Combien seront-ils la fois prochaine ? Très probablement encore des centaines, voire des milliers… (DR)

Les migrants en Méditerranée, un long récit d’horreur

Les décomptes macabres sont terrifiants. Quatre cents personnes, dont plusieurs enfants, ont disparu en mer dimanche 12 avril au large des côtes italiennes, 800 autres ont été englouties à leur tour une semaine plus tard, le 19 avril, dans les eaux de la Libye plongée dans le chaos. Et dans la nuit du 20 au 21, un chalutier était signalé en détresse avec plus de 300 personnes à bord. Chaque jour, entre 500 et 1 000 migrants sont récupérés par les garde-côtes italiens ou des navires marchands, et d’autres, toujours plus nombreux, périssent dans l’indifférence quasi générale. Combien seront-ils la fois prochaine ? Très probablement encore des centaines, voire des milliers…

«La situation est alarmante et nous devons tous nous préparer à ce qu’elle ne fasse qu’empirer dans les semaines et les mois à venir», reconnaît Natasha Bertaud, porte-parole pour la migration et les affaires intérieures à la Commission européenne. «Nous n’avons pas de solution miracle qui permettra de régler la situation. Et le fait que le monde entier nous pointe du doigt ne va pas changer cela», martèle-t-elle. Et d’expliquer que «la seule manière de vraiment changer la réalité est de traiter le problème à la source», en se concentrant «sur la collaboration des pays tiers». Mais peut-être faut-il encore sortir du cafouillage dans la mise en œuvre des dispositifs de surveillance. L’Italie n’a pas cessé d’appeler au renforcement de l’opération «Triton», une simple opération de surveillance coordonnée par l’agence européenne pour la surveillance des frontières (Frontex), faiblement dotée (3 millions d’euros par mois).

Premier réveil européen…

L’opération «Mare Nostrum», une opération de sauvetage, mise en place en 2013 par l’Italie après le naufrage qui avait fait 356 morts au large de l’île de Lampedusa, dont elle était supposée prendre la suite, avait permis de secourir plus de 150 000 personnes, soit plus de 400 par jour en moyenne, et d’arrêter 351 passeurs. Mais cette surveillance permanente mobilisait 9 millions d’euros par mois. Premier réveil européen, le plan qui a été soumis le 21 avril aux ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’UE prévoit en principe le doublement des moyens alloué à «Triton» qui pourra patrouiller dans une zone plus large et devra participer aux secours.

Le drame des naufrages à répétition a fini par secouer l’Europe. «J’ai décidé de convoquer un sommet européen extraordinaire ce jeudi (23avril – NDLR) au sujet de la situation en Méditerranée», a annoncé Donald Tusk, président du Conseil européen, sur son compte Twitter. Que peut-on attendre de ce conclave forcé ? La concertation devrait porter sur «certains des sujets à aborder en urgence : comment arrêter les trafiquants d’êtres humains, comment augmenter nos efforts communs pour sauver les gens dans le besoin, comment mieux aider les États membres les plus touchés, et comment accroître notre coopération avec les pays d’origine et de transit». Mais il ne faut pas pour autant «s’attendre à des solutions rapides aux causes profondes des migrations, parce qu’il n’y en a pas ». Le ton est donné, qui illustre bien la réalité, celle d’un grave déficit de solidarité entre les États, d’une incapacité à adopter une politique commune, d’un aveu d’impuissance à peine voilé.

Les « migrants potentiels » qui affluent en Libye continuent à être des proies idéales pour les réseaux de passeurs qui ont désormais fait la jonction avec les milices de djihadistes. Un arrangement barbare à la faveur des stratégies postcoloniales qui ont déstructuré des équilibres sociopolitiques, attisé le feu des conflits ethniques et religieux sous le prétexte fallacieux de la démocratie importée, et créé des monstres…