Algérie: coup de projecteur sur les moudjahidate
Par N.TPublié le
Nadja Makhlouf est une jeune photographe et réalisatrice franco-algérienne qui a été bercée “depuis qu’elle est toute petite” par des allers-retours entre la France (où elle a grandi) et l’Algérie (où ses parents sont nés). Elle dit avoir toujours été “sensible aux problématiques liées à la femme”, notamment à celles d’Algérie.
Rencontre à l’occasion de son exposition photographique « De l’invisible au visible : moudjahida*, femme combattante », à l’Institut de recherche et d’études Méditerranée – Moyen-Orient (iReMMO).
Elle y présente une quinzaine de diptyques selon le procédé suivant : à gauche/avant « pendant la guerre » (image d’archive appartenant au sujet) et à droite/maintenant un portrait actuel (réalisé par la photographe). Chaque portrait est accompagné d’un court récit décrivant le parcours de ces femmes traversant et traversées par l’histoire, où la grande histoire et l’histoire personnelle se croisent.
Qu’est-ce qui a motivé ce projet autour des moudjahidate (combattantes) algériennes ?
C’est lors du cinquantenaire [de l’indépendance de l’Algérie en 2012, ndlr] que je me suis rendue compte qu’on ne parlait pas assez des femmes combattantes pendant la guerre de libération. En tous les cas en France. On en parle en Algérie mais beaucoup moins en France.
Et moi ce qui m’intéressait c’était de retrouver des personnages et des personnes qui n’étaient pas forcément visibles dans les médias en Algérie et d’autant plus en France. Je voulais les prendre en photo et je voulais aussi absolument exploiter leurs archives personnelles. Parce qu’elles ont une masse d’archives qui est assez extraordinaire et qui n’est pas forcément exploitée par les musées ou dans les expositions.
Quand avez-vous commencé ce projet ?
Je l’ai commencé il y a un an et demi. C’est assez récent mais ça a été un travail très dur et très long. Beaucoup plus que je ne le pensais. Pour certaines ça a été assez compliqué de les retrouver, pour d’autres beaucoup moins. Ce qui a été le plus compliqué c’était, non pas de les mettre en confiance, mais c’est qu’elles n’étaient pas toujours disponibles. Du fait du cinquantenaire. Et aussi la plupart avaient des problèmes de santé. Ou encore elles n’avaient plus envie d’en parler.
Est-ce que ça a été difficile de les identifier ?
Pas tant que ça. Non, non. On m’a aidé, déjà par le biais du cercle familial, et le cercle amical. Nombreux sont ceux qui ont une grand-mère qui est encore vivante et qui a participé à la guerre de libération.
Quelle a été la réception des photos de moudjahidate en France et en Algérie ? La question de la résistance algérienne est bien évidemment perçue et vécue différemment selon les points de vue.
Il n’y a pas eu encore vraiment d’impact en France, vu que c’est la première exposition que je fais ici. En Algérie, beaucoup plus, parce qu’ils y sont déjà sensibilisés. Ce sont des choses auxquelles ils sont quotidiennement confrontés et d’autant plus lors du cinquantenaire. Et les femmes que j’ai rencontrées, au-delà de la fierté, elles étaient très heureuses que je fasse ce déplacement-là. Et maintenant j’habite à Alger. Donc du coup elles sont accueillantes, elles sont bienveillantes. Elles sont très contentes que je vienne jusqu’à elles. Elles sont très touchées. Certaines ne sont pas du tout médiatisées contrairement à d’autres. Et c’était aussi une de mes directives.
Plus de personnes maintenant sauront qu’il y a eu aussi des femmes qui ont combattu pendant la guerre d’Algérie. Au-delà du fait que ce soit en Algérie, je pense qu’on ne parle pas forcément beaucoup des femmes qui ont combattu et résisté pendant les guerres et pour moi c’est très important d’en parler.
De l’invisible au visible : moudjahida, femme combattante
Du 8 juillet au 8 septembre 2013, à l’Institut de recherche et d’études Méditerrannée – Moyen-Orient (iReMMO)
5/7 rue Basse des Carmes, Paris 5e
*De moudjahida féminin de moudjahid en arabe qui signifie résistant ou combattant.