Lumière sur l’École algérienne, cœur battant d’une société sous pression de forces antagonistes
Par Noureddine FETHANIPublié le
Où en est l’école algérienne, quels sont les enjeux, les défis, les attentes des parents d’élèves, les comportements des acteurs éducatifs, enseignants et syndicats ? Médiaterranee ouvre le débat autour de ce thème sensible et inépuisable. Ministre de l’Éducation du 5 mai 2014 au 31 mars 2019, Nouria Benghebrit, a eu à affronter les foudres des milieux conservateurs alors déterminés à torpiller la moindre avancée progressiste dans le secteur. Retour sur cette épreuve.
Mme Benghebrit face à la confusion des genres
En Algérie, le populisme ambiant, nourri et boursouflé par la mentalité rentière et la superstructure idéologique rétrograde, interdit toute initiative de progrès.
Soumise au feu nourri d'une sainte alliance formée autour des milieux conservateurs qui dominent la classe politique et les institutions, la ministre de l'Education Nationale peine à faire passer des réformes pourtant indispensables au projet de modernisation d'une école en perdition et aux antipodes de l'universalité; un élevage d'enfants boursicoteurs voués à l'ignorance et arrimés à un système qui voudrait, pour durer, reproduire sa propre turpitude
Une école en perdition
Mme Benghebrit évolue dans un secteur perclus de médiocrité, qui croule de retards, et dont la rare vigueur se décline dans la résistance acharnée au changement.
On fomente d’innombrables et interminables grèves pour d'improbables motifs. On voudrait ignorer la Loi pour contraindre la ministre à l'enfreindre, on ne lui épargne rien de souvent diffamatoire et plus souvent encore d'inquisitoire ; Il n'est jusqu'à la majorité des "représentants du peuple", ces députés mal élus, qui supputent sur "l'algérianité" de ses réformes, soumises à enquête parlementaire... Des réformes pourtant formellement voulues par le président de la République himself à travers l'installation, en mai 2002, d'une commission de réforme du système éducatif .
L'émargement à la rente est impénétrable aux notions modernes qui ont changé le monde entier, aux mutations dans la façon dont les enseignements sont donnés ainsi que les outils, le rôle de l'enseignant et sa position...
Contractuels : entre la légalité et la revendication
Cette semaine, ce sont les enseignants non titulaires, les contractuels des cycles primaire et moyen qui se mettent de la partie et marchent sur Alger pour exiger une intégration sans condition: " Seule l’intégration, rien que l'intégration pourra mettre fin à notre mouvement " clament les grévistes-marcheurs pourtant au fait de la Loi en la matière, venus des régions de Béjaia,Tizi-Ouzou et Bouira et qui ont entamé une gréve de la faim pour avoir été bloqués aux environs de Boudouaou.
Cette fois encore, Mme Benghebrit, la cible de ce mouvement inédit dans ces formes, n'aura pas dérogé à sa disponibilité à la discussion et à sa quête d'apaisement. Elle avait reçu des représentant du mouvement, leur avait rappelé la Loi relative au recrutement des enseignants et assuré que sa démarche auprès de la direction de la Fonction Publique avait abouti à la concession que les années d'ancienneté des protestataires allaient être pris en charge dans l'évaluation des résultats du concours.
"La loi en vigueur et la réglementation interdisent le recrutement direct et sans concours. Pour l'éducation nationale ,l’accès aux postes d'enseignants est exclusivement réservé aux sortants des Ecoles Normales Supérieures"
Tous les syndicats de l'éducation, ou très peu s'en faut, se sont saisi de cette situation pour faire dans leur surenchère habituelle : " Comme la ministre a obtenu de déroger à la Loi pour prendre en compte l'ancienneté dans l'évaluation des résultats du concours, elle peut obtenir l’intégration sans concours" ! Et de menacer, s'ils n'étaient pas entendus, de rompre l'accord de trêve sociale qu'ils avaient conclu en début d'année.
Résister ou achever l'école algérienne
La gestion de ce conflit par Mme Benghebrit procède d'une feuille de route novatrice, qu'elle ait ou non l'aval des décideurs.
On sait trop bien les ravages que le peu de rigueur dans la sélection des enseignants a fini par causer à l'école algérienne, ses produits et la société en général. Le changement se pose comme une authentique question de salut national.
Noureddine Fethani