L’interminable calvaire des voyageurs au départ d’Algérie en attente d’un retour en France
Par N.TPublié le
Des centaines de binationaux et de résidants en France piégés par le confinement tentent désespérément d’embarquer sur des vols Air France à destination de Paris. Témoignages.
Triste sort que celui des binationaux et algériens résidents en France toujours bloqués en Algérie après un séjour antérieur au confinement. Depuis le 17 mars, date de suspension des vols, il leur faut emprunter un parcours de combattants pour enfin parvenir à embarquer sur les vols de la compagnie Air France, dont la programmation demeure aléatoire et seulement à partir d’Alger et Oran.
Une loterie
Dans un premier temps, il était plus d’un millier à s’agglutiner quotidiennement aux portes des aéroports dans des conditions sanitaires à hauts risques, avec l’espoir que leur nom soit pioché sur l’une des listes d’attente. « Ils sont au coude-à-coude derrière des barrières policières et tentent désespérément l’oreille », décrivait alors, le 21 avril, le journaliste du quotidien francophone El Watan, évoquant « des scènes sidérantes ».
Depuis lors, repliés dans diverses villes, notamment à l’est du pays, en raison du confinement et du Ramadan, les moins chanceux - 2 000 personnes environ, selon des sources concordantes - attendent un hypothétique appel d’Air France les invitant à l’achat d’un billet dans une agence de la capitale, deux jours avant le vol, impérativement. Une loterie.
Des semaines de galère
Contacté par l’Humanité, Houcine confie qu’il savoure la « bonne nouvelle » de son embarquement le 11 mai à destination de Lyon (Via Charles-de-Gaulle) son lieu de résidence. « Mon retour était programmé le 18 mars, le vol étant annulé, j’ai galéré pendant plusieurs semaines. On te dit de t’inscrire sur une plateforme, de te signaler à Air France par SMS et d’attendre, attendre… », raconte-t-il. C’est ce que continue de faire Leila. Architecte de profession, résidante dans la région parisienne, elle est mise d’office en congé par son employeur. « Je suis inscrite depuis un mois et demi, j’ai fait trois tentatives sur l’aéroport d’Alger puis j’ai renoncé. Je ne cesse d’envoyer des mails à l’ambassade, on me répond que la décision relève d’Air France, qu’étant binationale, je peux patienter en Algérie. Me voilà suspendue au bon vouloir d’une compagnie, je ne comprends pas quels sont les critères », dit-elle.
« Des titulaires de billets ont été refoulés, leurs places étaient prises pour des raisons mystérieuses, c’est la jungle… »
Le piège et l’impuissance. Les critères ? « On n’en sait rien, c’est le brouillard total. Il y a sans doute des pressions, des passe-droits, l’inscription est apparemment formelle, la décision revient à la compagnie, c’est les chefs d’escale qui décident, des titulaires de billets ont été refoulés, leurs places étaient prises pour des raisons mystérieuses, c’est la jungle… », raconte un témoin qui désire rester anonyme. Qu’à cela ne tienne, les voyageurs en rade ne lâchent pas prise et s’emparent des réseaux sociaux pour se faire entendre.
Familles séparées, handicapés dans le désarroi, personnes sans ressources...
Les pages Facebook « binationaux bloqués en Algérie » et « rapatriement français » recueillent des centaines de témoignages, de familles séparées, d’handicapés dans le désarroi, de malades sans traitements médical, de personnes sans ressources, de salariés au bord du licenciement… tous disent se sentir « abandonnés », en raison précisément de leur statut de binationaux. « Je suis bloquée avec les membres de ma famille depuis le 12 mars, nous sommes venus pour le décès de notre père, on devait rentrer le 20, on a fait toutes les démarches possibles… », témoigne, parmi tant d’autres, Khalida, au fil d’échanges en continu.
« Nous rassemblons plus de 6 000 adhérents, ceux qui ont réussi à partir livrent leur expérience, on échange des conseils, on propose des actions de solidarité, surtout pour circuler vers la capitale durant le confinement, on s’informe sur les vols… », explique Sara administratrice de la page Facebook, rentrée en France miraculeusement le 23 mars. « Le rapatriement semble impossible pour certains, pour des raisons inconnues qui laissent libre cours à des mauvaises interprétations (…) afin de remédier à la situation chaotique de nos compatriotes, nous comptons sur votre empathie et compréhension… » implorent les animateurs des réseaux sociaux dans une correspondance, datée du 5 mai, adressée à l’ambassadeur de France en Algérie. Une bouteille à la mer…