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Le discours de Ben Ali : l’aveu d’un échec, des promesses et beaucoup de questions

Les Tunisiens n’en croient pas leur oreilles, ils ne réalisent pas encore. Au moment où ces lignes sont écrites, une heure à peine après le discours désormais historique de Ben Ali, les correspondants de presse signalent la présence de nombreux habitants de Tunis dans la rue, bravant le couvre-feu pour manifester leur joie. La peur a vraiment changé de camp et le peuple tunisien a peut-être finalement ouvert la voie vers la démocratie dans le reste du Maghreb.

Ben Ali a dit avoir compris le sens des cris de révolte et a promis des mesures pour le moins inattendues. Il ne rempilera pas en 2014 et consacrera le temps qui lui reste à installer les fondements de la démocratie, à commencer par la liberté de la presse et de l’Internet. Incroyable ! Dans l’immédiat, le président tunisien promet de faire taire les armes qui ont déjà tué plus de 60 personnes et d’ordonner la baisse des produits de première nécessité. Et pour se donner plus de crédit, celui qui a quasiment mis le pays au service du clan de sa belle famille avoue publiquement qu’il a été trompé au sujet de la situation.

Premières questions qui s’imposent : dans quel état d’esprit sont les inconditionnels du président ? Comment ont-ils accueilli ce discours de fin de règne ? On imagine par exemple l’embarras, pour le moins, de cet ambassadeur tunisien auprès de l’Unesco venu pérorer mercredi matin sur les ondes de la radio France Info, traitant le secrétaire général du parti communiste, arrêté le jour même, de «bolchevik» allié aux islamistes et accusant ceux-ci d’être à l’origine des troubles, affirmant avec force que «le président a bien les choses en main».

Autres interrogations : quel regard portent sur ces retournements spectaculaires, le président Bouteflika et le roi du Maroc, dont les sociétés respectives sont maintenues sous la chape de plomb d’un autoritarisme qui n’a que trop duré. Les récentes émeutes qui ont secoué l’Algérie sont à n’en point douter un sérieux avertissement, qui devrait conduire le pouvoir algérien à ouvrir le champ politique, jusque-là verrouillé au profit d’une couche de privilégiés.

On peut enfin se demander si Ben Ali va réellement pouvoir se maintenir à la tête de l'État jusqu’à la fin de son mandat, sachant la grande impatience d’une majorité de tunisiens désireux de tourner cette page des libertés interdites dans une Tunisie à deux vitesses.