Algérie. Confronté au coronavirus, le Hirak va suspendre son élan

La poursuite du mouvement fait débat, mais c’est le danger sanitaire qui prime. Des voix appellent les hirakistes algériens à suspendre les manifestations hebdomadaires.

Hirak ou plus Hirak à l’heure du coronavirus ? La question est au centre des discussions en Algérie à l’heure de la pandémie dans un contexte politique inédit de contestation massive du pouvoir depuis le 22 février 2019.

Le bilan annoncé à la veille du vendredi, journée habituelle de rassemblements dans les lieux publics, fait état d’un total de 82 cas confirmés dont huit décès. Une dizaine de nouveaux cas a été enregistrée jeudi 19 mars.

Deux jours avant, le président Abdelaziz Tebboune intervenait à ce sujet dans un « discours à la nation ». Conscient de l’opinion des Algériens sur un secteur de santé public à l’abandon, le chef de l’État s’est voulu rassurant s’agissant des moyens. « Le pays dispose de 1 550 000 masques de différents types, il se prépare à en acquérir 52 millions supplémentaires. Quelque 6 000 tests de dépistage sont utilisables et 15 000 autres en cours d’acquisition. Plus de 2 500 lits de réanimation sont disponibles, un nombre appelé à augmenter en cas de nécessité pour atteindre 6 000 lits avec la garantie de 5 000 respirateurs artificiels », assure-t-il.

Le président a surtout annoncé une douzaine de mesures, dont la suspension des prières collectives et la fermeture des mosquées » et surtout « l’interdiction des rassemblements et des marches quelles que soient leurs formes ».

Une initiative tardive, estiment les médecins, s’agissant des lieux de culte. « Cinq prières par jour de vingt à trente minutes à multiplier par le nombre des mosquées sur le territoire national, vous imaginez les risques ? » met en garde le spécialiste des maladies respiratoires à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger, Hakim Souhami. La réaction des fidèles est attendue pour ce vendredi 20 mars. L’interdiction semble toutefois justifiée aux yeux d’une grande majorité des Algériens. Les prières de rue en rangs serrés n’ont pas drainé les foules habituelles.

C’est en revanche le Hirak qui fait débat, et tout laisse supposer que la Révolution va suspendre son élan.``

Parti remise...

Les collectifs d’étudiants appellent à une trêve, ceux qui n’y adhèrent pas ont été violemment dispersés lors de la manifestation hebdomadaire. « Nous sommes des militantes du Hirak étudiant. Habituellement, le mardi, on participe aux manifs. Aujourd’hui, nous avons décidé de suspendre notre action et de lancer cette campagne de sensibilisation pour exhorter les gens à rester chez eux », expliquent trois jeunes femmes qui « accrochent des feuilles de papier A4 sur un mur avec ce message : “Reste chez toi, tu pourrais sauver des vies humaines” », rapporte le journal El Watan.

« Au début, il était très difficile pour moi de lancer l’alerte par crainte d’être mal compris. Dieu merci, beaucoup de mes amis du Hirak pensent la même chose et appellent à la sagesse », confie de son côté, un chirurgien hospitalier, très actif dans le mouvement.

Non, « le coronavirus n’aidera pas le régime car celui-ci sera encore plus rejeté compte tenu de l’état des hôpitaux, qui ne sont pas pourvus pour faire face à une situation de pandémie. Même si le Hirak s’affaiblit pendant un ou deux mois, il reprendra de plus belle une fois la pandémie jugulée », promet le sociologue Lahouari Addi.

« La préservation de la vie humaine doit primer dans cette situation. Il appartient aux citoyennes et citoyens de décider des formes de luttes permettant la continuité de la mobilisation citoyenne », affirme pour sa part Zoubida Assoul, présidente de l’Union pour le Changement (UCP), non sans accuser le pouvoir de « manipulation politicienne et de diversion ».

Le coronavirus redonne en effet l’avantage aux autorités jusque-là embarrassées devant l’ampleur et la continuité du mouvement. Mais, pour le Hirak, sans doute est-ce seulement partie remise.

Souce humanite.fr 20 mars