, prendre des avis et des conseils. 

Sur les tables, dans les allées, des piles de documents sont disposées. Des exemples de tracts, des explications, des mises en garde, les pièges à éviter, tout était consigné pour que ces novices politiques réussissent leur baptême en mars prochain.

La plupart des ateliers étaient conçus pour eux. Le samedi et et le dimanche, les mêmes thématiques étaient proposées plusieurs fois, pour bien s’assurer que le message passerait auprès du plus grand nombre. 

“Introduction au programme économique du Front National”, “Les thèmes de campagne”, “Campagne électorale, les pièges à éviter”, ou encore Campagne électorale et réseaux sociaux”, tels étaient les sujets abordés lors de ces sessions. 

En point d’orgue, une table ronde samedi après-midi, “Le rôle des jeunes dans la reconquête”, avec pour intervenants, des jeunes pousses déjà rodées : Julien Rochedy, directeur du Front National Jeunesse, et son t-shirt “Les gars de la Marine”, Estelle Arnal, à peine plus de 20 ans et tête de liste aux municipales de Chalon-sur Saône, ou Etienne Bousquet-Cassagne, 23 ans, investi à Villeneuve-sur-Lot, la commune dont Jérôme Cahuzac était le maire. 

“Le Front National fait confiance aux jeunes, clame Julien Rochedy à la tribune. Un discours confirmé par les faits : déjà une centaine des têtes de liste aux municipales désignées par le parti a moins de 30 ans. 

Le positionnement est à la fois stratégique et opportuniste : trouver des candidats a toujours été une difficulté pour le FN. En mettant en avant ses jeunes recrues, le parti démontre qu’il séduit et il s’offre un vivier de représentants pour le présent et l’avenir. 

 

Horizon 2017

La stratégie est aussi risquée, mais le risque est mesuré, et même très calculé. Si ces jeunes sont mis en avant, ils seront toutefois peu nombreux en situation d’emporter une mairie. Mais devenir conseiller municipal est une perspective très envisageable pour beaucoup d’entre eux. 

Le FN espère faire élire des centaines de conseillers municipaux. Une fois implantés localement, ils seront plongés dans le grand bain, vont s’aguerrir, et deviendront des relais et des piliers indispensables à l’horizon de la présidentielle 2017, qui reste le véritable objectif de Marine Le Pen et de son parti. 

Et si le FN fait confiance aux jeunes, les jeunes le lui rendent bien. A Marseille, ce week-end, les futurs candidats sont bien présents, venus de toute la France. 

Laurent et Pierrick, 20 ans, et Mathilde, 18 ans, sont venus de la Loire. Les deux garçons seront co-listiers à Feurs. “On milite pas mal, depuis longtemps, explique Mathilde. Ici on fait des connaissances, des rencontres.”

Ils sont jeunes mais ont déjà bien assimilé les éléments de langage : “Nous on dénonce l’UMPS. Le FN, c’est l’opposition au système. On est économiquement à droite, socialement à gauche.”

Le contexte marseillais leur inspire une analyse plus spontanée : “Marseille, c’est un peu ce que pourrait être la France dans 5 ou 10 ans, et on veut pas que ça arrive.”

Stanislas a 23 ans. Son visage est encore celui d’un adolescent, il garde même quelques traces d’acné sur la peau. Il sera co-listier à Chalon-sur Saône. Dans le dos de son t-shirt, un slogan : “Français, fier et fort”. Avec une voix un peu fluette, il explique qu’il est de gauche à la base. Mais que “l’état actuel de la France, l’insécurité, le chômage, l’immigration, la monnaie unique” l’ont conduit à devenir sympathisant du FN. 

Il dit garder ses idées de gauche, et se sent “absolument écouté” au sein du parti. “C’est parce qu’on est du côté du peuple, intervient son collègue Jérôme, 26 ans, également co-listier à Chalon. 

 

Stratégie à long terme

A Marseille, le FN a choisi de miser sur un quadragénaire, déjà bien expérimenté. Mais Stéphane Ravier, 44 ans aujourd’hui, a le même profil que ces jeunes pousses actuelles. Le positionnement clairement à l'extrême-droite en plus. 

Il militait pour le Front National dès l’âge de 16 ans. A cette époque le “ni droite ni gauche” n’était pas au programme, le relookage initié par Marine Le Pen n’avait pas encore eu lieu. Mais lui aussi est devenu un candidat assez rapidement, déjà tête de liste dans son secteur en 2001. 

Désormais très implanté dans les 13e et 14e arrondissements de la ville, il vise la victoire, au moins dans ces quartiers, si ce n’est sur la ville. “Quand je serai maire”, dit-il, en toute simplicité, conscient que les récents sondages, le créditant de 25% des voix, devant le PS, le placent dans une situation très favorable

“C’est un socle, une base, qui va nous va nous permettre d’engranger de nouveaux soutiens. D’ici le mois de mars, il risque de se passer beaucoup de choses...”, lance-t-il, un brin énigmatique. 

A Marseille, comme ailleurs, le FN ne se voit plus comme un arbitre, mais comme un véritable maître du jeu. Même si au final, il n’emporte que peu de succès réels lors des municipales, son influence sur la vie politique et citoyenne risque de peser. Son choix de miser sur les jeunes démontre bien qu'il s'agit d'une stratégie à long terme.