Révolte : voilà pourquoi ça va changer en Algérie… et par la rue
Par yazPublié le
Alger résonne aux cris d’étudiants de plus en plus nombreux dans leurs rassemblements devant le ministère de l’Enseignement supérieur. Ils y affluent notamment des universités de Bab Ezzouar, de Blida, de Boumerdès, de Laghouat, de Médéa et des grandes écoles comme celles des Travaux publics, de polytechnique, de commerce ou d’informatique. A Oran, Sidi Bel Abbès,
Tizi-Ouzou et Béjaïa le mécontentement ne bruit pas moins violemment qu’ailleurs.
Partout les étudiants refusent la bêtise qui classe à une même échelle de la fonction publique, la
13, un mastère 1 équivalent à bac + 4 et un ingéniorat obtenu au bout d’un bac + 5. Avec eux
protestent aussi les enseignants contractuels qui réclament leur intégration dans le corps permanent de la fonction publique.
La contestation qui paralyse ainsi l’université risque à n’importe quel moment de déborder le secteur. Or rien n’est plus dangereux qu’une révolte qui quitte son cadre normal pour se poursuivre dans la rue.
Aux côtés de ces universitaires se mobilisent aussi les enseignants du secondaire, décidés à observer le 2 mars une journée de grève générale en attendant de voir plus claire. L’initiative est à l’appel du CNAPEST, (Conseil National des professeurs de l'enseignement secondaire et technique) une coordination syndicale qui se fera probablement rejoindre par ses pairs du CLA (Conseil des Lycées d'Algérie) et de l’UNPEF (Union nationale des personnels de l'Éducation et de la formation) pour contraindre, comme en 2010, le gouvernement à accéder à l’essentiel de leurs revendications.
Mais de l’an passé à cette année tout a évolué de sorte que le social et le politique fondent la dynamique désormais en marche vers le changement et la démocratie. Tout comme l'Éducation, la Santé est elle aussi qualifiée de secteur «à fortes externalités positives» quand les autorités prennent la peine d’investir dans la ressource humaine. Or les paramédicaux, en grève illimitée depuis bientôt dix jours, ne réclament rien d’autre qu’une revalorisation juste et équitable de leur catégorie professionnelle.
"Des journées noires"
D’où leur menace de transférer leur sit-in quotidien dans les hôpitaux au ministère de la Santé pour amener le premier responsable du secteur à accepter le statut particulier de cette catégorie professionnelle, intégrer le système LMD dans la formation paramédicale, et accéder à certaines revendications salariales.
Trop demandé ? Rien n’est moins sûr quand professeurs et maîtres assistants reconnaissent leur incapacité à assurer le service sans l’intervention à plein temps des paramédicaux. Un corps formé de diplômés bac + 3 désormais prêts à tout pour arracher leurs droits, «y compris en battant régulièrement le pavé entre la place du 1er Mai et celle des Martyres». Le propos est d’un gréviste qui, pour mieux se faire comprendre, précise : «s’il le faut, on sortira dans la rue».
Le mot est lâché, «la rue» où des milliers de jeunes chômeurs feront de jeudi et de vendredi «des journées noires si le wali de Annaba n’offre pas les emplois promis.» Cette menace a tous les risques d’être suivie d’effet puisque les insurgés, de Berrahal à Annaba, occupent la rue depuis plusieurs jours. On ne sait de quelle couleur seront faits ceux de demain et d’après demain, surtout que toute intervention des forces de l’ordre est un prétexte à l’affrontement.
Haut lieu d'une révolte populaire
Et l’affrontement, c’est dans la rue. 24h seulement avant la marche à laquelle a appelé la CNCD à Alger. Mais la rue gronde partout ailleurs en Algérie, comme à Tadmaït et Akbou en Kabylie, à Naciria et à Boumerdès, à Constantine et à Batna où un mouvement de greffiers en colère contre leurs conditions socioprofessionnelles s’est transformé d’un arrêt de travail en une action de rue.
Cette même rue où risquent de se retrouver leurs confrères des cours d’Alger et de Skikda si le débrayage de mercredi et jeudi n’est pas pris au sérieux par la chancellerie. Erreur que de prendre pour havre des mal-élevés et des bons à rien la rue. Celle qui servi au lumpen de chahuter sur instigation du pouvoir l’action de la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie) le 12 février, a surtout été le haut lieu d’une révolte populaire qui a brisé le mur de la peur.
La rue de l’indépendance confisquée est accoucheuse d’autant de liberté que celle du colonialisme de peuplement. Et c’est dans cette même rue que, en pleine guerre d’indépendance, Ben M’Hidi conseillait de mettre la Révolution. «… Et le peuple l’adoptera»,
avait-il alors prédit. La France coloniale n’avait, à l’époque, peut-être pas bien compris; le pouvoir en place a aujourd’hui tout oublié. Voilà pourquoi ça va changer. Et par la rue.
F.M