Algérie: la une trompeuse du magazine Jeune Afrique
Par N.TPublié le
Le magazine Jeune Afrique consacre cette semaine sa une aux 50 personnalités qu’il juge être « les plus influentes » en Algérie (n° 2877 du 28 février au 5 mars). Le lecteur est en fait invité à passer en revue la réputation d'hommes et de femmes dont on entend souvent parler dans les médias. Un curieux assemblage de politiques, de managers, d’artistes, de sportifs… auxquels ont été ajoutés les écrivains Boualem Sansal et Kamel Daoud.
Said Bouteflika, Monsieur Frère, a l’honneur d’ouvrir la liste, suivi du premier ministre, Abdelmalek Sellal, du chef d’Etat-Major, du directeur de cabinet de la présidence, du coordinateur du renseignement, nouveau chef de la police politique en fait, du patron des patrons, de l’incontournable Amar Saâdani, secrétaire général du FLN (ex-parti unique) devenu la coqueluche des médias.
Sont ensuite cités pêle-mêle, le ministre de l’Industrie, celle de l’Education, le boss de la police, le PDG d’Air-Algérie, le caricaturiste Ali Dilem, Louisa Hanoune du parti des Travailleurs, Cheb Khaled, quelques footballeurs, le chanteur Idir et la chanteuse Souad Massi !
Dans les brefs récapitulatifs de leurs itinéraires respectifs, le lecteur algérien ne trouvera sûrement rien de nouveau, qu’il ne sait déjà.
Dans cet assemblage hétéroclite de mini-portraits, nulle trace en revanche de militants associatifs (à l’exception d’une seule) et des droits de l’Homme qui se dressent au quotidien contre les dérives totalitaires du régime, de syndicalistes de terrain qui activent hors de l’organisation caporalisée (UGTA), de leaders du mouvement des chômeurs qui crient le désespoir de millions de laissés-pour-compte, de journalistes muselés par le pouvoir, de patriotes dont on a trahi l'engagement armé pour la défense de la République sous menace des intégristes islamistes, d’anciens officiers supérieurs bannis, interdits d’expression, de personnalités et de militants de partis d’opposition... Autant de cercles dont "l'influence" sur la société algérienne est, qu'on le veuille ou non, bien réelle, même si elle n'est pas encore mesurable dans le contexte actuel.
Le regard sélectif du magazine le conduit à dresser une image trompeuse de l’Algérie. La liste donne impression d'avoir été soufflée dans les coulisses du pouvoir... du bidon.