Après le coup de semonce de Trump au président ukrainien, l’Europe dans tous ses états

Après le coup de semonce de Trump au président ukrainien, l’Europe dans tous ses états

Confrontée aux secousses géopolitiques provoquées par les positions imprévisibles des États-Unis sur la guerre en Ukraine, l’Europe semble naviguer en eaux troubles. Alors que Donald Trump a récemment semé le doute sur l’engagement américain en faveur de Kiev, les capitales européennes tentent de réagir, entre divisions internes et quête d’unité.

La proposition française d’une « pause » partielle d’un mois en Ukraine, évoquée par Emmanuel Macron dans un entretien au Figaro dimanche, a rapidement révélé des fractures. Le président français affirmait agir en coordination avec le Royaume-Uni pour promouvoir une trêve ciblant « les airs, les mers et les infrastructures énergétiques », épargnant les combats terrestres jugés trop complexes à contrôler. 

Londres a cependant démenti dès le lendemain. « Il n’y a pas d’accord sur ce à quoi ressemblerait une trêve », a martelé Luke Pollard, secrétaire d’État britannique aux Forces armées, sur Times Radio. Ce malentendu diplomatique illustre les difficultés européennes à parler d’une seule voix, alors que le conflit s’enlise et que les risques d’escalade inquiètent.

La réunion dimanche à Londres d’une quinzaine de dirigeants européens, dont Emmanuel Macron, visait justement à resserrer les rangs. Les participants ont promis de soutenir Kiev et d’accélérer leur réarmement. Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a tiré la sonnette d’alarme sur France Inter : « Jamais le risque d’une guerre sur le continent européen n’a été aussi élevé », a-t-il déclaré, appelant à une « dissuasion renforcée ». Le sommet a acté un plan incluant une trêve temporaire, condition préalable à des négociations plus stables, avec un possible déploiement de forces européennes.

La position ambiguë de Giorgia Meloni 

Dans ce contexte, l’ancienne ambassadrice de France en Russie, Sylvie Bermann, livre une analyse sans concession. « On a cru que Biden était la norme et Trump l’exception, mais c’est l’inverse », rappelle-t-elle. Pour elle, la dépendance européenne vis-à-vis de Washington, réaffirmée malgré les appels à l’autonomie, « doit conforter Vladimir Poutine ». Si les annonces d’augmentation des budgets militaires — comme celles de la France ou de l’Allemagne — sont saluées, elles restent insuffisantes à court terme pour l’Ukraine. « C’est un virage nécessaire, mais tardif », résume-t-elle.

La position de l’Italie, incarnée par Giorgia Meloni, reflète ces tensions. La cheffe du gouvernement, tiraillée entre une coalition interne divisée sur Trump et la nécessité de soutenir Kiev, incarne le numéro d’équilibriste de plusieurs dirigeants européens. Son hésitation à s’aligner pleinement sur Washington ou sur une ligne européenne plus souveraine montre les limites de la cohésion continentale.

Le « coup de semonce » trumpien a brutalement rappelé à l’Europe que l’ère de la protection américaine inconditionnelle est révolue. Les déclarations de Trump et de ses alliés, comme J.D. Vance, ont accéléré une prise de conscience : l’UE doit assumer son rôle de puissance stratégique, même si le chemin reste long. Sylvie Bermann insiste : depuis le «pivot vers l’Asie» d’Obama, l’Europe n’est plus une priorité américaine. Et il faut désormais faire avec cette réalité.