Algérie : fin des subventions des produits de base
Par belkacemgPublié le
Les députés algériens ont voté la loi de finances 2022, ce mercredi 17 novembre, et mauvaise nouvelle pour de nombreuses familles modestes, la suppression du système de subventions généralisées des produits de base est désormais officielle.
Ce système qui existait depuis les années 1960 assurait jusque là des « transferts sociaux » : des prestations sociales qui permettent à tous les Algériens, quels que soient leurs revenus, de bénéficier d’une éducation et de soins gratuits mais aussi de logements extrêmement bon marché. En outre, des subventions aux produits et services de base (pain, semoule, sucre, huile, eau, électricité, gaz, transports…) qui, dans les années 90, se sont substituées au contrôle des prix vont tout simplement disparaitre.
Dix pourcent du PIB était consacré à cette politique sociale, et de nombreux Algériens sont devenus dépendants des revenus de l’État pour subvenir à leur besoins au quotidien.
Le premier ministre Aimene Benabderrahmane tente de rassurer
"Le gouvernement n'entend nullement renoncer" au système des aides d'État, a affirmé le Premier ministre algérien Aïmene Benabderrahmane pour répondre aux critiques de députés sur la fin des subventions généralisées. Celles-ci représenteront encore pour 2022 un total de "17 milliards de dollars", a précisé le chef du gouvernement alors que leur montant s'élevait "entre 30 et 41 milliards de dollars" jusque-là.
Pour le premier ministre, également ministre des finances, cette suppression des subventions vise à adopter "une nouvelle philosophie visant à cibler, directement par des aides, les familles dans le besoin". Les modalités d'application de la loi, en particulier et la liste des produits concernés et les catégories de ménages ciblés seront précisées ultérieurement par des décrets d'application.
Les classes moyennes durement touchées
L'économiste Omar Berkouk admet que "l'Etat n'a plus les moyens d'une politique sociale aussi généreuse et indifférenciée".
"Tous les experts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ainsi que les économistes ont attiré l'attention sur la nécessité de les réduire en ciblant mieux les destinataires", rappelle-t-il. Début octobre, le FMI a ainsi appelé l'Algérie à "recalibrer" sa politique économique et à mener des "réformes structurelles". Les gouvernements précédents avaient envisagé un ciblage des subventions notamment fin 2015 et 2017. L'actuel chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune était à l'époque Premier ministre.
Les spécialistes restent sceptiques quant à la capacité de l'Etat à "faire passer la pillule" auprès des ménages qui verront leur pouvoir d'achat chuter. La nouvelle poilitque de ciblage et les critères de sélection des ménages « éligibles » ne seront pas évidents à définir. Omar Berkouk s'est dit préoccupé de la façon dont seront calculées et attribuées les compensations.
"Compte tenu de la sphère économique informelle, de l'absence de déclarations de revenus et de patrimoine, il est difficile de bien recenser les personnes qui en ont besoin", a-t-il mis en garde. "Les pauvres se voient bien dans la rue, mais il n'y a pas d'outils statistiques pour les identifier", a-t-il ajouté, jugeant possible que les consommateurs les plus aisés (qui bénéficient de revenus informels) trouveront toujours un moyen de continuer de "bénéficier de droits indus".
Déjà dans la tourmente avec les augmentations massives des prix des produits alimentaires,des loyers et de l’énergie, les classes moyennes sont plus que jamais menacées par la pauvereté.
Interrogé par le quotidien Liberté, Mourad Ouchichi, enseignant d’économie à l’université de Bejaïa, estime que « ce sont les classes moyennes à revenus fixes qui risquent, en effet, de supporter, à nouveau, l’essentiel les sacrifices exigés par la crise ». Pour ce qui est de la classe moyenne libérale, il affirme qu’elle aura « les moyens d’y faire face ».
Pendant des années, l'Algérie a pu maintenir la paix sociale en finançant son système d'aides grâce à la manne d'hydrocarbures, d'où elle tire plus de 95% de ses revenus extérieurs et environ 60% du budget de l'Etat.
Rappelons que des contestations violentes ont secoué le pays au début de l'année 2011, sous forme d'émeutes et manifestations, contre la flambée des prix de certaines denrées alimentaires élémentaires. Cela engendrera plusieurs mesures d’aides sociales, pour un coût total de 20 milliards d’euros.