La Fédération Française de football accusée de vouloir faire du tri ethnique
Par N.TPublié le
La dernière révélation du site médiapart met la Fédération Française de football dans l’embarras. Celle-ci est accusée de vouloir adopter des pratiques discriminatoires au recrutement dans les centres de formation.
Samedi 30 avril, le directeur technique national de la Fédération, François Blaquart, a été provisoirement suspendu de ses fonctions. Deux enquêtes ont été ouvertes. L'une, interne à la FFF, est dirigée par le député de Seine-Saint Denis, Patrick Braouezec, président de la Fondation du football; l'autre est menée par l'Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), rattachée au ministère. Elles devraient rendre leurs conclusions d'ici huit jours.
«Pour les plus hautes instances du football français, l'affaire est entendue : il y a trop de Noirs, trop d'Arabes et pas assez de Blancs sur les terrains", avait écrit jeudi le site Mediapart. Devant le démenti de la FFF, ce dernier reproduit samedi un extrait de la discussion tenue le 8 novembre 2010, lors d'une réunion de la Direction technique nationale chargée d'examiner les conclusions de l'audit mené sur l'Institut national du football.
Selon les propos rapportés, il est question de privilégier désormais dans la formation des joueurs techniques plutôt que physiques par référence aux noirs. La discussion débouche également sur une proposition de quotas concernant les joueurs titulaires de doubles nationalités, essentiellement des franco-africaines.
« Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les blacks (...) Je crois qu'il faut recentrer, surtout pour des garçons de 13-14 ans, 12-13 ans, avoir d'autres critères, modifiés avec notre propre culture", aurait dit le sélectionneur Laurent Blanc selon le verbatim. Les Espagnols, ils m'ont dit : 'Nous, on n'a pas de problème. Nous, des blacks, on n'en a pas' », ajoute-t-il.
Erick Mombaerts, entraîneur de l'équipe de France espoirs, aurait alors réagi en proposant de "limiter" à 30% le nombre de jeunes d'origine étrangère et susceptibles de changer de nationalité dans les centres de formations.
Le sélectionneur se serait dit ensuite favorable aux quotas concernant le problème des joueurs susceptibles de changer de nationalité : "Moi, j'y suis tout à fait favorable. Ce qui se passe dans le football actuellement, ça me dérange beaucoup. A mon avis, il faut essayer de l'éradiquer. Et ça n'a aucune connotation raciste ou quoi que ce soit. Quand les gens portent les maillots de l'équipe nationale des 16 ans, 17 ans, 18 ans, 19 ans, 20 ans, Espoirs, et qu'après ils vont aller jouer dans des équipes nord-africaines ou africaines, ça me dérange énormément. Ça, il faut quand même le limiter. Je dis pas qu'on va l'éradiquer mais le limiter dans ces pôles-là..."
Le directeur technique François Blaquart aurait dit : "On peut s'organiser, en non-dit, sur une espèce de quota. Mais il ne faut pas que ce soit dit". "Faut faire un projet, ajoute-t-il. L'idéal effectivement, c'est de dire, mais pas officiellement : de toute façon, on ne prend pas plus de tant de gamins qui sont susceptibles de changer (de nationalité) à terme."
Laurent Blanc aurait ensuite précisé sa pensée : "Moi c'est pas les gens de couleur qui me posent un problème. C'est pas les gens de couleur, c'est pas les gens nord-africains. Moi j'ai aucun problème avec eux. Mais le problème, c'est que ces gens-là doivent se déterminer et essayer qu'on les aide à se déterminer. S'il n'y a que des – et je parle crûment – que des blacks dans les pôles (de jeunes) et que ces blacks-là se sentent français et veulent jouer en équipe de France, cela me va très bien."
Erick Mombaerts expliquerait de son côté que certains clubs, comme Lyon et Marseille, pratiquent déjà une telle politique : "Il y a bien des clubs comme Lyon qui le font dans leur centre de formation. Ils le font systématiquement. J'étais à Marseille là. Et Henri Stambouli (le patron du centre de formation de l'OM) le met en place sur Marseille. Pareil, ils vont limiter le nombre."
Francis Smerecki, sélectionneur des moins de 20 ans, aurait estimé que cette idée est "discriminatoire". "J'entends bien, mais si on enlève tous ces gens-là ? Si le mec a envie d'être international, c'est quand même normal qu'il aille vers un pays où il va pouvoir jouer. Je pense que c'est humain quand même. Aujourd'hui, les règlements ont évolué. Les blacks aujourd'hui, parce que ça a été l'Afrique, et on est fautifs quand même parce qu'on a été les chercher quelque part par wagons entiers. Et aujourd'hui, on voudrait s'en séparer ?"
Erick Mombaerts se serait défendu : "On ne veut pas les enlever ! Les clubs pro, ils peuvent les prendre. Ils se répartissent ! Là, on parle des structures fédérales. Nous, on travaille pour le football français, on ne travaille pas pour les sélections étrangères."
Francis Smerecki aurait persisté : "Ecoute, moi, ce qui me gêne sur le fond, c'est (qu'il y a) celui qui a la possibilité d'être français-français et d'aller avec Laurent, et celui, parce qu'il n'a pas assez d'aptitudes et de talent pour aller avec Laurent et qui va aller dans un autre pays, et c'est celui-là que vous voudriez éliminer. C'est impossible."
La conversation se serait prolongée sur l'idée que les joueurs techniques petits, vus comme forcément blancs, sont exclus des centres de formations. "Les petits gabarits blancs qui sont dans les pôles espoirs, les clubs pro me les laissent sur les bras. Ils ne les prennent pas, n'importe comment, même si c'est des bons joueurs", dit Erick Mombaerts.