Cinéma: Jakuta Alikavazovic: Les exilés embarqués à bord du "Londres-Louxor"
Le deuxième roman de la Bosniaque Jakuta Alikavazovic qui a pour titre :"Le Londres-Louxor", paru récemment aux Editions de l'Olivier est déjà sélectionné pour le Prix du livre Inter et le Prix Landerneau, .
Londres-Louxor: c'est le nom d'un cinéma parisien, fondé durant les années 1920. Le plus souvent fermé, il parait démoli, surtout dans les années 60, mais il ressuscite en 1992 pour accueillir les réfugiés de Bosnie-Herzégovine, perdus dans la capitale française, et à la recherche de leurs propres repères.
Les héroïnes de ce lieu étrange sont les sœurs Vitch : Ariana, la brune et Esme, la blonde. Deux jolies Sarajéviennes, au passé douloureux et mystérieux. Surtout l'aînée, qui a vite disparu et que tous cherchent ensemble.
Esme, ouverte et curieuse, n'explique rien à son amoureux qui, lui, veut tout savoir d'elle. Entouré de chefs-d'œuvre comme dans un musée, le projectionniste a également perdu sa femme, disparue sans aucune explication et sans laisser la moindre trace de son existence.
Errol, lui aussi réfugié, vend des poupées qui ressemblent à Tippi Hedren, dans les "Oiseaux".
Le maître du suspense n'est pas loin et l'écriture est très cinématographique. Errol ne fait pas son commerce par hasard : les tragédies n'arrivent jamais seules.
"Étonnamment, dit l'auteure, peu de gens se souviennent que le siège de Sarajevo, a été le plus long de l'Europe moderne."
Le récit ressemble à un labyrinthe avec ses vrais-fausses intrigues bien trompeuses, comme la vie des exilés qui prête à confusion:
"Il y a quelque chose de particulier et de commun à tous ces gens- là, comme à mes deux héroïnes. Le nom même du pays d'où elles viennent a disparu. Comment s'y prennent-elles pour construire une origine? Ce qui me fascine dans exil, c'est la réinvention de soi, ce déplacement."
C'est principalement pour cette raison qu'il est vite compréhensible que "Le Londres-Louxor" est un cinéma imaginaire.
Malgré sa jeunesse, Jakuta Alikavazovic, qui vient d'avoir 31 ans, est depuis quelques années, chargée de recherche et d'enseignement à la Sorbonne.
Sa précédente œuvre, publiée en août 2007 par le même éditeur et intitulée "Corps volatils", a obtenu la Bourse "Goncourt" du premier roman, un an plus tard.
Normalienne qui voulait être architecte, Jakuta Alikavazovic prépare actuellement une exposition à Los Angles, avec l'aide et le soutien de l'artiste irano-américaine, Rosha Yaghmai.
Djana Mujadzic