Marcoule : le quotidien espagnol Publico accuse les autorités françaises
Par N.TPublié le
L'inconscient collectif français en est encore tout imprégné, 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl : il est des nuages (même radioactifs) qui ne passent pas les frontières, magiquement balayés par le vent, à l'orée de nos chaînes montagneuses... Les informations publiées ce dimanche par le journal espagnol Publico (1) au sujet de l'accident de Marcoule (Gard), n'ont pas connu le même sort.
Relayée par le média internet Rue 89, l'article de ce quotidien barcelonais a gaillardement franchi la frontière pyrénéenne, pour s'inviter dans le débat hexagonal, à la faveur de la toile. Non sans un certain retentissement. Le Publico accuse en effet les autorités françaises de nier le caractère nucléaire des événements survenus le 12 septembre, au sein du site de traitement des déchets nucléaires exploité par la société Socodei, filiale d'EDF.
Citant notamment les affirmations du ministre de l’Énergie, Eric Besson, et celles du «porte-parole du géant électrique EDF», selon lesquelles il n'y aurait «aucun risque radioactif», cet accident étant classé dans la catégorie «non-nucléaire», le journaliste Andrés Pérez s'insurge. En livrant d'emblée quelques pistes d'une réalité à l'exact opposé des rassurantes mesures de radioactivité opérées à l'extérieur du site et largement médiatisées : «la famille [de José Marin] n'a pas pu s'approcher de la dépouille irradiée, sur laquelle aucun autopsie n'a été pratiquée»; «le cercueil enseveli [samedi] était équipé d'un blindage anti-radiation»; et «les gendarmes sont vêtus de combinaisons de protection» lorsqu'ils entrent à l'intérieur du site scellé.
Des silences inquiétants
«Heureusement, notre commandant nous a protégés en nous donnant l'ordre de ne pas entrer et d'attendre nos collègues spécialisés de la prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques», aurait même confié au Publico, l'un des premiers agents arrivés sur les lieux de l'accident. Le quotidien trouve par ailleurs «inquiétant» le silence qui pèse sur la nature des déchets traités par le four lors de l'explosion : «malgré nos questions persistantes posées dès avant l'ouverture du chapitre judiciaire, la direction de Socodei Centraco s'est refusée à nous dire qui étaient les clients propriétaires des déchets radioactifs traités ces derniers temps».
Dans la même logique, le Publico condamne le secret qui entoure «le résultat des analyses des filtres et de capteurs situés dans la cheminée du four accidenté, avant, pendant et après la catastrophe». Ces données permettraient de lever le voile sur «la nature civile ou militaire» des déchets incinérés, souligne le journaliste, qui met en exergue la nature militaire de l'établissement où a été transféré David Stampone, le grand brûlé (85%) de l'accident de Marcoule. Ce pompier volontaire âgé de 27 ans a quitté la semaine dernière le CHU Lapeyronie (Montpellier) pour rejoindre l'hôpital d'instruction des armées Percy à Clamart (région parisienne). Afin de bénéficier d'une éventuelle culture de peau. Ironie dramatique, cet hôpital à la pointe du traitement des grands brûlés dispose également d’un important service de traitement des blessés contaminés par la radioactivité.
Nicolas ETHEVE