Fiction, auto-fiction, rupture des sens
Par fabienPublié le
Léo avait totalement enfoui ce souvenir très fort.
Au point que celui-ci rejaillit encore plus intensément aujourd’hui.
C’était il y a 20 ans.
Léo était à Cannes, le samedi 21 juin 1997.
Il n’était pas là pour faire la fête de la musique, mais pour assister à une soirée privée avec des DJs du monde entier.
Une fête qu’organisait un ami dans un lieu incroyable.
Léo lit un article de “La Nacion”, quotidien de Buenos-Aires qui s’est fendu d’un article pour les 20 ans de l’album de référence du groupe Radiohead “Ok Computer”.
https://lanacion.com.ar/2036038-radiohead-celebra-los-20-anos-de-su-emblematico-ok-computer
Léo ré-écoute pour la énième fois les titres qu’il préfère sans passer par l’ordre de l’album mais comme il les a enregistré,
Let Down, Paranoid Android.
Puis son amnésie se fracasse en mille morceaux sur
Fitter Happier
La voix de Tom Yorke récitant son texte sans aucune émotion, tel un robot à l’accent humain et les notes de piano l’obsède.
Il passe et repasse ce morceau tant de fois écouté depuis 20 ans sans que ses souvenirs n’affleurent.
L’émotion est toujours très physique comme si son cerveau voulait que chaque parcelle de son corps soit atteinte.
Son thorax se comprime.
Il a l’estomac noué.
Il se tord à l’infini.
La déglutition se fait plus difficilement.
No Surprises
Le frisson parcourt son corps à la vitesse des notes.
Il a froid.
La chaleur est au paroxysme aujourd’hui.
Pour oublier ce souvenir, l’enfouir à jamais au plus profond de lui pour le verrouiller et ne plus y penser, s’y confronter,
Léo avait transféré cette musique vers un autre souvenir.
Il écoutait réellement à n’en plus finir cet album quelques années plus tard.
C’était une autre histoire.
Electioneering
La guitare électrique fend un peu plus son esprit.
La soirée commence sur des samples tout en douceur.
Puis les sets des DJs s’enchainent.
Il danse.
Il tchatche avec les gens qu’il connaît.
Certains sont venus de très loin pour cette soirée.
Il est vraiment bien dans cette soirée.
Il a l’impression d’être un privilégié.
Léo s’approche du bar.
Une partie est sculptée dans un énorme bloc de glace.
Il a envie d’une coupe de champagne glacée.
Une jeune femme à l’écart, l’intrigue.
Seule, elle est ailleurs.
Son visage rayonne.
Son sourire est éclatant.
Elle a des écouteurs et se déhanche doucement, dodelinant la tête.
Léo prend sa coupe au comptoir.
Il s’approche d’elle.
Il lui demande si sa musique est mieux que ce DJ américain venu de Détroit.
Elle ne dit rien.
Elle met les écouteurs dans les oreilles de Léo.
Je n’arrive pas à écouter autre chose depuis une semaine.
Tu connais ?
Exit Music (for a film)
Léo prend une claque.
Elle prend sa coupe et la porte à ses lèvres.
Ses yeux gris lui sourient.
Il n’entends plus le DJ.
Il la regarde sur ses haut talons.
Elle fait sa taille.
Elle a les cheveux bruns, longs et lisses.
Ils ne sont pas attachés.
Leurs regards sont des épées qui les transpercent de part en part.
Ils ont le sourire.
Elle rit à présent du choc, des chocs qu’elle lui a asséné.
J’étais à des années-lumière de penser qu’une belle jeune femme me bouleverserait avec une musique inconnue.
Tu crois que je pensais que le premier venu, vêtu de blanc, avec un charme fou, une coupe de champagne à la main me draguerait ?
Ce mec sens dessus-dessous que tu foudroies se nomme Léo, et toi ?
Tu as reconnu ?
Radiohead peut-être ? C’est cela ?
J’en suis toute émue depuis une semaine. Là, il s’agit de la plus forte, Exit Music sera un tube.
Mais, avec son piano en arrière-plan, lancinant, celle-ci est sublime.
Tiens, écoute.
Fitter Happier
Tu n’as pas de prénom en fait.
On m’a mis un truc de ouf dans mon champagne.
Je suis dans un trip.
Un très good trip, whaouw !
Tu es le trip.
Je kiffe.
Elle se marre.
Tu veux une autre coupe ?
Le trip s’appelle Elise.
Toi, Léo, tu es le dragueur de service.
C’est ça ?
Fitter Happier
Toutes ses émotions le submergent.
Léo n’arrive plus.
Il laisse filer ce souvenir qui le bouleverse.
Il est littéralement emporté.
Le parfum d’Elise s’immisce dans son esprit.
Des larmes concentrées de sel embrouillent sa vue.
Léo s’approche devant son miroir.
Tous les pans de sa mémoire cachés s’effondrent.
Fitter Happier
Cela lui fait mal.
Tant d’années,
Tant d’émotions enfouies,
Tant de mensonges,
Tant de conditionnements pour oublier.
Quelle machinerie que l’esprit.
Fitter Happier
Il ne retient plus rien.
Les vannes de sa mémoire ont explosé.
Son corps se vide d’eau salée.
Il se regarde en face dans la glace.
Le rythme de ce titre, inlassable, enfonce implacablement la digue du souvenir.
Fitter Happier
Je ne suis pas un beau parleur.
Je ne sais dire que ce que j’ai dans la tête, partager mes émotions, ou dire ce qui peut sembler une banalité.
Alors, que je suis sincère. J’aime ce prénom d’Elise.
Elise me regarde intensément en riant.
Celle-là, on me l’avait jamais faite. Le dragueur qui se défend d’en être un par pure sincérité.
Fitter Happier
Tu crois que nous pourrions laisser tomber les convenances ? Tu pourrais m’embrasser tout de suite, maintenant, sans attendre ?
Léo n’a pas un millième de seconde d’expectative ou de retenue timide. Sa main caresse doucement le visage d’Elise.
Elle se colle à lui.
Le souvenir de ce premier baiser profond, étourdissant disloque Léo.
La rupture des sens est totale.
Le goût frais des lèvres d’Elise est un pur émerveillement. La douceur de sa langue lui fait oublier le fracas et la fureur du monde.
Elle ouvre enfin les yeux après ce long baiser. Elise lui mordille la lèvre, se dégage de l’étreinte de Léo.
Elle lui met à nouveau les écouteurs dans les oreilles.
Elle le prend par la main.
Viens danser. J’adore.
Ils dansent.
Ils écoutent toute la soirée la musique d’Elise.
C’est totalement irréel.
Ils prennent des coupes.
Léo et Elise partagent totalement les mêmes goûts.
Il lui parle de cinéma, une de ses obsessions.
Elle lui dit l’émotion que lui a procuré “La treva” de Francesco Rosi, l’adaptation du livre de Primo Levi.
Il n’en revient pas.
Tu es incroyable. C’est moi qui a fait les repérages de ce film.
J’adore le cinéma italien. J’ai été déçu par le dernier des frères Taviani « Les affinités électives » avec Huppert et Langlade.
Oui, le film est raté, le mouvement des caméras, les acteurs fatigués. J’aime bien pourtant les frères Taviani.
Leurs échanges sont en osmose, quel que soit le sujet abordé.
Léo demande à Elise si elle a vu la mer du jardin.
Filipo, l’organisateur de la soirée, est mon cousin. Je suis venue souvent en vacances chez ses parents.
Ma mère est la sœur de son père. Donc, je connais par cœur. Suis moi.
Les souvenirs défilent dans la tête de Léo.
Tiens, le set de Robert Miles commence.
Lui dit Elise.
Je l’ai trop entendu son “Children”. Tu aimes bien ?
https://youtube.com/watch?v=zI7DferroGA
Il n’y a que ce tube que j’ai bien aimé au début, comme toi.
J’hallucine. Tu aimes presque tout ce que j’aime, musique, cinéma. Il y a quelque chose que j’aime que tu n’aimes pas ?
Yves Klein, Modigliani, Martial Raysse, tu les connais ?
C’est une machination Léo. J’adore ces trois artistes.
Elise retire ses talons hauts.
Elle s’approche de lui.
C’est incroyable cette rencontre. Tu habites à Cannes, Léo ?
Je n’en reviens pas mon plus. Non, je vis la plupart du temps à Paris.
Je suis venu uniquement pour cette soirée. Je n’ai même pas d’hôtel.
J’avais prévu de prendre le premier train demain, et toi ?
Je vis à Nice. Je suis gynéco au CHU de Nice. Toi, si j’ai bien compris, tu travailles dans le cinéma. C’est ça ?
J’aimerais à temps plein. Mais, je fais des photos de mode pour la presse également. Tu fais des accouchements ? Moi, je vois une aiguille et je meurs
Tu es comme tous les mecs quoi, un trouillard, douillet.
Ils rient ensemble, puis ils s’embrassent très fort.
Elise glisse sa main sous la chemise en lin col Mao de Léo pour sentir sa peau.
Elle est tactile.
Elle a besoin maintenant de sentir plus intensément Léo.
Il n’y a aucune chambre d’hôtel de libre ce week-end. J’ai envie de te faire l’amour, Elise.
J’habite à Nice. Mais, mes parents ont un appartement ici, dans le quartier du Suquet, juste en-dessous du musée de la Castre.
Ils ne sont pas là ce week-end. Viens, partons. Je veux que tu me fasses l’amour.
N’oublie pas tes chaussures. Oui, partons.
Le Suquet est mon quartier préféré de Cannes. Il y a les embarquements pour les îles juste au bout. J’aime ces îles de Lérins.
Léo, en fait, mes parents t’ont tout raconté sur moi dans le moindre détail pour que tu me séduises. C’est cela ?
Avoue ! Ils ont tellement la trouille pour moi qu’ils ne veulent pas que je parte en Afrique.
Léo éclate de rire.
C’est exactement cela.
Je suis en scooter. On sera chez moi en 10 mn.
Elise et Léo font l’amour à maintes reprises avant de s’écrouler dans le lit.
La fenêtre est grande ouverte pour faire entrer un peu l’air marin dans l’atmosphère moite de leurs étreintes.
Léo se réveille à midi.
Il se lève.
Il sent l’odeur du pain grillé.
Il enfile son pantalon et se dirige vers le salon, ce doux parfum gourmand guidant ses pas.
Bonjour Léo
Bonjour Elise
Je ne vis plus chez mes parents depuis 10 ans et mon entrée à la fac de Médecine de Montpellier.
Mais lorsque je viens passer quelques jours en leur absence.
Ils remplissent le frigo comme si j’avais 16 ans et risquais de mourir de faim.
Je nous ai préparé du pain grillé. J’ai sortie toutes les confitures. Il y a du beurre doux et salé, et divers jus.
Whaou ! Merci infiniment. D’habitude, c’est moi qui prépare ces bonnes choses. J’adore.
Tu me surprends à chaque seconde pour absolument tout.
Merci
Dit-elle avec un immense sourire.
Viens t’asseoir près de moi sur le canapé. Tu es beaucoup trop loin.
J’aime cette vue sur le vieux port de Cannes, la mer et les îles au loin.
Je ne sais pas si je vais pouvoir rentrer à Paris.
J’ai envie d’aller me baigner sur l’île de Saint-Honorat. Tu m’accompagnes ?
Je n’ai pas de maillot, ni de serviette. Mais, j’en serai ravi.
On va arranger ça tout de suite après ce super petit dej. Une amie de maman a un magasin juste sur le quai à deux pas.
Elle vend des tropéziennes, tongs, maillots, serviettes, sacs. Elle a beaucoup de goût.
Léo se souvient de chaque instant passé avec Elise, il y a 20 ans.
Il se souvient de cette complicité immédiate, extraordinaire, de leur corps, de leur esprit.
Un sourire vient enfin sur ses lèvres.
Il pense très fort à elle, qu’il avait effacé de sa mémoire.
Elle doit sûrement rendre heureux un homme quelque part.
Ils doivent avoir des enfants.
Elle qui donnait la vie avec son métier.
Elise et Léo passent l’après-midi ensemble sur cette île, presque seuls.
Sur le bateau du retour,
Je pars en Afrique ce soir. J’ai un avion à 23h. J’aimerais que tu m’accompagnes, Léo.
Où ça ? En Afrique ?
J’aimerais. Mais, je pensais à l’aéroport. Tu veux bien ?
Ce n’était donc pas une blague hier soir. Tu pars en voyage en Afrique ?
Oui, je pars, mais deux ans en Côte d’Ivoire avec Médecins du monde.
Tu bouleverses, fracasses ma vie sachant que tu pars très longtemps et que nous ne nous verrons jamais plus ?
Pourquoi le prendre mal comme ça, Léo ?Tu entres dans ma vie avec la puissance d’une tornade.
Tu dévastes tout sur ton passage. Pourquoi mettre fin immédiatement à notre belle rencontre ?
Je pourrais te rétorquer que je ne suis qu’un coup pour toi ? Je ne le pense pas. On se connaît depuis moins de 20 heures.
Mais, nous n’avons sans doute jamais partagé autant, si puissamment avec une personne.
Tu me blesses.
Excuse-moi, Elise. Je n’avais jamais eu autant de complicité, de goûts, d’envies partagées avec une femme.
Je n’avais pas eu autant de plaisir à faire l’amour depuis une éternité. Je ne savais pas que cela pouvait seulement exister.
Paris, Nice, il y a des avions, des trains. La Côte d’Ivoire n’est pas à deux stations de métro de chez moi.
L’amour donne des ailes. Mon père m’a légué plus qu’une phrase, une idée, une volonté qui m’a toujours accompagnée « tutto è possibile nella vita ».
Faisons tout ce qui est possible, si nous en avons envie.
La musique et les paroles du titre “Let Down” de Radiohead se superposent dans sa tête aux phrases d’Elise il y a 20 ans.
Let down
Léo prend Elise dans ses bras.
Il la serre très fort.
Elle plaque sa tête contre lui.
Elle respire son corps, une odeur ennivrante mêlée d’embruns salés et d’effluves qui s’échappent des pores de sa peau.
Viens Léo. Prenons une douche ensemble.
Je veux que tu me fasses l’amour encore et encore.
Ils prennent ensemble un taxi qui les conduit jusqu’à l’aéroport de Nice.
Ils ne parlent pas tout le trajet.
Elise tiens la main de Léo.
Elle repose sa tête contre lui.
Ils sont devant l’enregistrement pour le vol.
Ils ont une heure devant eux.
Tu n’as rien dit Léo. As-tu envie de notre histoire malgré la distance et le temps ?
J’en aurai très envie. Je ne sais pas. Tu m’as dit que ton prochain retour en France avait lieu dans cinq mois.
Cela me semble une éternité. Il n’y a pas de travail pour moi là-bas. Je ne peux pas vivre sans le métier qui me plait. Tu comprends ?
Elise acquiesce de la tête.
Son regard gris est encore plus intense, comme s’il vibrait.
Elise comprend que leur coup de foudre extraordinaire ne sera qu’un éphémère moment flamboyant.
Les larmes ruisselant sur son visage, elle tente d’imaginer une issue pour que cette histoire qui la chavire, cet amour fou, puisse vivre.
Je vais adorer l’Afrique que je ne connais pas. Mais, si nous sommes si fous amoureux, je pourrais sans doute arrêter mon contrat au bout d’un an.
Il y a aussi besoin de gynécologues-obstétriciennes en France. Je trouverai toujours un poste n’importe où.
Oui, j’en aurais envie. En serons-nous capables ? Je ne sais pas si je pourrais faire abstinence tant de temps.
Je ne sais pas. Je ne sais pas si je pourrais aimer à distance. Je n’ai pas eu quelqu’un dans ma vie depuis deux ans.
Tu chamboules tout. Tu me dirais : viens vivre à Nice avec moi. Je débarquerais tout de suite.
Là, je ne sais pas.
J’ai envie d’y croire très fort. Je ne veux pas te faire de mal.
Je ne veux pas que tu puisses souffrir si nous essayons et que je renonce au bout de quelques mois.
Je ne veux pas te donner un espoir vain.
Je ne veux pas te faire rêver.
Léo comprend tout.
Là, 20 ans après, il comprend ses successions d’échecs amoureux, les mauvais choix qu’il avait pris dans sa vie.
Léo tape son prénom et son nom dans différents moteurs de recherche.
Il trouve très rapidement celle qui aura en moins de 24h correspondu et répondu à toutes ses attentes intellectuelles, sensuelles, sexuelles.
Léo va sur son profil Facebook.
Le compte est ouvert.
Il ne peut s’empêcher de regarder les photos, les posts qu’elle partage.
Il n’y a pas de photo d’homme avec elle, ni d’enfants.
Il reconnaît l’appartement de Cannes et ce quartier qu’il avait évité inconsciemment depuis tant d’années lorsqu’il allait y passer quelques jours pour son travail.
Elise est toujours aussi séduisante.
Elle fait bien 8 ans de moins que ses 48 ans.
Son regard gris est toujours aussi intense.
Un coup de folie lui prend.
Il cherche son téléphone.
Voilà, le 06 d’Elise est sous ses yeux.
Il appelle.
Il n’appelle pas.
20 ans après, est-ce que cela a encore un sens ?
“Tutto è possibile nella vita”
Léo se souvient.
Fitter Happier
Plusieurs semaines sont passées depuis que le souvenir dévastateur de l’amour éphémère pour Elise a ressurgi.
Léo s’est confié à une amie longuement.
Il est mort de trouille à l’idée de lui parler au téléphone, d’entendre sa voix comme sortie d’outre tombe de sa mémoire.
Elise et Léo se font face dans le hall de l’aéroport de Nice non loin de la porte d’embarquement.
Les larmes submergent à présent le visage de la jeune femme.
Avec l’énergie du désespoir, quelques mots arrivent à s’échapper de la gorge d’Elise.
Je suis sans dessus dessous Léo.
Notre rencontre m’a bouleversé.
Je n’ai jamais fait entrer personne dans ma vie.
Je suis complètement déchiré à l’idée de partir, de te quitter.
Je n’ai jamais cru aux histoires d’amour.
Je ne voulais pas y croire.
J’ai toujours pensé à ma vie professionnelle et la passion que j’éprouve à donner la vie.
Aujourd’hui, c’est la mienne qui est en jeu.
Léo est figé.
Il regarde dans les yeux, cette jeune femme.
Il voudrait lui dire de rester, de ne pas partir, de renoncer.
Tu ne dis rien.
Pourquoi es-tu venu vers moi ?
Pourquoi m’as-tu fait rêver avec tes mots, ta douceur, ta culture ?
Pourquoi m’as-tu fait l’amour si fort ?
Pourquoi tu ne dis rien Léo ?
Téléphoner et parler à Elise 20 après, cela a-t-il encore un sens ?
Léo repense à cette phrase, cette devise d’Elise qu’il a fait sienne.
“Tutto è possibile nella vita”.
De ce qu’il a vu sur internet, Facebook, Elise n’a pas d’enfant et n’aurait pas d’homme dans sa vie.
Elle a son cabinet à Cannes non loin de chez elle où Léo l’a rencontré lors d’une soirée, et dans cet appartement où ils firent l’amour si fort.
Est-ce possible qu’une passion puisse revivre 20 ans après ?
Léo écrit aujourd’hui des textes pour les catalogues d’oeuvres d’art de plusieurs maisons de ventes aux enchères.
Il n’a personne dans sa vie depuis quatre ans.
De nombreuses jeunes femmes s’étaient glissées dans le tourbillon de sa vie, la nuit lorsqu’il n’avait pas ses enfants.
Ses relations n’avaient pas duré. plus de deux mois.
L’embarquement pour le vol d’Abidjan commence.
Les larmes ruissellent toujours sur le fin visage d’Elise.
Ses yeux gris sont plus foncés à présent.
Mais, l’intensité du regard est toujours aussi fort.
Je commence mon travail dans une semaine.
Que faisons-nous Léo ?
Quand dois-tu être à Paris pour ton travail ?
Nous n’en n’avons pas parlé.
Pourrais-tu me rejoindre dans l’été ?
Est-ce possible ?
Léo a envie de la serrer très fort contre lui.
Il voudrait lui dire de tout laisser tomber, de le suivre à Paris.
Il ne se s’en pas le courage de lui demander tant.
Pourquoi, l’un ou l’autre devrait-il se sacrifier ?
Pourquoi dans sa vie, ses relations amoureuses sont-elles toujours si compliquées ?
Dis quelque chose Léo !
Parle-moi !
Donnes-moi le courage de t’attendre !
Tu me plais Elise.
Je n’ai plus envie de te quitter.
Tu as ravagé mon âme.
Nous sommes là.
Tu embarques dans moins de 10 minutes pour le bout du monde.
Je ne peux pas venir cet été te rejoindre.
J’ai des engagements professionnels.
Elise écoute en sanglot.
Son regard gris s’enfonce en Léo.
Prends-moi dans tes bras Léo.
Je veux sentir ton cœur battre.
Une hôtesse s’approche d’eux.
Excusez-moi.
Nous allons clore l’embarquement.
Vous êtes sur ce vol ?
Elise n’entend plus rien.
Elle est sourde au monde qui l’entoure.
Ma compagne est sur ce vol.
Vous nous donnez encore 5mn ?
L’hôtesse discrète opine de la tête.
Je n’ai aucune de tes coordonnées Elise.
Tu n’as pas les miennes non plus.
Voici ma carte avec les numéros du bureau et de chez moi. Tu as aussi le fax au cas où.
C’est tout ?
J’ai envie de t’embrasser à la folie.
Mais, après tu vas rater ton avion.
On se parle dès que tu peux.
Donnes moi ton numéro de Médecin du monde que je puisse te téléphoner également.
Léo prend Elise par sa fine taille et l’accompagne jusqu’à l’embarquement.
Elise craque complètement.
Plusieurs semaines se sont écoulées.
Depuis que la mémoire de Léo s’est fracassée sur ce titre de Radiohead
Fitter Happier
Léo pense tous les jours à elle depuis.
Il n’a pas eu le courage de lui téléphoner 20 ans après.
Léo s’est donné mille bonnes raisons pour ne pas le faire.
Elise boit son café sur son canapé face à la porte fenêtre qui donne sur le vieux port de Cannes.
Elle ne travaille pas ce lundi.
Elle va aller jusqu’à l’île St Honorat qu’elle aime tant en paddle.
Elise prend son smartphone pour se faire une nouvelle playlist qu’elle écoutera sur le trajet.
Elle ne peut se passer d’entendre de la musique depuis de très longues années.
Elle a une notification de son application.
Elle clique sur l’icône.
L’album re-masterisé de Radiohead “Ok Computer” lui est proposé.
Un léger frisson parcourt son corps.
Elise n’a plus écouté cet album depuis 20 ans.
Elle ne pouvait pas.
Elle ne pouvait plus.
Elle avait eu trop mal.
Le visage de Léo traverse à présent son esprit.
Sa voix résonne dans sa tête.
Les doigts de Léo glisse sur son corps.
Elle se souvient de chaque seconde.
Ces 24h, il y a 20 ans ont marqué son coeur, son âme au fer rouge.
Léo fut le grand amour de sa vie.
Elise a refermé le chapitre Léo il y a 10 ans grâce à une longue thérapie pour enfin vivre sa vie, pour essayer d’être heureuse avec un autre homme.
Elle s’élance vers l’île St Honorat depuis la plage aux pieds de chez elle qui jouxte le quai du large.
La mer est d’huile, cristalline, ce matin.
Fitter Happier
Ce titre passe inlassablement.
Elise pense à Léo.
Il doit vivre avec une très belle femme aujourd’hui.
Elle a dû lui donner de magnifiques enfants.
Vit-il toujours à Paris ou en Italie où il travaillait parfois ?
Il n’y a pratiquement pas d’embarcations en mer.
Seules les navettes pour les îles de Lérins, St Marguerite et St Honorat chargées de touristes passent à distance.
Elise pense à cette après-midi sur cette île monastique de toute beauté avec Léo à nager, parler, se regarder, s’embrasser tendrement.
Elise arrête ce titre.
Elle a besoin de légèreté.
Elle étouffe à nouveau comme ce fut le cas pendant 10 ans de sa vie.
Son travail de gynécologue obstétricienne qui la passionne, l’avait sauvé de mourir d’amour pour cette passion éphémère dévastatrice.
Elise met le dernier album “Say something loving” de The XX qu’elle aime bien.
https://youtube.com/watch?v=Rh2uNrIgGf4
Elle pense encore plus à lui à chacun des titres.
De retour chez elle après cette matinée paradoxale où elle ne fit que sentir, toucher, entendre, parler, rêver Léo, Elise tout en se préparant une vrai salade niçoise accompagnée de toasts avec de la tapenade noire et verte, sent l’irrémédiable envie de faire des recherches sur Léo.
Elle tape son prénom et son nom dans le moteur de recherche…
À peine une seconde s’est écoulée.
Tremblement de terre, tout s’affiche sur lui, réseaux sociaux, site web, blogs, articles de presse…
Elise clique sur image.
Sa respiration est suspendue.
Les photos s’affichent en mosaïque sur l’écran de son smartphone.
Le regard noir intense, puis doux, bienveillant, quelques rides barrent son front, à présent.
C’est bien son Léo.
Sa curiosité n’a pas de limite.
Elise n’a pas tout ces comptes sociaux comme lui, juste un Facebook comme une grande partie de la planète.
Elle le trouve immédiatement.
Son compte n’est pas ouvert.
Il y a juste quelques informations, coordonnées et peu de posts accessibles.
Elle va sur son blog qui est accessible.
Des photos de son travail, des œuvres d’art contemporaines, et des articles.
Elise est d’un seul coup pétrifiée en lisant le titre et un article écrit un mois plus tôt dans son Médium cahier de notes.
“Fiction, auto-fiction, rupture des sens”.
Sa gorge se noue chaque seconde un peu plus à la lecture des mots de Léo, de l’écriture de ces 24h qui bouleversèrent leur vie.
Ce fut un moment totalement magique.
Un coup de foudre mutuel instantané dès lors qu’elle lui mis le casque sur les oreilles avec la musique du nouvel album de Radiohead.
Leurs regards, leurs sourires échangés lièrent leur destin.
Elise et Léo étaient dans leur bulle, complètement absents de cette soirée.
Il n’y avait qu’eux au monde.
Leurs passions étaient communes, totales.
Elise lit à de multiples reprises l’article de Léo.
Mais, surtout la fin de celui-ci qu’elle lit plus de 100 fois.
"Il cherche son téléphone.
Voilà, le 06 d’Elise est sous ses yeux.
Il appelle.
Il n’appelle pas.
20 ans après, est-ce que cela a encore un sens ?
“Tutto è possibile nella vita”
Léo se souvient."
Fitter Happier
“Léo, Léo, Léo…”
Elise prononce à voix haute, doucement ce prénom.
Ce n’était donc pas une chimère, un rêve.
Elle n’avait pas été folle.
Il s’étaient aimé au-delà de l’entendement.
Le vertige la secoue de tremblements.
Elise appelle sa meilleure amie Annie.
Elles avaient fait toutes leurs études de médecine ensemble à l’université de Montpellier.
Annie est pédiatre.
Elle partagent depuis 10 ans un cabinet ensemble à Cannes.
Bonjour Annie, Je ne te dérange pas ?
Non, nous avons fini le repas. Paul se baigne avec les enfants dans la piscine.
Elise avait accouché Déa et Jean, les deux enfants de son amie.
Leur amitié est très forte.
Tu ne vas pas me croire.
Ah ? De quoi s’agit-il ?
Je viens de tomber sur Léo.
Comment ? Léo, le Léo d’il y a 20 ans ? Celui dont le souvenir t’as fait souffrir toutes ces années ?
Oui…
Tu l’as rencontré quand, comment ?
Non, je ne l’ai pas vu.
Je suis allé faire du paddle ce matin.
J’ai écouté ces titres de Radiohead que tu connais, qui sont liés à notre histoire.
En rentrant, une curiosité folle m’a poussé à faire des recherches sur internet.
Je comprends ma toute belle.
Mais cette histoire ne t’as pas déjà fait trop de mal toutes ces années ?
Avant de chercher, je pensais que Léo était heureux dans sa vie avec femme et enfants.
Ma curiosité fut trop forte.
Toutes tes histoires d’amour ces dernières années ont malheureusement échoué en partie consciemment ou inconsciemment à cause de cette passion éphémère.
Tu vas te faire souffrir inutilement en ressassant le passé.
Tu en es où avec Richard ?
Richard, s’est définitivement terminé.
Je suis bien avec lui.
Il est tendre, prévenant.
Mais, il ne me fait pas rêver, vibrer.
L’histoire dure depuis 6 ans, avec des ruptures, des retrouvailles.
Il a 3 enfants de son ex-femme.
Il n’a jamais voulu que je porte un enfant de lui.
J’ai donné la vie a beaucoup d’enfants depuis 20 ans.
J’aurai la frustration d’en avoir été privé toute ma vie.
Je ne t’appelle pas pour parler de Richard.
J’ai eu accès à beaucoup d’infos sur Léo.
J’ai surtout lu un article sur son blog où il relate notre histoire.
Je suis totalement bouleversé.
Je te l’envoie.
Ok, tu ne veux pas passer à la maison. Paul va accompagner les enfants chez mes parents cet après-midi.
Il ne rentreras que demain en fin de matinée.
On sera tranquille pour parler au bord de la piscine.
Je range un peu mon appart.
Je serai chez toi en fin d’après-midi.
Annie est mariée à Paul le cousin d’Elise, le frère de Filipo.
Ils habitent dans la grande dépendance de la maison des parents de Paul.
C’est là qu’Elise avait rencontré Léo 20 ans plus tôt lors d’une énorme fiesta.
Les deux amies s’embrassent.
C’est juste énorme.
J’ai lu le texte 10 fois et les dernières lignes 100 fois.
Tu crois que je dois lui téléphoner ?
Je ne vais pas y arriver.
Je suis sans dessus dessous.
Tu m’as raconté très souvent cette soirée, tout les moments que vous avez passé ensemble le lendemain.
Écrit de sa main, cela donne encore plus de sensations.
J’ai maintenant les deux faces de cette même histoire d’amour.
Il m’a aimé très fort.
Mais, je ne comprend toujours pas comment il n’y pas eu de suite à notre histoire.
Je me suis refait le film des milliards de fois.
Oui, son texte ne suffit pas pour comprendre.
Il n’y a rien après votre séparation à l’aéroport.
Il a été fou amoureux.
C’est certain.
J’avais fini par croire que ce n’était qu’un de ces salopards de beaux parleur, dragueur.
Tu avais succombé.
Il était passé à la suivante.
Il t’avait brisé en mille morceaux.
Tu as lu la fin ?
Oui,
il ne t’as pas téléphoner ?
Non
Tu vas l’appeler ?
Il y a 20 ans, j’avais laisser un message sur le répondeur de son mobile.
Son numéro pro ne répondait plus. Il avait disparu.
Tu devrais l’appeler.
Vous n’avez rien à perdre.
C’est totalement incroyable.
Je ne sais pas. Je voulais t’en parler.
A minima cela éclaircira toute cette zone d’ombre.
Qui sait ?
Peut-être que vous pouvez être amoureux à nouveau tous les deux ?
Alalalalalalala… rien qu’à l’idée d’entendre sa voix, j’ai une frousse incommensurable.
Tu l’as demandé en ami sur Facebook ?
Ce fut ma première intention. Puis, je me suis retenue.
Annie éclate de rire.
Allez ! Fonce !
Elise sort son smartphone de son sac caba en cuir.
Elle compose le numéro.
Au bout de trois sonneries, Léo décroche.
Bonjour Elise
Bonjour Léo, comment sais-tu qu’il s’agit de moi ?
J’ai découvert ton numéro de téléphone après une recherche sur internet.
J’ai enregistré ton nom et prénom.
Il s’est tout simplement affiché lorsque tu m’a appelé.
J’ai également fait une recherche ce matin.
J’ai lu ton article de notre histoire sur ton blog.
Léo ne répond pas.
Why did you do it ?
La musique, les paroles de cette chanson de Stretch résonne dans la tête d’Elise.
Elise ne se retient pas.
Elle pose les questions, toutes les questions qu’elle s’était posée 20 ans plus tôt.
Des questions qui furent inlassables, sans réponses.
Pourquoi Léo ne m’as-tu jamais appelé comme tu me l’avais promis à l’aéroport de Nice lors de mon départ pour la Côte d’Ivoire ?
Je t’ai laissé un message sur ton répondeur.
Tu ne m’as jamais rappelé ?
Léo essaie de répondre mais Elise est flot de questions.
Pourquoi as-tu disparue après m’avoir aimé ?
Dans ton texte, tu déclares que tu étais fou amoureux de moi.
Tu n’assumes pas de m’avoir laissé tombé.
Maintenant, tu voudrais que notre histoire puisse reprendre comme s’il ne s’était rien passé ?
C’est cela ?
Annie secoue le bras d’Elise.
Laisse-le parler, te répondre.
Je tombe des nues Elise.
Ne me raconte pas n’importe quoi Léo.
Tu habites Marseille aujourd’hui. C’est cela ?
Oui, pourquoi ?
Rejoins-moi ce soir.
Viens me dire les choses en face si tu n’as pas honte.
Si, tu en as le courage.
J’ai téléphoné aux bureaux de Médecins du monde dès le lendemain matin.
Et…
Elise le coupe.
Je t’attend. Tu viens comment ?
J’ai une vieille Mini Cooper de 1972. Mais, elle ne va pas supporter l’aller/retour.
Je regarde les trains. Je te dis dans 2 mn.
Ok, j’attend ton appel. J’espère que tu ne mettra pas 20 ans.
Annie, l’amie d’Elise est ébahie.
Tu n’y as pas été de main morte avec lui.
Tu aurais pu le laisser s’expliquer.
Tu crois que tu vas supporter de le voir ?
Tu vas le laisser s’exprimer et l’écouter ?
Je n’ai pas réfléchi. Tout est sorti d’un coup.
J’ai trop eu mal.
Cette histoire m’a trop pesé toutes ces années.
Cela m’a empêché de vivre pleinement ma vie et passer vraiment à autre chose.
Le smartphone d’Elise sonne.
C’est lui.
Lui dit Annie avec un sourire bienveillant.
Je saute dans le prochain train de 18h29. J’arrive à Cannes à 20h37.
Tu seras à la gare ? Tu veux que je te rejoignes chez toi, ailleurs ?
Je serai là. À tout à l’heure, Léo.
Elise raccroche.
Elle prend une grande respiration.
Voilà, c’est fait.
Whaou !
Comme tu dis.
Ça va beaucoup mieux d’un coup.
Tu m’as coupé le souffle. Tu es crazy ma belle.
C’est aussi pour cela que je t’aime.
Merci Annie, maintenant, je vais être morte de trouille jusqu’à son arrivée.
J’y arriverai. C’est ce que j’ai voulu.
Je ne sais pas pour toi.
Mais, j’ai envie de prendre un grand verre de vin avec toutes ces émotions.
Tu as un truc pour l’accompagner ? Sans, je vais être saoule et ce n’est pas le moment.
J’ai de la mozzarella que nous as ramené ta tante de Naples, du Figatelli, et plein d’autres bonnes choses.
Après, je passerai chez moi pour me changer avant de le voir.
Tu vas te faire toute belle ?
Quoi qu’il arrive.
Je veux lui faire tourner la tête pour lui montrer ce qu’il manqué toutes ces années.
Léo attrape le train pour Cannes au vol.
Why did you do it ?
Léo pense à toutes les questions d’Elise.
Why did you do it ?
“Cannes 5 minutes d’arrêt.”
“Maintenant, j’y suis.” Pense Léo.
Il descend de son train.
Comme il y a 20 ans lors de leur rencontre,
Léo n’a aucune affaires avec lui.
Il marche le long du quai.
Il rentre dans la gare.
Elise lui fait face.
Elle écoute de la musique comme il y a 20 ans lors de leur première rencontre.
Elle porte une longue robe dos nu blanche avec des coutures en broderie or.
Léo a le souffle coupé.
Sa salive se fait rare.
Il a envie de tirer de grosses goulées sur une clope.
Il s’approche doucement avec un léger sourire en coin.
Le regard gris d’Elise plonge profondément en lui.
Elle ne sourit pas.
Son coeur frappe très fort dans sa poitrine.
Elise ne laisse rien transparaître de son émotion.
Elle va enfin avoir les réponses à toutes ses questions, espère-t-elle.
Elise détaille chaque millimètre de Léo.
Il n’est pas habillé de blanc comme il y a 20 ans pense-t-elle.
Léo porte un pantalon slim gris, une chemise noire en lin près du corps et des mocassins en daim clair.
Il a 20 ans de plus.
Mais, il ne fait pas son âge.
Son regard noir, sa façon de marcher, son charme lui fait toujours de l’effet.
Léo prend sa respiration.
Bonjour Elise
Elle enlève ses écouteurs, s’approche tout près de lui.
Bonsoir
Lui dit-elle.
Puis, elle lui donne ses écouteurs pour qu’il les mette au creux de ses oreilles.
Why did you do it ?
Why did you do it ?
Léo adore ce tube de Stretch de 1975 sur lequel il a toujours envie de danser.
Whaou ! Quelle entrée en matière après 20 ans.
Léo prend Elise par la taille avec ses deux mains pour l’atirer contre lui.
Elle est réticente.
Il l’a colle contre lui presque avec force sans détacher son regard du sien.
Léo lui caresse le visage.
Il lui prend d’autorité la bouche.
Leur langue se mélange sans finir.
Léo serre toujours plus fort le bassin d’Elise contre son sexe gonflé de désir animal.
De longues minutes passent ainsi.
Ils sont dans l’entrée de la gare.
Ils se retrouvent comme s’ils avaient seulement été séparés depuis une semaine.
Une semaine, cela pourrait leur sembler une éternité.
Elise ouvre les yeux.
Léo la regarde.
Je ne pouvais que t’embrasser éperdument.
Tu étais où Léo ? Je t’ai cherché partout.
Une larme s’échappe des yeux gris d’Elise.
Léo embrasse délicatement avec amour ses larmes pour les sécher.
Il n’a jamais autant aimer le goût du sel qu’en ce moment.
Viens Elise. Partons.
J’ai téléphoné à ton bureau dès le lendemain matin pour avoir le numéro de ton hôtel.
Le directeur m’a dit que cette semaine-là tu partais avec ton ami.
Cela m’a anéanti et brisé le coeur en mille morceaux.
Tu as hanté mon subconscient. J’avais tout effacé de ma mémoire pour croire ne plus souffrir.
Ma mémoire s’est fracassée en écoutant Fitter Happier le 21 juin.
Tout a ressurgi d’un coup.
Je me suis souvenu de ton regard gris qui m’a transpercé le coeur, du goût de ta bouche, de douceur de ta peau, de la finesse de tes caresses, de l’allégresse de nos corps, de ton rire, de la joie d’être ensemble, de notre déchirement à l’aéroport, du rythme effréné des battements dans ma poitrine.
J’ai été amoureux de toi dès le lendemain matin de notre rencontre.
Elise écoute. Toujours avec son regard gris si ardent.
Cet amour fou qui fut impossible a conditionné mes relations avec toutes les femmes dans ma vie ces 20 dernières années.
Ils marchent.
Tu es en scooter ?
Tu t’en souviens ?
Je me souviens de chaque seconde à présent.
Ce n’est plus le même. Mais il est gris métallisé comme celui que j’avais.
Je n’étais pas capable de te téléphoner 20 ans après.
J’écoutais ce morceau d’Archive “Lights” qui dure 18 mn et me bouleversait aux larmes pensant à toi.
Je comprends en partie.
Le directeur t’a menti.
Je n’avais personne dans ma vie.
Il me faisait la cour depuis des mois à chacun de ses passages au CHU de Nice où il était rattaché.
Montes derrière mois.
Je te propose de boire un verre chez moi.
Je vis dans l’ancien appartement de mes parents.
En moins de 5 minutes ils arrivent chez elle.
Ils s’installent sur le grand canapé qu’elle a positionné comme ses parents autrefois face à la porte fenêtre et la vue sur le vieux port de Cannes et ses îles de Lérins au loin.
Ce salaud est devenu mon amant quelques mois après.
Je voulais t’oublier.
J’ai essayé de t’appeler sur ton téléphone, au bureau, rien.
Deux mois après, j’ai même contacté la production du film “La treva” pour lequel tu avais travaillé.
Ils n’avait plus ton numéro.
J’ai cru devenir folle.
Je me suis littéralement brisé sur mon premier et unique grand amour de ma vie.
Cela m’a pris 10 ans de thérapie.
Mon travail m’a également sauvé de la folie, du désespoir.
Ils s’expliquent doucement pour comprendre.
Elise a le sourire.
Léo s’approche d’elle pour l’embrasser.
Quoi qu’il arrive désormais entre nous.
Je veux te faire l’amour encore et encore.
Je veux être en toi.
Je veux t’aimer très fort, même si c’est la dernière fois.
Elise caresse doucement le visage aux joues creusées de Léo.
Des rides sont apparues marquant son front de deux grandes failles et des traces forte au coin de son regard noir.
Je ne sais pas si cela sera possible entre nous.
J’en ai très envie maintenant.
Même si 20 ans sont passés.
J’ai vu une très belle œuvre du street-l’artiste SUNRA à Montpellier lorsque je suis venu faire un séminaire à l’université de médecine.
Fabien VIE
Montpellier,
6 août 2017