Ahcène Nadir Yacine: « J’ai voulu mettre en scène des anonymes de l’Algérie contemporaine… »
Par MedidonkPublié le
Auteur d’un premier roman: Insularités, l’Algérien Ahcène Nadir Yacine revient sur ses liens avec son pays, sur ses inspirations et sur ce qu’il veut exprimer à travers son oeuvre
Propos recueillis par Said Fateh
-Pourriez-vous vous présenter ?
Ahcène Nadir Yacine :
Je suis né à Alger. Enfant, j'ai été bercé par plusieurs langues, le kabyle, l’algérien, le français et l'arabe. Après une scolarité à Kouba j'ai intégré l’école polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger. Au début des années 2000, je pars enrichir ma formation en France. Depuis, j'y vis et j'y travaille. Mon activité professionnelle se partage entre écriture, architecture et enseignement notamment à Sciences Po Menton où j'enseigne l'architecture musulmane en Méditerranée et où j’initie les étudiants à l’écriture.
Malgré ce chemin en France, je n'ai jamais réellement quitté l'Algérie, et l'Algérie ne m'a jamais quitté.
-Quels liens entretenez-vous avec l’Algérie ?
Ahcène Nadir Yacine
Tout simplement, je suis Algérien, pleinement et entièrement Algérien. Ce pays m'a façonné. J'ai vécu à son rythme. J’y ai connu beaucoup de mes plus grands bonheurs. J’ai vécu aussi, au rythme des grandes tragédies qu'il a connues : octobre 88, la décennie noire, les tremblements de terre et les inondations, les printemps berbères. Mon premier roman se veut être le témoignage, en fiction, de mon Algérie. Ma vie en France, mon exil ont rendu nécessaire ce témoignage romanesque dans lequel ma génération en particulier, qu'elle soit exilée ou pas, se reconnaîtra du moins je l'espère. Le roman est aussi des interrogations, comment continuer à être habité par ce pays malgré l’exil. Comment cette terre ne te lâche pas même si tu pars à l’autre bout de la planète.
-Votre premier roman a pour titre Insularités, comment et pourquoi avez-vous choisi ce titre ?
Ahcène Nadir Yacine
Ce titre s’est imposé comme une évidence. Une allégorie à l’Algérie. El Djazair « Les îles ». Mes personnages évoluent chacun dans une île et l'ensemble de ces îles forment l'Algérie. Chacun de mes personnages est, à sa manière, l’Algérie. Qu'il y vive ou pas, chacun d'entre eux porte une partie d'exil en lui.
-Qui sont les personnages de votre roman et comment les avez-vous choisi ?
Ahcène Nadir Yacine
Kenza, Riad, Reda, Moussa, Mourad, Salah sont tous des algériens nés après l’indépendance. Sauf Riad qui y meurt, Ils ont tous quitté ou essayent de fuir l’Algérie (comme Reda le harraga). J’ai voulu mettre en scène des anonymes de l’Algérie contemporaine, notamment la période de la décennie noire. Des individus en perpétuel mouvement dans le chaos du monde qui tentent d’échapper aux diktats que vit l’Algérie. J'ai eu à cœur de raconter le parcours de ceux qui anonymes n'ont certes pas marqué l'histoire, mais ont marqué nos vies, nous tout aussi anonymes qu'eux.
Khaled, quant à lui, est un algérien qui est né avant l’indépendance. Il en a été témoin. Contrairement aux autres protagonistes. Il veut coûte que coûte pour des raisons que l’on ignore revenir en Algérie alors qu’il l’avait quitté le matin même. De plus, la sortie du livre coïncide avec le soixantenaire de l’indépendance. d’Ailleurs, un des chapitres relate notamment la liesse populaire dans Alger, le 05 juillet 1962.
-Quelles sont vos influences et vos inspirations littéraires ?
Ahcène Nadir Yacine
Mes influences sont très éclectiques. Tant algériennes qu’internationales. Assia Djebar, Kateb Yacine avec Nedjma, cette œuvre majeure de la littérature du 20ème siècle. Un livre qui vous bouleverse et ne vous laisse plus jamais indemne. Boualem Sansal, Tahar Djaout. Rachid Mimouni. Mohammed Dib. Si Mhand Ou Mhand. Albert Camus avec l’Etranger. Cette écriture simple et efficace, ré-interrogeant de manière profonde notre rapport à l’autre et au monde. Chinua Achebe. JMG Le Clézio. Boris Vian. Fedor Dostoiveski. Franz Kafka. Elif Shafaq. Samuel Beckett. Paradiso de José Lezama Lima dans lequel les mots et les phrases revêtent une densité incommensurable. Gabriel Garcia Marquez avec cent de solitude dans lequel j’ai lu cette ode au rapport magique et tragique de l’homme au temps. James Joyce avec Ulysse et Jaume Cabré inventant de nouvelles formes de récit. Harriet Beecher-Stowe. Paul Auster, Don de Lilo. Haruki Murakami. Jack Kerouak. Alberto Bolano. Yu Hua.
-Des dates de rencontres ?
Ahcène Nadir Yacine
Une première vente dédicace s’est tenue jeudi 17 novembre à la Librairie du Tiers-Monde à Alger. Une deuxième est prévue le 26 novembre 2022 à la Librairie Le Tiers-Mythe à Paris à partir de 15h00.
Propos recueillis par Said Fateh