Le candidat Bouteflika à cœur ouvert en Kabylie pour chasser le spectre du boycott
C’était un moment très attendu de la campagne d’Abdelaziz Bouteflika. Le président sortant a visiblement réussi à franchir cette étape dans une région sensible à plus d’un titre. La crise de 2001 a laissé des traces : beaucoup de rancœur à l’égard du pouvoir, une envie latente de révolte chez les jeunes, et les terroristes islamistes infestent de nombreuses zones rurales et de montagne.
A Tizi-Ouzou, les services de sécurité ont mis le paquet pour dissuader toute perturbation de la tournée du candidat, du moindre petit incident à l’attentat. Des centaines de policiers et gendarmes étaient déployés tout le long du parcours de 105 kilomètres entre Alger et Tizi Ouzou. Des véhicules blindés et des hélicoptères patrouillaient également la région. Des tireurs d’élites étaient positionnés sur les lieux à risques. Deux heures avant l'arrivée du président, les téléphones mobiles ont été désactivés, selon certaines sources.
C’est au prix de ce quadrillage de haute sécurité que Bouteflika a pu se permettre un petit bain de foule, exercice absolument indispensable dans une région réputée hostile au pouvoir central. « Après cet accueil chaleureux, je peux mourir tranquille », s’est-il réjoui à la fin d’une allocution prononcée dans un amphithéâtre, devant 2000 personnes environ.
Bouteflika s'est exprimé principalement en français tout en émaillant son allocution d'expressions en arabe et en kabyle. «Je ne peux ne pas que m'incliner devant les martyrs de 2001 (de la répression en Kabylie, ndlr) », a-t-il dit. « Les Algériens les pleurent. Je ne sais pas jusqu'à l'instant ce qui a provoqué cette tragédie nationale », a-t-il ajouté. « Je suis un authentique amazigh. Quand je me trompe, je sais faire mon mea-culpa, je n'ai jamais frappé quelqu'un dans le dos », a poursuivi Bouteflika, non sans reconnaître "s’être trompé » sur l'origine de la crise en Kabylie.
Le terrorisme constituait l’autre thème de sa brève allocution. Sans surprise Bouteflika s’est une nouvelle fois prévalu de sa politique de Réconciliation nationale. Adoptée par référendum en 2005, celle-ci offre l'amnistie aux militants islamistes qui renoncent à la violence.
Aussi, la président sortant continue-t-il à tendre la main aux assassins. "Nous devons lancer encore un appel fraternel à ceux qui endeuillent le pays par le terrorisme et dire que nous ne portons aucune haine et aucune rancœur contre eux." et "Ils peuvent rejoindre la communauté nationale à tout moment " a-t-il claironné.
Cependant, l 'Algérie ne cédera "jamais" au terrorisme, a-t-il également averti, car la sécurité et la pacification de l'Algérie sont "une question de vie ou de mort" pour le pays. "Nous ne nous sommes jamais rendus face au colonialisme français, ça n'est quand même pas pour se rendre aux terroristes", a ajouté le candidat.
Loin d’être disposés à déposer les armes et à rentrer tranquillement au bercail comme Bouteflika les y invite, les islamistes armés intensifient et multiplient leurs actions. Cette semaine, des tueurs liés à Al-Qaïda ont mené deux attaques meurtrières dans la région. Jeudi dernier, ils ont tué un lieutenant-colonel dans une zone montagneuse à 60km au nord-est de Tizi Ouzou et mardi ils ont fait un mort et trois blessés en tentant de prendre d'assaut un poste de police à 40km au sud de la ville , selon des responsables locaux et les médias algériens.
Bouteflika s’est enfin dit déterminé à poursuivre la politique de Réconciliation malgré les flambées de violence. Il estime que la combinaison du pardon (la Rahma) et de la lutte antiterroriste est la seule issue pour sortir de la spirale qui a déjà fait près de 200.000 morts. Une attitude qu’approuve apparemment les Algériens dans leur grande majorité, lesquels, forcément, ne peuvent qu'apprécier la baisse relative de la violence constatée ces dernières années. Bouteflika en est bien conscient, c’est pourquoi il en fait, comme prévu, le thème fort de sa campagne.
Ses partisans escomptent un taux de participation supérieur à 60%. A peine 10% de la population a voté aux dernières élections dans la région de Tizi Ouzou. Bouteflika est donc venu y parler à « cœur ouvert », pour chasser le spectre de l’abstention.