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Libye : l’après-Kadhafi sous un épais brouillard

Les faits s’enchainent en Libye conduisant apparemment vers une impasse et dans un contexte de rapport de force en faveur de Kadhafi. Les frappes aériennes de la coalition étaient supposées neutraliser les moyens militaires du « guide », empêcher qu’un déluge de feu s’abatte sur la ville rebelle de Benghazi et protéger les civils exposés à sa machine de guerre.

Ficelée et adoptée dans la précipitation, la fameuse résolution 1973 devait répondre à cette urgence et on pouvait alors croire à un effondrement spectaculaire du régime Libyen, frappé au cœur de son dispositif d’agression et définitivement mis hors d’état, imaginer Mouamar Kadhafi sortir de sa tente, la tête basse, déposer gentiment les armes et se livrer aux insurgés sous la haute surveillance de la communauté internationale .

Ici même, nous écrivions que l’intervention étrangère était incontournable pour sauver les opposants d’un massacre programmé en nourrissant l’espoir que les chefs de l’insurrection soient rapidement en mesure d’investir le terrain politique et de négocier une sortie de crise. Que nenni! Une quinzaine de jour après les premiers tirs, de tels espoirs sont anéantis, la situation semble être partie pour se prolonger et vire plutôt au chaos.

Voilà que l’aviation de la coalition se trompe de cibles et canarde des véhicules de rebelles, tuant neuf d’entre eux et quatre civils. Voilà que l’on découvre que ces mêmes insurgés se déploient dans le désordre avec un armement inadapté et insuffisant. Voilà que l’on soupçonne Al Qaida d’avoir infiltré le mouvement et d’attendre patiemment de se procurer des armes avec l’argent des rançons si elles venaient à être livrées aux rebelles. Et voilà même que le doute s’installe au sujet des chefs de l’insurrection, de leurs véritables intentions, de la loyauté de ceux qui ont fait défection pour rejoindre le Conseil national. Et alors que ses capacités étaient sensées être détruites aux trois quarts, voilà enfin que l’armée régulière fait preuve de résistance et regagne même du terrain, déjouant tous les calculs de la coalition, désormais accusée de « crimes contre l’humanité » par le colonel qui se permet même de rejeter une proposition de cessez-le-feu de la part des rebelles.

La situation est dans l'impasse, et c’est le moins que l’on puisse dire. On espère désormais faire le vide autour du « guide » et provoquer l’effritement de son clan. On table sur les tractations secrètes pour trouver une issue, dont, très probablement, une partition du pays si Kadhafi ne lâche pas prise.

Une chose au moins est finalement sûre à l’étape actuelle : la stratégie de la coalition a fait choux blanc. La guerre fait rage. Les insurgés ne sont pas en mesure de protéger les civils et encore moins de renverser le régime.

Le peuple Libyen est tout compte fait victime de l’attitude des grandes puissances qui se sont accommodées des années durant de la dictature exercée par Kadhafi, l’aidant même à redorer son blason sur la scène internationale. Les populations jusque-là ignorées, abandonnées, sont désormais confrontées à des risques de guerre civile.

Un minimum de soutien régulier à l’opposition démocratique aurait pu pourtant éviter de laisser ce pays à l’unité fragile sous le règne absolu d'un illuminé basculer dans le chaos de déchirements sanglants. La Libye entre dans une phase de grande incertitude. L’après-Kadhafi est sous un épais brouillard.