665 000 lycéens français ont passé hier l’épreuve de philosophie du Baccalauréat. (Dimitri Parant / Wikimedia)

C’était jour de philo pour les lycéens français

Lundi, pour les jeunes français, commençait le Baccalauréat. Avec, comme de coutume, la redoutable épreuve de philosophie. En Europe, ce sont essentiellement les pays du sud qui font de cette matière un enseignement obligatoire au lycée.

“La science se limite-t-elle à constater les faits ?” Ou bien “le langage n’est-il qu’un outil ?” Ces énoncés vous inspirent ? Alors vous seriez prêts à passer votre bac cette année. Hier, les quelque 665 000 candidats de la promotion 2013 ont dû plancher sur ce type de sujets. 

Difficile d’imaginer répondre à ce type de questions en moins de quatre heures... Le tout en dissertant, argumentant, en contredisant, en développant, et en parsemant les paragraphes de citations bien choisies. Tous ceux qui ont obtenu leur Bac en France sont pourtant passés par cette épreuve, plus ou moins sélective selon les filières. 

Pour les sections littéraires (L), qui devaient creuser leurs cerveaux sur les sujets cités plus haut, l’épreuve de philosophie est au coefficient 7. Autant dire qu’un trou noir ou une page blanche le jour de l’examen garantissent quasiment un échec au Bac. 

 

“On n’apprend pas la philosophie...”

Pour les autres filières, le coefficient est moins élevé, 4 en ES (Economie), 3 en S (Scientifique), et 2 en Bac Technologique. Mais les sujets n’étaient pas des cadeaux pour autant.

"Que devons-nous à l’Etat ?" ou “interprète-t-on à défaut de connaître ?", pour les ES. "Peut-on agir moralement sans s’intéresser à la politique ?" ou "le travail permet-il de prendre conscience de soi ?", pour les S.

Et "être libre, est-ce n'obéir à aucune loi ?", "la diversité des cultures sépare-t-elle les hommes ?", "une société sans conflit est-elle souhaitable ?" ou encore "l'homme n'est-il qu'un vivant parmi les autres ?", pour les séries Technologiques. 

Combien d’adultes seraient encore capables de se plonger pendant plusieurs heures dans de telles réflexions ? Poser la question, c’est déjà un peu donner la réponse... Ce qui est possible à 17 ou 18 ans ne le serait plus une fois le Bac en poche ? A la sortie des années lycée, que reste-t-il vraiment de cet apprentissage ? 

“On n’apprend pas la philosophie, on apprend à philosopher”, dit la phrase de Kant. Sans doute alors que les anciens élèves gardent toute leur vie en eux quelques traces de ce que leur prof de philo s’est acharné à leur enseigner.  

 

Le règne de la pensée occidentale

Les cours de philo, tout au moins en France, sont surtout une façon d’élaborer la réflexion, de développer l’esprit critique et d’appréhender une méthode cohérente pour répondre à une problématique.  

Répondre à une problématique n’étant pas nécessairement répondre à la question donnée. C’est bien connu, la philosophie pose des questions mais n’apporte pas forcément des réponses. Au contraire, elle aurait plutôt tendance à rajouter des questions aux questions. 

En France, pendant la seule année où cette matière est abordée, c’est essentiellement la philosophie occidentale qui est enseignée. Les auteurs européens, anciens, modernes et contemporains, Grecs, Français ou Allemands, sont pratiquement les seuls à être étudiés. 

Il est plutôt rare - ou alors est-ce tout juste évoqué - que les philosophies d’une autre aire de pensée soient développées. Ce petit mémo des citations à mentionner dans sa copie, dressé par le magazine L’Etudiant, en est la parfaite illustration. Sur tous les thèmes choisis, les auteurs cités sont quasi exclusivement des philosophes européens, références de la pensée occidentale.   

 

Géographie de la philosophie

En Europe, berceau de cette pensée occidentale, la place de l’enseignement de la philosophie aux adolescents est assez différente entre le nord et le sud.  

Contrairement à une légende tenace, la France n’est pas le seul pays où des cours de philosophie sont au programme des lycéens. Et nombre des pays où elle est une matière obligatoire sont ceux de l'arc méditerranéen, comme le relève cette étude menée en 2009 par Philosophie Magazine, qui porte sur les membres de l’Union Européenne.

Au nord du continent, c’est généralement un enseignement optionnel qui est proposé aux élèves. Tandis qu’au sud, la philosophie, obligatoire, tient une place prépondérante et est enseignée sur deux années en Espagne ou trois en Italie, contre une seule en France. 

Sans trop entrer dans les détails, les modalités d’apprentissage de cette matière diffèrent nettement aussi d’un pays à un autre. Certains pays mêlent la philosophie à d’autres disciplines, notamment l’histoire, comme c’est le cas en Italie, où les professeurs de philosophie ont également une formation d’historiens. 

Tandis qu’en Allemagne, par exemple, où la philosophie est généralement optionnelle, c’est l’éducation religieuse, éthique et civique, obligatoire, qui porte souvent les notions qui sont enseignées ailleurs dans les cours de philosophie.

Ces disparités géographiques dans la façon d’aborder la philosophie sont-elles seulement anecdotiques ou sont-elles également révélatrices d’un certain comportement des peuples ? En somme, "la diversité des cultures sépare-t-elle les hommes ?"