En Tunisie, depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi, le pouvoir d’Ennahda est vivement contesté. (D R)

Tunisie : Démission du ministre de l’Education et vives tensions dans le pays

La Tunisie subit de nouvelles secousses politiques après l’assassinat de l’opposant de Mohamed Brahmi, la mort de huit soldats, et de nombreuses manifestations hostiles aux islamistes au pouvoir d’Ennahda. Hier le ministre de l’Education a présenté sa démission. 

La situation politique en Tunisie est des plus fragiles depuis quelques jours. Les événements récents, où le sang a beaucoup coulé, ont placé le gouvernement mené par les islamistes d’Ennahda, dans une situation délicate.

C’est tout d’abord l’assassinat de Mohamed Brahmi qui a été le détonateur de la crise. Jeudi dernier, le député de gauche, opposant affiché à Ennadha, était froidement abattu devant chez lui. Comme l’avait été six mois auparavant un autre leader de l’opposition, Chokri Belaïd

Dès l’annonce de sa mort, des manifestations d’ampleur ont eu lieu à travers le pays, notamment à Tunis, Sfax, et à Sidi-Bouzid. Mohamed Brahmi était originaire de cette ville, au centre du pays, où avaient également couvé les émeutes de la Révolution de janvier 2011. C’est là que Mohamed Bouazizi, marchand de fruits ambulant, s’était immolé par le feu, déclenchant ce qui allait devenir le Printemps arabe. 

 

Ennahda accusée

A la suite de l’assassinat de Mohamed Brahmi, les manifestants étaient nombreux à accuser Ennahda d’avoir commandité cet acte. Ennahada tient la majorité dans la coalition de gouvernement au pouvoir, et au sein de l’ Assemblée Nationale Constituante (ANC), issue des élections d’octobre 2011. 

Outre l’accusation de responsabilité d’Ennahda dans le meurtre de M. Brahmi, les rassemblements de l’opposition réclamaient la dissolution de l’ANC et la tenue de nouvelles élections. Des locaux du parti islamiste à Sidi-Bouzid avaient été incendiés. 

Au lendemain du meurtre de M. Brahmi, le gouvernement annonçait avoir identifié les tueurs. La mouvance salafiste était désignée, et le ministre de l’intérieur déclarait qu’un homme, né en France, Boubaker Hakim, considéré comme le principal suspect, était activement recherché. 

Ces annonces n’avaient pas pour autant apaisé la tension, ravivée d’autant plus par le meurtre, lundi après-midi, de huit soldats. Tombés dans une embuscade, les huit militaires ont été égorgés par un groupe de terroristes à Kasserine, près de la frontière avec l’Algérie. 

Le pouvoir tunisien tenait aussitôt une réunion de crise, mais refusait de céder à la pression de l’opposition, qui attendait une démission immédiate du gouvernement. 

"Ce gouvernement continuera d’assumer ses fonctions, nous ne nous accrochons pas au pouvoir mais nous avons un devoir et une responsabilité que nous assumerons jusqu'au bout", déclarait ainsi le Premier ministre Ali Layaredh.  

De nouvelles élections législatives étaient toutefois annoncées pour le 17 décembre. Une date hautement symbolique, puisque c’est ce jour-là, en 2010, que Mohamed Bouazizi s”était immolé par le feu. 

 

Ennahda ne cède pas

Mais l’opposition n’a pas cessé de réclamer le départ immédiat du gouvernement et la dissolution de l’ANC. Et au sein même du gouvernement, l’unité se fissure.

C’est tout d’abord Ettakatol, l’un des partis laïques, membre de la coalition au pouvoir, qui avait demandé la démission du gouvernement et la constitution d'un cabinet d'union nationale. Demande rejetée, donc, sans pour autant qu’Ettakol ne sorte de la coalition. 

Hier, c’est l’un des membres de cette coalition, le laïc de gauche, Salem Labyedh, ministre de l’Education, qui a présenté sa démission. M. Labyedh avait fait part de son intention de quitter le gouvernement dès l’annonce du meurtre de Mohamed Brahmi. Son départ a donc été confirmé hier. 

Malgré tous ces remous, Ennahda continue de rester inflexible et rejette toute idée de démission du gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée.

Hier, Rached Ghannouchi, le dirigeant de la formation islamiste au pouvoir, a réaffirmé cette volonté, assurant que son parti est “pour le dialogue, l'unité nationale et le consensus, mais considère que l'ANC est une ligne rouge car elle est la source de la légitimité.”