Comment Donald Trump a été catapulté vers la Maison-Blanche
Par N.TPublié le
Donald Trump a triomphé en livrant un discours démagogique et mensonger, provoquant un retournement que les analystes n’ont pas vu venir
Tour à tour amuseur public, homme à scandales, tribun au verbe répugnant, puis candidat émergeant d’un brouillard de certitudes annonçant la victoire sans faille de sa rivale, Hillary Clinton, le milliardaire Donald Trump a pris de court instituts de sondage, médias et autres observateurs. Que s’est-il donc passé ? Qui a voté pour Donald Trump et planté Hillary Clinton ?
Premier constat, et pas des moindres, Trump a raflé la mise dans six États qui avaient plébiscité Barack Obama et les démocrates en 2012: l’Iowa, le Wisconsin, le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie et la Floride ! Fait notable, le Wisconsin n’avait pas voté républicain depuis… 1984. Chiffres particulièrement révélateurs : le candidat milliardaire a reçu les suffrages de 67 % des Blancs sans diplôme d’études supérieures. Il s’est distingué dans les zones rurales y obtenant 62% des voix et a séduit 78% des électeurs qui s’estiment financièrement lésés. Trump n’a pas été pour autant le «candidat des pauvres», ceux qui vivent avec moins de 30 000 dollars (environ 27 500 euros) par an, selon un critère couramment retenu.
Entré par effraction…
Les femmes n’ont pas sévèrement sanctionné l’auteur de discours misogynes. Les électrices blanches ont vraisemblablement préféré ce dernier à Hillary Clinton. Celle-ci a obtenu 54 % du vote féminin, ne progressant que de 1% seulement par rapport à 2012. La candidature démocrate enregistre par ailleurs d’autres reculs qui ont contribué à faire le lit de celle de Trump. Hillary Clinton n’a remporté aucun nouvel État par rapport à 2012, quand Barack Obama était opposé à Mitt Romney. Les Africains-Américains ont certes voté à 88 % démocrate, mais cela représente 7 points de moins qu’en 2012. Et si les Hispaniques et les Asiatiques ont voté à 65% pour Hillary Clinton, le camp républicain enregistre une progression de 8 points chez les premiers et 11 chez les seconds… La démocrate a en revanche fait le plein dans la capitale fédérale, Washington, obtenant 92,8% des voix, contre 4,1% pour son adversaire. Elle a également séduit dans les milieux d’affaires de New York, s’attirant quelque 515 481 voix, contre 58 935 en faveur du milliardaire…
Donald Trump, homme d’affaires à la réputation sulfureuse, jamais élu, est ainsi devenu le 45e président des États-Unis. Il est tout compte fait entré en politique par effraction. Les observateurs s’accordent à constater qu’il a su conquérir la grande masse des «Blancs déclassés», ceux qui auraient subitement perdu confiance dans les élites de toutes catégories, celles du monde des affaires et celles qui étaient jusque-là aux commandes.
L’Amérique des années 40...
«La grande majorité d’entre eux fait partie de la classe blanche, populaire, modeste, celle qui n’a pas fait d’études supérieures. Ce sont les oubliés de la mondialisation, qui ont peur de perdre leur travail, qui sont séduits par le discours xénophobe de Donald Trump contre les étrangers, et qui ont la nostalgie d’une Amérique des années 1940», explique le politologue américain Daniel Warner, interrogé par la chaîne Franceinfo.
Tout comme sur un marché, le manager a en fait flairé la bonne affaire, il a défini un cœur de cible et il a soigneusement préparé le produit à lui proposer : un assemblage de propos démagogiques, trompeurs, mensongers… «Make America great again» (Rendre sa grandeur à l’Amérique), son slogan préféré, a assurément fait mouche auprès de cette frange de l’électorat blanc, mais pas seulement. Ce faisant, le milliardaire est aussi parvenu à ratisser large en grignotant des voix auprès des minorités et auprès d’une partie des riches attentifs à ses promesses de baisse d’impôts.
Les analystes du contexte sociopolitique américain n’ont pas vu venir ce retournement spectaculaire. Ils ont été nombreux à perdre de vue une règle qui se vérifie pourtant partout ailleurs dans le monde et à laquelle la grande Amérique ne pouvait échapper non plus : la régression nourrit, toujours et de plus belle, la régression.
Source: HD n° 536