Libye : entre vrai et faux débat…
Par yazPublié le
La question fait débat, il est quasiment impossible d’y échapper. Les frappes aériennes en territoire libyen sur des objectifs militaires se justifient-elles, est-ce la seule possibilité d’assurer la protection des civils ?
Retenons, parmi les contradicteurs, ceux qui admettent que Mouamar Kadhafi tient au moins du despote, qu’il règne sans partage avec l’aide de sa famille et de son clan. Avec les autres, la discussion n’a évidement pas lieu d’être, les frappes étant tout simplement considérées comme une agression condamnable contre un pays souverain.
Dans le camp des opposés à l’intervention militaire, il y a d’abord ceux qui fustigent les «va-t-en-guerre» par principe, estimant que la parole des armes, sous quelque forme que ce soit, sème la mort sans apporter de solution. Le dialogue et la concertation constituent la seule voie à suivre dans tous les cas de figure. On pourrait donc penser qu’il aurait suffi de prêcher la bonne parole à Kadhafi et à ses sbires pour leur faire entendre raison, les aider à chasser les démons qui les habitent, leur penchant pour la tyrannie, et transformer la Libye en démocratie rayonnante, comme d’un coup de baguette magique.
Dans ce même camp des opposés, il y a aussi ceux qui brandissent l’argument des hydrocarbures en Libye. Kadhafi étant assis sur des barils de pétrole, les pays composant la coalition sont nécessairement engagés dans une course autour de cet enjeu. La protection des civils contre les menaces de tueries proférées par le « guide » n’est qu’un prétexte fallacieux. L’argument comporte en effet une bonne part de vérité. La course souterraine entre les grandes puissances intéressées par les contrats pétroliers et autres investissements est une réalité. Reste qu’en enfonçant ainsi des portes ouvertes, on peut être amené à admettre que de père en fils, en arrière-fils en arrière-petit-fils, le clan des Kadhafi est promis à un règne ad vitam aeternam, et que le peuple libyen est condamné à vivre cette dictature comme une malédiction.
Troisième argument enfin : le risque de « l’enlisement », prenant pour exemple l’Irak et l’Afghanistan. C’est à n’en point douter le plus convaincant. Les derniers développements autour de la question du commandement de la zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, marqués par les dissensions à l’intérieur de la coalition, laissent en effet craindre des risques de cafouillage et de dysfonctionnement qui peuvent faire traîner les choses en longueur face à une armée de Kadhafi toujours bien en place, quoique l’on dise, et qui va de plus en plus se mêler aux populations civiles. Il faut espérer en effet qu’en parallèle à ces manœuvres militaires, la diplomatie suive son cours et qu’une issue soit rapidement trouvée pour stopper les frappes et conduire à des pourparlers entre le Conseil national de la résistance Libyen et les états-majors de l'armée.
L’obstination de Kadhafi à défier le reste du monde a nécessairement une limite. En attendant, reste le sort de ces dizaines de milliers de réfugiés qui s’entassent désespérément aux frontières, les plus de 6000 morts et tous les autres, femmes, enfants, vieillards, restés la peur au ventre sous la protection ô combien fragile d’insurgés mal armés, désorganisés, apparemment pris de panique. Dès lors, il ne suffit pas de se donner bonne conscience à coup de slogans condamnant et le « guide » et les puissances «impérialistes». Les populations civiles libyennes sans défense n’ont que faire de ces incantations. Leur protection n’a pas de prix face à un Kadhafi déterminé à nettoyer les villes de l’insurrection «ruelle par ruelle, maison par maison». Faut-il ou non le laisser faire ? Telle est la seule question qui mérite d’être posée, entre vrai et faux débat.