Confrontés à la situation la plus difficile de leur histoire, les Palestiniens regrettent Arafat
Les Palestiniens ont commémoré mercredi le cinquième anniversaire de la mort de leur dirigeant Yasser Arafat, dans un contexte politique et social très dur lié principalement à leurs divisions internes et aux obstacles à la création d'un État palestinien indépendant.
M. Arafat, décédé d'une maladie mystérieuse dans un hôpital parisien le 11 novembre 2004, est considéré comme un symbole de la lutte des Palestiniens pour l'indépendance. Il était devenu le premier président élu de l'Assemblée nationale palestinienne (ANP) depuis janvier 1996.
Mercredi, des dizaines de milliers de Palestiniens se sont rassemblés en Cisjordanie en mémoire du décès de M. Arafat, ses partisans agitant des portraits du regretté dirigeant et des kofeya, foulard palestinien blanc et noir. Dans la bande de Gaza en revanche, le mouvement Hamas au pouvoir a interdit toute manifestation populaire.
Les Palestiniens se souviennent de feu M. Arafat avec regret en particulier dans le contexte actuel de scission entre le Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, et le Hamas, qui dirige la bande de Gaza.
Selon une enquête récente, une grande majorité de Palestiniens sont nostalgiques de leur ancien dirigeant et attribuent à son absence la dégradation des relations inter-palestiniennes qui a provoqué cette division, la plus grave de leur histoire. De nombreux Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie estiment que si M. Arafat vivait toujours, les Palestiniens ne se seraient jamais divisés, et le Hamas entretiendrait de meilleures relations avec le Fatah grâce au charisme imposant du dirigeant.
Selon Awad Jarour, un salarié à Ramallah âgé de 42 ans, les Palestiniens voient dans M. Arafat "un symbole de la cause palestinienne", et d'ajouter qu'"Arafat a porté la cause palestinienne à bout de bras pendant plus de cinq décennies depuis l'éclatement de la révolution palestinienne moderne ".
Hana Meheisen, habitante de Gaza, juge que la cause palestinienne est morte avec Arafat, ajoutant qu'"aucun autre n' égalera Arafat ni ne défendra la cause palestinienne comme il l'a fait. S'il était encore en vie, les Palestiniens seraient unis et se trouveraient dans une meilleure situation".
Arafat était le défenseur de l'unité palestinienne, commente-t- elle, et "après la mort d'Arafat, l'ambition des Palestiniens de réaliser la paix et la création d'un État palestinien est devenue irréalisable".
Les analystes politiques estiment que la politique palestinienne a marqué un recul, et que la cause palestinienne a été "complètement gelée et paralysée car les dirigeants actuels sont plus préoccupés et concernés par la situation interne et ses problèmes".
Yahia el-Banna, Palestinien de Gaza âgé de 22 ans, croit pour sa part que "la disparition d'Arafat a sans doute eu des conséquences négatives sur la scène politique palestinienne".
La perte du dirigeant a bouleversé la politique, l'économie et les affaires sociales palestiniennes, dit-il, ajoutant que le peuple palestinien déplore l'absence de ce grand meneur d'une grande révolution.
M. Arafat avait fondé dans les années 1960 la plus importante organisation politique et militaire palestinienne: le mouvement Fatah. Il avait été élu à la tête de l'Organisation de libération palestinienne (OLP) en 1969. La popularité d'Arafat est en hausse non seulement auprès du public palestinien, mais aussi au niveau mondial.
Après être devenu commandant du Fatah et président de l'OLP, M. Arafat n'avait jamais quitté son uniforme militaire et portait son revolver personnel à la ceinture. Il était renommé pour son kefieh, un foulard blanc et noir représentant la lutte et les traditions des Palestiniens.
Depuis l'éclatement du second Intifada (soulèvement) palestinien contre Israël en fin septembre 2000, il était considéré par l'État hébreu comme un obstacle au processus de paix. Les États-Unis, soutenant cette position, refusaient toute négociation avec les Palestiniens sous sa direction.
Dans ce contexte de regret d'Arafat, son successeur Mahmoud Abbas a annoncé en début octobre qu'il ne comptait pas se représenter au prochain scrutin présidentiel, en protestation contre le gel du processus de paix et contre l'extension par Israël de ses colonies en Cisjordanie.
Hani el-Masri, politologue basé en Cisjordanie, a déclaré que les événements récents "montrent que la politique israélienne est la principale cause du gel du processus de paix et de l'échec des discussions sur la formation de deux États, l'un israélien, l'autre palestinien".
"Israël ne veut pas la paix, il ne veut que la reddition des Palestiniens", a-t-il estimé.
"Israël ne trouvera jamais de dirigeant palestinien acceptant toutes ses conditions, car si un dirigeant les acceptait, il perdrait immédiatement la légitimité qu'il tire de sa population", a-t-il ajouté.