L’influence algérien Doualemn : la procédure d'expulsion en urgence absolue est infondée, juge le tribunal administratif de Paris.
Par N.TPublié le
L'affaire de l'influenceur algérien "Doualemn" n’a pas fini de faire des vagues. Coup de théâtre: le tribunal administratif de Paris a suspendu l'expulsion immédiate de l'influenceur vers l'Algérie, critiquant le choix de procédure du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui avait opté pour cette mesure en urgence absolue.
L'affaire commence à la fin de l'année précédente, lorsque Doualemn est accusé d'avoir proféré des menaces dans une vidéo TikTok envers un opposant au régime algérien. Chawki Benzehra, un militant algérien réfugié en France, signale la vidéo aux autorités. À la suite de ce signalement, le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, communique avec la préfecture de l'Hérault, qui ordonne le retrait du titre de séjour de l'influenceur pour ses propos polémiques.
Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, intervient pour accélérer la procédure, signant un arrêté d'expulsion, mesure rapidement mise en œuvre le 9 janvier. Toutefois, l'Algérie refuse d'accueillir Doualemn, invoquant une loi exceptionnelle l'interdisant sur son territoire, conduisant à son retour immédiat en France, un premier revers pour le ministre.
L'affaire prend une tournure judiciaire lorsque les avocats de Doualemn saisissent le tribunal administratif de Paris. Ceux-ci contestent la légalité de la procédure d'urgence absolue choisie par Retailleau. Le tribunal, tout en confirmant la justification du retrait de son titre de séjour pour menace grave à l'ordre public, juge que la procédure d'expulsion en urgence absolue est infondée.
Un camouflet pour le ministère de l'Intérieur, dont les avocats de Doualemn affirment qu'il « a entendu s'affranchir des contraintes minimales de procédure ».
Pas de danger imminent, une précipitation injustifiée.
Selon Nicolas Hervieu, juriste spécialisé en droit européen des droits de l’homme, l'expulsion en urgence absolue est réservée aux situations où une menace grave et actuelle est avérée. Or, dans le cas de Doualemn, les juges estiment que les preuves ne démontrent pas un danger imminent nécessitant une telle précipitation. Le tribunal souligne que l'influenceur n'a pas été placé en détention provisoire, ce qui nuance l'urgence de son renvoi.
L'entourage de Retailleau a exprimé sa surprise face à cette décision, questionnant la reconnaissance du trouble à l'ordre public en parallèle de la non-validation de l'urgence. Il est prévu que le ministère prenne un arrêté ministériel d'expulsion ordinaire. Cette procédure diffère en ce qu'elle implique l'avis du COMEX, une commission départementale d’expulsion, permettant à l'intéressé de préparer sa défense. Cette étape offre une plus grande transparence et des garanties judiciaires qui avaient été omises dans la première démarche.
Pour Doualemn, la décision judiciaire lui permet de rester temporairement en France, bien qu'en centre de rétention. Ses avocats envisagent de demander sa mise en liberté dans les plus brefs délais. Le ministre a désormais un mois pour revoir la procédure d’expulsion, qui pourrait s’avérer problématique si l'Algérie continue de s'opposer au retour de Doualemn sur son sol. Comme le note Hervieu, « si ce pays refuse de récupérer son ressortissant, toute la procédure est bloquée ».
Tout compte fait, la décision précipitée de Bruno Retailleau n’a fait qu’accroître les tensions dans les relations franco-algériennes. Très critiqué par la presse algérienne, notamment après le calvaire humiliant réservé aux voyageurs algériens dans les aéroports parisiens, le ministre de l’Intérieur semble s'engager dans une guerre de communication avec l’Algérie dont nul ne comprend l’utilité, si ce n’est de nourrir la xénophobie.