Kaylia Nemour : l'étoile algérienne qui illumine le monde
À 18 ans, Kaylia Nemour incarne bien plus qu’un simple talent de la gymnastique : elle est devenue un symbole puissant de fierté pour l’Algérie, un visage de l’excellence dans le bassin méditerranéen et une bannière de la jeunesse algérienne aspirant à sortir des sentiers battus. Sa conquête de l’or aux barres asymétriques lors des Mondiaux de 2025 marque un tournant, mais son parcours mérite d’être rappelé dans sa globalité, tant il mêle détermination, talent et enjeux plus larges.
Kaylia Nemour est née le 30 décembre 2006 à Saint-Benoît-la-Forêt (Indre-et-Loire), d’une mère française et d’un père algérien. Très tôt entrée en gymnastique, elle débute à 4 ans, et gravit très vite les échelons. Initialement sous les couleurs françaises, elle remporte des titres en catégorie espoir et junior. En 2019 par exemple, elle est championne de France espoir du concours général et domine aux barres. Mais c’est après son changement de nationalité sportive qu’elle entre dans l’histoire : elle choisit de représenter l’Algérie à partir de 2022-2023 après un litige avec la fédération française.
Un palmarès déjà exceptionnel
Aux Championnats d’Afrique 2023, elle remporte l’or du concours général et se qualifie pour les Mondiaux. À Anvers, cette même année, elle devient la première gymnaste africaine à décrocher une médaille mondiale -l’argent aux barres asymétriques- confirmant son statut de prodige. L’année suivante, aux Jeux olympiques de Paris 2024, elle écrit une page d’histoire en s’emparant de l’or aux barres asymétriques avec un score de 15,700 points, offrant à l’Algérie sa première médaille olympique en gymnastique et, plus largement, la première pour un pays africain dans cette discipline. En 2025 enfin, à Jakarta, elle récidive en décrochant le titre mondial, consolidant son statut de championne planétaire. Son palmarès, déjà riche, fait d’elle non seulement une athlète majeure pour l’Algérie mais également une figure continentale incontournable.
Une visibilité française en demi-teinte
Et pourtant, alors que Kaylia accumule les titres, l’écho qu’elle reçoit dans la presse française demeure somme toute modéré. En France, son changement de nationalité, ses blessures et les tensions avec la fédération ont été relatés, mais rarement avec la mise en lumière d’une championne « d’Algérie » qui marque l’histoire. Quelques médias ont bien détaillé son parcours (comme The Independent ou Le Monde) mais elle reste à certains égards en marge du «panthéon sportif français». En Algérie, en revanche, c’est un autre récit : la « Kayliamania » s’est emparée du pays après Paris 2024, l’hymne algérien a retenti à l’Arena de Bercy, et les hommages se sont multipliés. Cette double réalité -reconnaissance éclatante en Algérie mais couverture plus discrète en France- souligne combien son choix sportif et symbolique est fort : une athlète de haut niveau, ancien espoir français, qui écrit désormais son destin sous les couleurs algériennes.
Un symbole pour la jeunesse et pour toute une nation
Pour l’Algérie, Kaylia Nemour est plus qu’une médaille : elle est un message d’espoir pour la jeunesse algérienne, fille d’immigré, née et formée en France, qui décide de représenter l’Algérie, et qui conquiert l’or mondial. Dans un pays où les sportives féminines cherchent encore leur pleine reconnaissance, son succès résonne doublement. Le président de la République algérienne Abdelmadjid Tebboune l’a félicitée personnellement après son exploit à Paris 2024, l’appelant directement. Puis, après un triomphe en Coupe du monde 2025 au Caire, M. Tebboune a de nouveau salué « sa fille », symbole de fierté nationale. Cet appui solennel de l’autorité suprême vient donner à son exploit encore plus d’ampleur. L’Algérie a désormais une « star » de gymnastique, mais aussi une ambassadrice de la détermination, de la discipline et du dépassement de soi.
Pourquoi son ascension bouleverse le paysage
Plusieurs éléments expliquent l’impact de Kaylia Nemour. D’abord, elle excelle à l’agrès des barres asymétriques, l’un des plus exigeants de la gymnastique, où sa combinaison d’amplitude et de précision fascine les juges. Ensuite, son nom est désormais immortalisé dans le Code des points, avec un élément technique baptisé « le Nemour ». Elle incarne aussi un pont entre deux cultures, française et algérienne, à une époque où le sport demeure trop souvent cloisonné par les appartenances nationales. Enfin, son parcours évoque les enjeux de genre, de reconnaissance et de représentativité dans les sports féminins en Algérie et sur tout le continent africain.
L’or de Kaylia Nemour ne se lit pas simplement dans une ligne de palmarès : il raconte une trajectoire faite de choix, de confrontation, de dépassement. Il raconte un pays qui s’affirme, une jeunesse qui rêve, une femme qui s’impose. Et aussi un récit qui interroge : pourquoi, en France, cette extraordinaire ascension reste-t-elle assez peu célébrée ? Pourquoi cette championne algérienne ne suscite-t-elle pas encore l’admiration à la hauteur de son exploit auprès du public français ?