Pétrole. L’Arabie saoudite se tire une balle dans le pied
Par N.TPublié le
Riyad procède à une réduction inédite des prix du brut. La mesure fait suite à un désaccord avec Moscou.
C’est la guerre ! Celle des prix, cette fois, autour d’une ressource hautement stratégique : le pétrole. La première salve est partie du camp de l’Arabie saoudite, chef de file de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), à la suite d’un désaccord avec la Russie, deuxième producteur mondial et partenaire de l’organisation sur le plan tarifaire (Opep +). Au centre de ce différend, le niveau de production de brut.
Envisageons une nouvelle baisse, de l’ordre de 1,5 million de barils par jour, afin de compenser la contraction de la demande provoquée par l’épidémie du nouveau coronavirus, propose Riyad en fin de semaine dernière. Pas question ! rétorque Moscou, qui voit là un cadeau offert aux producteurs de schiste américain.
« Du point de vue des intérêts russes, cet accord n’a aucun sens », a déclaré dimanche 8 mars Mikhaïl Leontyev, porte-parole du géant russe de l’énergie Rosneft, cité par l’agence de presse RIA Novosti. Selon lui, le retrait du marché des pétroles arabe et russe à bas prix reviendrait à « laisser la place au schiste américain à prix élevés, pour rendre leur industrie rentable. Notre production serait tout simplement remplacée par celle de nos concurrents. C’est du masochisme » C’est le clash !
L’arroseur arrosé ?
Du coup, Riyad se lance en représailles dans une incroyable braderie de sa production : la réduction des prix est inédite sur une vingtaine d’années. Les deux principaux contrats d’approvisionnement en pétrole enregistrent une baisse de 20 %, le prix du WTI (West Texas Intermediate) s’établissant à 32 dollars le baril et celui du Brent à 36 dollars le baril, annonce l’agence de presse américaine Bloomberg News.
Selon cette même source, le prix pour le pétrole à destination d’Asie a diminué de 4-6 dollars par baril, tandis que celui pour les États-Unis a été réduit de 7 dollars par baril. Une déflagration ! Les analystes pronostiquent une érosion des revenus des économies dépendantes de l’énergie, dont les pays pauvres (Nigeria, Angola) et ceux déjà laminés par les sanctions américaines (Venezuela, Iran). Le tout sur fond d’une inévitable déflation mondiale.
D’aucuns estiment aussi que Riyad s’est tiré une balle dans le pied. Mohammed ben Salmane (MBS) engage cette bataille au moment où il envisage des réformes économiques financées par l’or noir. Sans compter les remous internes. Le frère et le neveu du roi Salmane sont sous les verrous, accusés de complot contre MBS… L’arroseur arrosé ?
Nadjib Touaibia
Source (humanite.fr)